L’espérance qui ne déçoit jamais ne peut être que Dieu seul. Elle nous ancre dans l’éternité, en nous donnant ce que seuls nous ne pouvons atteindre.
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La foi est un don extérieur venant du Saint-Esprit, alors que l’espérance a pour caractéristique de jaillir de l’intérieur de l’âme. L’explication qu’en donne Charles Péguy, dans Le Porche du Mystère de la deuxième vertu, est célèbre : « La foi que j’aime le mieux, dit Dieu, c’est l’espérance. […] Ce qui m’étonne, dit Dieu, c’est l’espérance. Et je n’en reviens pas. L’espérance est une toute petite fille de rien du tout. Qui est venue au monde le jour de Noël de l’année dernière. C’est cette petite fille de rien du tout. Elle seule, portant les autres, qui traversa les mondes révolus.
L’espérance ne va pas de soi
« La foi va de soi. La charité va malheureusement de soi. Mais l’espérance ne va pas de soi. L’espérance ne va pas toute seule. Pour espérer, mon enfant, il faut être bienheureux, il faut avoir obtenu, reçu une grande grâce. La Foi voit ce qui est. La charité aime ce qui est. L’espérance voit ce qui n’est pas encore et qui sera. Elle aime ce qui n’est pas encore et qui sera. Sur le chemin montant, sablonneux, malaisé. Sur la route montante. Traînée, pendue aux bras de des grandes sœurs, qui la tiennent par la main, la petite espérance s’avance. »
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Cette vertu théologale est donc toute tendue vers les biens à venir, vers l’éternité. Elle commence à goûter ce qu’elle ne possède pas encore mais qui lui est promis. En cela, elle est indéracinable, contrairement aux espoirs fragiles qui s’appliquent à ce qui passe. Saint Paul écrit aux Romains, à propos d’Abraham, que le patriarche a espéré contre toute espérance, ce qui est la marque d’une foi vive.
La prière de l’apôtre de l’espérance
Saint Claude La Colombière, le directeur spirituel de sainte Marguerite-Marie Alacoque, est l’apôtre par excellence de l’espérance, peut-être parce qu’il est aussi celui du Sacré Cœur qui nous promet sa miséricorde et une pleine communion avec lui. Cette prière qu’il rédigea est particulièrement admirable. Il est utile de la redonner dans son intégralité car elle peut aider, ô combien, à lutter contre toutes les tentations et à surmonter les dérélictions dans l’acédie qui proviennent généralement d’un manque d’espérance ou de son affaiblissement :
« Mon Dieu, je suis si persuadé que Vous veillez sur ceux qui espèrent en Vous, et qu’on ne peut manquer de rien quand on attend de Vous toutes choses, que j’ai résolu de vivre à l’avenir sans aucun souci, et de me décharger sur Vous de toutes mes inquiétudes : “Pour moi, mon Dieu, je dormirai et me reposerai dans la paix que je trouve en Vous ; parce que Vous m’avez, Seigneur, affermi d’une manière toute singulière dans l’espérance que j’ai en Votre divine bonté” (Ps 4, 9-10). Les hommes peuvent me dépouiller et des biens et de l’honneur, les maladies peuvent m’ôter les forces et les moyens de Vous servir, je puis même perdre Votre grâce par le péché ; mais jamais je ne perdrai mon espérance, je la conserverai jusqu’au dernier moment de ma vie, et tous les démons de l’enfer feront à ce moment de vains efforts pour me l’arracher : “Pour moi, mon Dieu, je dormirai et me reposerai dans la paix que je trouve en Vous…”
D’aucuns peuvent attendre leur bonheur de leurs richesses ou de leurs talents, d’autres s’appuyer sur l’innocence de leur vie, ou sur la rigueur de leurs pénitences, ou sur le nombre de leurs aumônes, ou sur la ferveur de leurs prières : “Parce que Vous m’avez, Seigneur, affermi d’une manière singulière dans l’espérance…” : pour moi, Seigneur, toute ma confiance c’est ma confiance même ; cette confiance ne trompa jamais personne : “Sachez que jamais personne qui a espéré dans le Seigneur n’a été confondu dans son espérance” (Eccl. 2, 11). Je suis donc assuré que je serai éternellement heureux, parce que j’espère fermement de l’être, et que c’est de Vous, ô mon Dieu, que j’espère : “C’est en Vous, Seigneur, que j’ai espéré ; ne permettez pas que je sois confondu à jamais” (Ps. 30, 2).
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Je connais, hélas ! je ne connais que trop que je suis fragile et changeant, je sais ce que peuvent les tentations contre les vertus les mieux affermies, j’ai vu tomber les astres du ciel et les colonnes du firmament, mais tout cela ne peut m’effrayer : tant que j’espérerai je me tiens à couvert de tous les malheurs, et je suis assuré d’espérer toujours, parce que j’espère encore cette invariable espérance. Enfin, je suis sûr que je ne puis trop espérer en Vous, et que je ne puis avoir moins que ce que j’aurai espéré de Vous. Ainsi, j’espère que Vous me soutiendrez dans les tentations les plus violentes, que Vous ferez triompher ma faiblesse de mes plus redoutables ennemis ; j’espère que Vous m’aimerez toujours, et que je Vous aimerai aussi sans relâche ; et pour porter tout d’un coup mon espérance aussi loin qu’elle peut aller, je Vous espère Vous-même de Vous-même, ô mon Créateur, et pour le temps et pour l’éternité. Ainsi-soit-il. »
L’expérience de l’éternité
Profondeur mystique de la vertu d’espérance qui redouble son objet en espérant l’espérance même. Avec un tel maître spirituel, nous sommes certains d’être entre de bonnes mains pour mieux connaître cette vertu théologale qui passera comme la foi mais qui nous introduit dans l’expérience actuelle de l’éternité. Dans l’Épître aux Hébreux, il est rappelé aux fidèles que leur consolation provient de la recherche et de l’acquisition des biens qui sont proposés par l’espérance, « laquelle sert à notre âme comme d’une ancre ferme et assurée » (6, 19). Voilà pourquoi cette vertu est traditionnellement représentée avec comme attribut une ancre, ceci dès les fresques des catacombes romaines, car la bienheureuse espérance du chrétien est d’atteindre la vie éternelle pour laquelle les premières générations de baptisés ont versé leur sang. Il s’agit du « casque de l’espérance du salut » dont parle saint Paul dans sa première Épître aux Thessaloniciens (5, 8). Le signe qu’elle est bien présente est qu’elle procure la joie, alors que son absence provoque une tristesse indéracinable. Elle permet, comme le souligne l’Épître aux Romains (12, 12), de tenir bon au sein des maux et des tribulations.
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Atteindre Dieu lui-même
Nous réduisons très souvent l’espérance à une force qui nous permet simplement de tenir bon, de faire contre mauvaise fortune bon cœur. Or, son objet est bien la béatitude éternelle, la communion avec Dieu. Elle nous transporte à l’intérieur du voile, pour reprendre une autre image paulinienne appliquée à la béatitude céleste. Cette fois, c’est elle qui nous prend par la main pour nous conduire alors que nous hésitons ou que nous doutons. Dans son encyclique sur l’Espérance, Spe salvi, le pape Benoît XVI écrivait ceci : « La vraie, la grande espérance de l’homme, qui résiste malgré toutes les désillusions, ce peut être seulement Dieu. […] Nous avons besoin des espérances — des plus petites ou des plus grandes — qui, au jour le jour, nous maintiennent en chemin. Mais sans la grande espérance, qui doit dépasser tout le reste, elles ne suffisent pas. Cette grande espérance ne peut être que Dieu seul, qui embrasse l’univers et qui peut nous proposer et nous donner ce que, seuls, nous ne pouvons atteindre. » Saint Thomas d’Aquin, dans son traité sur l’espérance de la Somme théologique (IIa-IIae, q.17, art 2, conclusion), ne dit pas autre chose : « L’espérance, dont nous nous occupons, atteint Dieu, en s’appuyant sur son secours pour parvenir au bien espéré. » Dieu ne promet pas le bonheur mais la béatitude. L’espoir humain peut poursuivre le bonheur comme son objet, mais il risque d’être déçu et frustré. L’espérance s’attache au contraire à ce qui ne peut pas décevoir. Georges Bernanos distingue bien ce qui peut combler de ce qui ne peut rassasier : « N’espèrent que ceux qui ont eu le courage de désespérer des illusions et des mensonges où ils trouvaient une sécurité qu’ils prenaient faussement pour de l’espérance » (La liberté, pour quoi faire ?).
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Un pur désir
L’espérance ne réside qu’en Dieu qui est le seul à pouvoir nous amener à la béatitude promise pour l’éternité. Nous savons que rien n’est gagné d’avance et que nous devons conserver au cœur cette crainte de Dieu salutaire qui est respect et désir pur. L’espérance n’est pas une manière facile de distraire son esprit des épreuves ou de démissionner face à l’état du monde, le plus souvent catastrophique. Elle affirme et confirme la foi, qui est première par rapport à elle, et elle va de pair avec la charité qui l’informe.
En 1944, Paul Claudel parlait de la France qui avait retrouvé l’espérance. Ce type d’espérance ne suffit pas, celle de recouvrer la liberté ou l’honneur. L’espérance qui nous porte à bout de bras est celle qui nous introduit délicatement dans l’antichambre du Paradis.
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