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Comment l’égalité s’inscrit-elle dans la nature humaine ?

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Père Matthieu Villemot - publié le 11/04/19
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L’égalité de principe entre tous les hommes se heurte à des inégalités de fait aux effets sociaux parfois positifs, parfois négatifs. Comment définir la véritable égalité inscrite dans la nature humaine ?L’égalité est une problématique centrale de l’histoire de France. Elle est présente dans la devise de la République mais reste bien souvent difficile à caractériser. Trois pistes peuvent néanmoins être avancées pour la définir : tout d’abord une démocratie ne peut pas supporter longtemps de trop grandes inégalités. Ensuite, l’égalité stricte n’est pas réellement définie. La seule attitude possible consiste à identifier les inégalités les plus graves et les combattre. Enfin, il faut avant tout tenir une égalité métaphysique et spirituelle de toutes les personnes humaines.



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Inévitables inégalités

Il existe des arguments forts en faveur de l’inégalité. Certains estiment que l’inégalité est nécessaire au dynamisme de la société. D’autres font valoir que les tentatives pour établir une égalité parfaite, comme le communisme, ont abouti à l’inverse. Enfin, il y a des inégalités individuelles invincibles : je ne courrai jamais comme Usain Bolt !

De trop graves inégalités fragilisent la démocratie. En théorie, le vote du pauvre et celui du milliardaire ont le même poids. Dans les faits, c’est faux. Le SDF ne peut pas s’inscrire sur les listes électorales. Les députés se recrutent parmi les classes aisées, ce sont eux qui fixent les règles électorales ou dessinent les circonscriptions. Cela leur donne un poids considérable. Les gens qui estiment n’avoir plus rien à perdre ont plus de mal à se sentir solidaires de la société. Du coup, ils ont tendance à moins voter.

L’égalité pure et simple ne peut pas être définie

L’égalité de revenus est un critère abstrait. Le revenu est facile à objectiver par des chiffres fiables. Cela n’est valable qu’à gros grain. Dès que l’analyse entre dans les détails, il est quasiment impossible de chiffrer le niveau de vie réel des individus. Pour que l’handicapé en fauteuil électrique mène la même vie que moi, il lui faut des revenus nettement supérieurs aux miens.

Même si l’égalité de revenus était accessible, elle laisserait demeurer d’autres inégalités graves. Il ne suffit pas d’avoir de l’argent, il faut savoir quoi en faire. Quand bien même un décret mettrait au même niveau financier deux familles d’origine différente, la famille où tout le monde est bac + 5 depuis des générations multipliera vite ses revenus, quand la famille issue d’un monde précaire risque fort de perdre une partie de cet argent dans des opérations hasardeuses éventuellement au profit des précédents.

L’égalité des droits

D’où une autre dimension essentielle de l’égalité, l’égalité des droits. Là aussi, il semble que la question soit assez claire. La loi ne doit pas faire de différence entre les individus. Mais là aussi, l’égalité devient impossible à définir au-delà des grandes généralités. Il ne sert à rien d’avoir un droit si on n’est pas capable de s’en servir. C’est bien beau de déclarer que tout citoyen a le droit de passer le permis de conduire, mais vu le prix des formations, et plus encore des voitures, cette égalité de droit est formelle.


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Au-delà de ces problèmes techniques, il y a une difficulté de principe. Pour établir une égalité de droits, il faut établir une population concernée par ce droit. Prenons deux exemples : les destructions d’embryon et la polygamie. Le droit de conserver sa vie est constitutionnel. Selon ce principe, je suis hostile à toute destruction d’embryon puisque le droit de défendre sa vie est égal entre la mère et l’embryon. Mais de plus en plus, les lois européennes disent que l’embryon n’est pas une personne humaine. Dans ce cas, l’avortement devient un droit inconditionnel de la mère. Le débat ne porte pas sur l’égalité de droits mais sur la nature de l’embryon. Dernier exemple : la polygamie. La loi française condamne la polygamie au nom de l’égalité des femmes. Mais certaines femmes d’Afrique noire réclament le droit à la polygamie au nom de l’égalité des cultures.

Enfin, en France, depuis la Révolution, l’égalité des droits et l’égalité des revenus ont toujours été posées, à raison, comme concurrentes. Il est impossible de rendre parfaitement compatibles égalité de revenus et égalité de droits.

L’égalité fondamentale

Faut-il alors renoncer à l’idée d’égalité ? Non, l’égalité sociale est inaccessible mais deux niveaux d’égalité, métaphysiques et théologiques, doivent être posés, et les gouvernements ont intérêt à établir les inégalités les plus urgentes à combattre pour assurer le bien commun.


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Métaphysiquement, je tiens que toute vie humaine a la même valeur, la même dignité inconditionnelle. La vie de l’embryon non désiré, de l’handicapé profond, de l’immigré sans papier, ont la même valeur que la mienne. On m’objectera qu’une égalité définie de manière aussi large ne change pas grand-chose à la vie quotidienne. Mais elle a un rôle symbolique majeur : si cette égalité-là est niée, personne ne combattra les autres. C’est la pierre de fondation. Pour nous, croyants, cette égalité peut se redire autrement : Jésus est mort pour les paraplégiques autant que pour les peoples.

Cette égalité, inscrite dans la nature humaine, impose aux sociétés de l’inscrire autant que faire se peut dans les institutions. Poser ainsi l’égalité oblige à se motiver à combattre les inégalités les plus graves et les plus dangereuses. De ce point de vue, les indicateurs de revenus désignent des inégalités criantes. En France, je citerai deux autres inégalités : l’inégalité homme/femme et l’inégalité de sécurité. Les femmes souffrent encore d’inégalités de revenus, de carrière, intolérables. Par ailleurs, la France hurle qu’elle est en insécurité. Mais très peu signalent que l’insécurité est répartie de manière fortement inégalitaire dans le pays. Il est nécessaire que les populations surprotégées, auxquelles j’appartiens, fassent des sacrifices pour que les Français aient tous une vie vivable.

Pour aller plus loin :

MOOC de théologie du Collège des Bernardins Dix regards d’espérance sur le monde d’aujourd’hui, du 1er avril au 16 juin 2019. S’inscrire ici.

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