Les techniques managériales sont-elles déshumanisantes ? Pas nécessairement, si elles s’inscrivent dans un management équilibré entre éthique et performance pour le bien de tous.
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« Humaniser le management, un projet illusoire ? » La provocation d’Ibrahima Fall dans une chronique de La Tribune attire l’attention, et c’est le but ! Fall n’est pas un fantaisiste : entrepreneur, docteur en management, il maîtrise son sujet. On pouvait espérer de sa part un discours plus nuancé. Plutôt que de se contenter d’un humanisme verbeux et bourré de (faux) bons sentiments, il enfonce le clou : « Même un sinistre personnage comme Staline en son temps, parlait de l’homme comme le capital le plus précieux. » Son diagnostic : « Avec le management adossé à l’économie, il s’agit moins de “gérer” des hommes humainement que de gérer des ressources au service de la production de biens et de services. » Sa thèse : il est vain d’humaniser le management, il faut « aller à la source et réhumaniser l’homme pour l’aider à rompre avec les travers de l’esprit de quantité ».
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La gestion quantitative
On rencontre il est vrai cette désertion de sens dans nombre de pratiques managériales excessivement formalisées. La gestion quantitative axée sur la performance financière l’emporte souvent sur le respect réel de l’humain. Exit la préférence qui devrait légitiment être accordée à la valeur ajoutée globale. Cette tendance lourde est-elle une condamnation pure et simple du management ?
Sommes-nous invités à abandonner les pratiques managériales (« absurdes ») pour rester humains comme le laisse entendre Ibrahima Fall ? Je ne le crois pas, et il me semble que l’on peut tempérer ses conclusions.
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Le pire et le meilleur
Car la raison instrumentale est nécessaire à l’entreprise, elle est la source d’une performance à laquelle personne ne peut sérieusement songer à renoncer. Non, l’organisation n’est pas « satanique », non, le manager n’est pas nécessairement une machine à solutions, et n’est pas condamné à promouvoir la technique au détriment de l’humain. S’il est vrai que le système managérial comporte sa part rationnelle et performante, il ne se fait jamais sans êtres humains faits d’esprit et de chair. Au pire, le manager est capable de contraindre ses équipes à suivre une vision performante servant l’intérêt de l’entreprise sans aucun souci de ceux qui la mettent en œuvre. Ce qui est d’une redoutable bêtise, puisqu’il se montre aveugle sur la véritable dignité des personnes et inefficace sur le long terme de l’entreprise.
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Pour le meilleur, il faut mettre en exergue les générations de managers qui distinguent les tâches et les personnes : si les premières peuvent le plus souvent être quantifiées et gérées par le savoir-faire, les personnes sont d’un autre ordre, comme dirait Pascal. Elles demandent également un savoir être, un rapport à des valeurs partagées, une écoute, une reconnaissance, une négociation et le respect réciproque de règles communes. Ces managers savent résister à la dérive cynique du système qui ne raisonne qu’en termes de chiffres. Ils mériteraient qu’on les entende davantage.
Un double regard
Si le management est bien la conduite rationnelle d’une activité collective, le manager se doit d’obtenir des résultats et de faire grandir ses équipes : étymologiquement, autorité signifie augmentation. Ce double regard constitue la justesse et la difficulté de ce métier. Il révèle l’excellence des meilleurs managers et, bonne nouvelle ! ces managers existent. Il ne faut donc pas tant chercher à « réhumaniser l’homme » (est-ce d’ailleurs bien sérieux ?) que repérer ceux qui pratiquent un management équilibré entre l’efficacité et l’éthique, pour s’en inspirer. Ce qui paraît plus accessible et probablement plus efficace.