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Pour l’évêque d’Oran, « le XXIe siècle ne peut plus être le temps de la concurrence religieuse »

ALGERIA MASS

La canonisation des martyrs d'Algérie à Oran le 8 décembre 2018.

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Bérengère Dommaigné - publié le 21/03/19
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Lors des conférences de Carême organisées chaque année à la basilique de Fourvière à Lyon, Mgr Jean-Paul Vesco, évêque d’Oran (Algérie), est venu partager son expérience sur le dialogue interreligieux. En ces temps de tensions religieuses, ce témoignage propose un chemin vers la paix et la fraternité. Extraits.

Chaque dimanche de Carême sont organisées à Fourvière des conférences pour réfléchir sur la foi. Cette année, en souvenir du huitième centenaire de la rencontre de saint François d’Assise et du Sultan Malik al-Kâmil (1219-2019), ces conférences portent sur le dialogue et la rencontre entre chrétiens et musulmans. C’est dans ce cadre qu’est intervenu Mgr Jean-Paul Vesco, lyonnais d’origine, et évêque d’Oran depuis janvier 2013.

Pour aborder ce thème du dialogue interreligieux, l’évêque d’Oran ne souhaite pas entrer dans de grandes considérations théologiques, mais partir du concret, du vécu par l’Église en Algérie, en racontant l’incroyable et inédite béatification des 19 martyrs qui a eu lieu le 8 décembre dernier. Pour lui, cette béatification qui se déroulait à Oran, la rencontre en février entre le pape François et le grand imam sunnite Ahmed al-Tayeb à Abu Dhabi (Émirats arabes unis) et la perspective du voyage pontife au Maroc le 30 mars prochain méritent d’être relevés : « Ce sont trois événements majeurs sur le chemin du dialogue interreligieux ».

Le miracle des sourires

« Le 8 décembre, le ciel s’est ouvert à Oran, témoigne l’évêque des lieux qui était au premières loges pour la béatification. Comme un cadeau, ce ciel d’azur en plein cœur de l’hiver, avec des cœurs ouverts, nous avons vécu un moment de grâce, un miracle qui venait de loin » souligne Mgr Vesco avant d’évoquer tout le travail effectué en amont pour y parvenir : « Il ne fallait surtout pas choquer. Car outre les 19 martyrs, il y a eu près de 200.000 victimes en Algérie pendant cette période, dont une centaine d’imams, il n’était pas question de les oublier. C’est pourquoi, au début de la messe, nous avons rendu un hommage au peuple algérien, en évoquant toutes les victimes suivi d’une minute de silence. »

Et de poursuivre son récit : « Participaient à cette célébration toutes les autorités du pays, leurs représentants, de très nombreux imams. Sous les yeux des caméras, car cette messe a été diffusée dans le monde entier, Notre-Dame-de-Santa-Cruz, sur les hauteurs d’Oran, est devenue l’illustration de l’accueil et de la différence religieuse. Quelle belle image pour l’humanité ! » Puis ce fut la rencontre des cœurs. « Notre œcuménisme parlait à chacun. C’est si simple d’accueillir ses frères… Béatification voulait dire Fraternité, la joie de se sentir frères et sœurs. Alors est apparu sur le visage de chacun un sourire. De tels sourires ne mentent pas, toutes les peurs, tous les calculs avaient disparu. C’était un sourire qui abolit toutes les distances. Pour moi, il y aura un avant et un après ce sourire. »

Préparez les chemins du Seigneur

« Le lendemain, j’ai pris conscience de la portée théologique de cette rencontre. « Préparez les chemins du Seigneur » nous dit l’Évangile de Matthieu. Nous ne connaissons pas les chemins du Seigneur, ceux qui disent les connaître se prennent pour Dieu et ils engendrent le fondamentalisme. Mais nous pouvons préparer ce chemin. Ensemble, musulmans et chrétiens, ce 8 décembre là, nous avons travaillé à l’avènement du royaume de Dieu. »

« Après cette expérience fondamentale pour moi, j’ai eu la forte impression de la revivre lors de la rencontre du pape François avec le grand imam Ahmed al-Tayeb à Abu Dhabi en février dernier, en mémoire de Saint François. Ces deux hommes ont fait l’expérience de la rencontre. On retrouve dans leurs regards le même sourire vu le 8 décembre. Dans ce regard, il y a la lumière d’Oran. Ils ont partagé au monde le fruit de cette amitié, en écrivant une déclaration commune sur la fraternité humaine. Ils sont deux croyants qui se reconnaissent croyants et qui disent au monde : « Arrêtons de nous battre et de nous déchirer, unissons nos forces pour construire un monde de paix ».

"Ce document fondamental renouvelle la compréhension théologique de la fraternité humaine. Cette fraternité n’est pas complète si on ne reconnaît pas à l’autre un accès au salut, dans la foi qui est la sienne. Le Pape n’imagine pas que l’imam va se convertir ni l’inverse, et pourtant aucun n’imagine que l’autre court à sa perdition.Cette déclaration est le fruit d’une rencontre, elle-même théologie en acte. Ce fut la même expérience le 8 décembre, quand les cœurs et les sourires se sont rejoints. Le XXIe siècle ne peut plus être le temps de la concurrence religieuse !"

La rencontre de saint François avec le Sultan, la béatification à Oran, le pape François à Abu Dhabi et bientôt à Rabat, tout cela ce sont des premiers pas sur le chemin de la rencontre interreligieuse. C’est le chemin des premiers pas qu’il nous faut sans cesse recommencer."

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