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Le christianisme est souvent présenté comme la religion des faibles et de la douceur. Cela est vrai : les perdants de la vie, les esquintés de l'existence, savent qu'ils seront compris par Celui qui acheva sa course sur une croix. De même, les doux et les non-violents sont les premiers héritiers du Royaume.
Regarder la réalité en face
Cependant, la foi chrétienne n'est pas un émollient qui aurait pour but de cacher et adoucir les aspérités de l'existence. Au contraire, elle sait regarder la réalité en face. Le rituel de l'imposition des cendres est une piqûre de rappel qui met devant nos yeux, et surtout dans notre esprit, la dure vérité de la mort. À cette occasion le prêtre a le choix entre deux formules : « Convertissez-vous et croyez à l'Évangile », ou bien : « Souviens-toi que tu es poussière, et que tu retourneras à la poussière ». Cette deuxième apostrophe est plus rude que la première !
Que l'Église nous rappelle notre condition précaire en introduction du temps spirituel le plus fort de l'année (le Carême), et cela sans périphrase ni édulcorant (le verset est issu du livre de la Genèse, et l'Ancien Testament n'est pas connu pour enjoliver outre-mesure la réalité), est bien la preuve que le christianisme ne constitue pas une croyance qui agirait comme un onguent sur nos plaies purulentes. L'Évangile n'est pas une consolation bon marché, un opium capable de faire avaler dans les meilleures conditions la pilule de la dureté des temps. De même, le Carême n'est pas seulement un stage de remise en forme spirituelle. Si appel à la conversion il y a, c'est bien que la situation n'est pas particulièrement florissante. Le péché a laissé des traces et des conséquences derrière lui — et continue à en laisser.
Lutter contre nos servitudes
Pour cette raison le christianisme n'est pas une religion pour sentimentaux doucereux. Ne confondons pas le primat accordé aux faibles et aux petits, avec avachissement spirituel et fadeur doucereuse. À l'âge classique, un Bossuet savait parler aux chrétiens un langage énergique et viril. Il ne s'agissait pas alors de s'amollir dans les sucreries de bons sentiments, mais de prendre la mesure que le temps était court, et qu'il fallait se décider énergiquement pour le Christ, même si le Royaume était d'abord un don de Dieu. C'est ce qui explique la réaction véhémente de Bossuet contre le quiétisme, qui, estimant superflue toute ascèse volontariste, se contentait du « pur amour ».
Précisément, le mercredi des cendres est une journée de jeûne qui incite à un retournement, afin que nous mesurions la gravité de la situation. Les bons sentiments ne suffisent pas. Ce serait de la présomption. De multiples chaînes entravent nos mouvements spirituels. Un exemple parmi d'autres : le bruit. Et si ce jour de jeûne était l'occasion pour nous de partir au désert, de jeûner de bavardages, de télévision et de réseaux sociaux ? Écouter le silence. Oser affronter le silence. Combien sont-ils à ne pouvoir supporter de se retrouver seuls avec eux-mêmes, à avoir la hantise des « blancs sonores », et qui les meublent avec de la musique ou des logorrhées susceptibles de leur cacher leur vide intérieur ?
Lucidité à propos du mal protéiforme
Non, la foi chrétienne n'est pas la religion des faibles remplis de ressentiment envers la vie, comme le pensait Nietzsche. Certes, le chrétien se sait déficient, un pauvre hère indigne de la vocation surnaturelle à laquelle le Christ l'appelle. Plus : il affectionne venir en aide aux plus fragiles d'entre nous. Mais cela n'amoindrit pas sa virilité pour affronter l'existence telle qu'elle est. Mieux : le disciple du Christ sait repérer les esclavages là où le Consommateur ne voit que confort et bien-être.
« Souviens-toi que tu es poussière, et que tu retourneras à la poussière » : le mercredi des cendres, en nous encourageant au bon combat contre les servitudes intérieures et extérieures, débute logiquement par un exercice de clairvoyance sans concession. La volonté en effet doit toujours être éclairée par l'intelligence pour passer à l'action. Après cela, accuser le christianisme d'être une simple pommade pour adoucir les chocs de l'existence, est une contre-vérité.
De toutes les écoles de vie, il est celle qui affronte le mal avec le plus de réalisme et de pugnacité. Il est vrai que la Révélation, en même temps qu'elle porte au jour l'inouï du Bien qui est Dieu, lève également le voile sur les abîmes de la perdition, ainsi que sur les mille et un artifices derrière lesquels se camoufle l'ange du mensonge. Loin d'être des déserteurs, les chrétiens se trouvent au contraire aux postes avancés de la lutte contre le mal. Qui les accusera dès lors d'être d'inoffensifs rêveurs ?