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Ce n’est pas le fait que Bernadette soit l’aînée de neuf enfants, ni qu’elle s’occupe souvent de ses petits frères et sœurs… Non, ce n’est pas ça. Ce n’est pas non plus son expérience de la vie à six dans cette pièce sombre et humide de Lourdes, appelée le cachot… Ce n’est pas davantage sa vie de religieuse, plus tard, à Nevers. Tout ceci ne suffit pas à faire de sainte Bernadette une maîtresse de la vie communautaire. Car ces quelques éléments sont somme toute assez communs, surtout en cette seconde moitié du XIXe siècle. Mais à cette vie pauvre et quelconque se sont greffées les extraordinaires apparitions de la Vierge Marie. C’est de ce récit qu’on peut déduire, au-delà du message même des apparitions, quelques principes utiles à tous ceux qui partagent un même toit.
N’ayez pas peur du silence
Quelles lumières se dégagent des apparitions de Lourdes pour notre vie relationnelle ? Du 11 février au 16 juillet 1858, Bernadette verra 18 fois celle qu’elle appellera Aquero, c’est-à-dire « ceci » en bigourdan. Plus de la moitié de ces apparitions de la Vierge se dérouleront sans un mot. Bien sûr, l’amitié repose sur la mutuelle bienveillance et la communication des vies, mais elle est très éloignée du bavardage et du buzz. La vie à plusieurs doit ménager des moments de silence, comme autant d’écrins sur lesquels viennent émerger le trésor de la parole. Bernadette décrira d’abord comment elle fut touchée par le regard de Marie : « Elle me regardait comme une personne qui parle à une autre personne. » Aussi pénible que puisse être mon voisin, c’est une personne. Si je n’arrive pas à lui parler, je peux au moins le gratifier de mon sourire.
N’ayez pas peur de vous répéter
Les apparitions 9, 10 et 11 d’une part et 13 et 14 d’autre part ne sont que répétitions. Ainsi va la vie, faite de rituels et d’habitudes : certaines de nos demandes importantes peuvent, doivent être réitérées. De même, il faut accepter que ceux qui partagent notre toit se répètent ! Les grands de ce monde n’ont jamais qu’eu une ou deux idées, qu’ils ont répétées toute leur vie, sur tous les tons… Et c’est ainsi qu’on s’en souvient !
Il nous faut passer du temps ensemble
On peut noter la délicatesse de la Vierge : ce n’est pas elle qui donne de son temps à Bernadette mais elle lui demande : « Me feriez-vous la grâce de venir ici pendant quinze jours ? » Oui, il faut du temps pour devenir des amis, des frères : il faut avoir vidé un sac de sel ensemble, dit Aristote, il faut accepter de « brûler » du temps comme Saint-Exupéry l’a écrit si génialement dans le Petit Prince : « C’est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante. » Et si la Pénitence n’est plus tellement à la mode, chacun comprend qu’il convient de consentir à quelques sacrifices pour faire plaisir à l’autre, ne serait-ce que dans ce temps consommé à deux, à plusieurs.
« Allez boire à la fontaine et vous-y laver »
La vie communautaire est nécessairement faite de frictions, pour ne pas dire de conflits, et invite, par-delà les difficultés, à venir boire à la même source. Il s’agit, quand ce sera possible, de prier ensemble. D’ailleurs Marie ne dit pas « Prie » à Bernadette mais « Priez ». La prière des psaumes permet de dire, côte à côte, nos sentiments au Seigneur, les sentiments de Jésus lui-même, car tous les psaumes décrivent la prière même du Christ. Notre colère, notre action de grâce, notre soif de justice, même nos ressentiments : tous ces ressentis s’en trouvent transcendés. Quant au besoin d’être lavé, il est bien sûr possible par le pardon, demandé ou accordé, et à plus forte raison, pour les catholiques, dans le sacrement de réconciliation.
« Qu’on vienne ici en procession et qu’on y bâtisse une chapelle »
C’est finalement le but ultime de notre vie que de quitter notre toit pour marcher ensemble vers le Sanctuaire. Bien sûr, il y a pour ça tous les pèlerinages, les retraites, et les séjours… qui ne sont qu’une illustration du grand pèlerinage qui nous attend, ou plutôt où nous sommes attendus par Dieu lui-même. Nous ne sommes pas faits pour demeurer dans cette maison, cet appartement, cette tente. Il nous faudra partir, pour découvrir « ce bonheur de l’autre monde » annoncé par Marie.
« Quel est votre nom ? »
C’est la question de Bernadette à Notre-Dame au terme de leurs échanges lors de la seizième apparition. Nous, nous sommes habitués à poser cette question au tout début d’une relation, lorsque nous rencontrons quelqu’un : il est vrai que souvent le prénom dit quelque chose de la personne que nous rencontrons. Mais en fait, c’est souvent après un long temps partagé que l’on comprend la véritable identité de son interlocuteur. Bernadette d’ailleurs ne la comprendra pas toute seule. Elle entendra les mots d’« Immaculée Conception », elle ira les rapporter à son curé. C’est souvent une personne extérieure qui m’aide à comprendre la vérité de ma relation avec quelqu’un.
Quelle est ton histoire ?
Bernadette-Marie Soubirous deviendra Sœur Marie-Bernard le 2 juillet 1866. La prieure demande qu’elle raconte une fois son histoire et puis les autres religieuses n’auront plus jamais le droit de la questionner à ce sujet. Laissons à chacun de nos amis, frères, sœurs, colocs le droit de raconter leur vie cabossée, comme la nôtre, peut-être. Et de ne pas sans cesse y revenir, pour ne jamais enfermer les personnes dans leur passé mais les ouvrir à un avenir, celui d’une vie ensemble. Du coup, quand on l’interroge, elle répond humblement : « Bernadette, ce n'est que ça ! »
Bernadette écrira en mai 1866, deux mois avant de rejoindre le couvent de Nevers, sa joie d’avoir reçu les apparitions. Que ce colloque intérieur nourrisse tous les colocs de l’univers !
Note : Merci à Philippe de Lachapelle, directeur de l’OCH et Président de l’APA, à qui ce texte doit beaucoup…