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Préjugix 200mg, le premier médicament anti-préjugés distribué en pharmacie

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Axelle Partaix - publié le 02/01/19
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Mettre en boîte les préjugés, au sens propre comme au sens figuré, c’est le pari que s’est lancé une association lot-et-garonnaise pour lutter contre les idées reçues et les stéréotypes à l’aide d’un “médicament” un peu spécial. Délivré sans ordonnance, il n’a que des effets désirables, ne présente aucune contre-indication ni risque de surdosage !“Les dépressifs sont des paresseux qui manquent de volonté…  Les seniors nous coûtent cher… Une femme battue qui reste avec son mari, c’est qu’elle aime ça … Je veux bien embaucher un handicapé mais on ne pourra pas compter sur lui…” Les préjugés ont la vie dure ! Ne dit-on pas “qu’il est plus facile de désintégrer un atome qu’un préjugé” ? Ces paroles d’Albert Einstein en disent long sur la force des mots, des regards et des comportements stigmatisants et négatifs pour ceux qui en font l’objet. À la longue, ils détruisent l’estime de soi et la confiance en l’autre, isolent les personnes et peuvent avoir de graves conséquences. Bref, les préjugés font du mal au vivre ensemble !

“Nous avons tous des préjugés, c’est normal. Ce qui ne l’est pas, c’est de les entretenir et de les laisser se transformer en vérité”, explique Patrick Delpech, artiste plasticien et fondateur de O.S. l’association, une structure destinée à changer les regards pour faire tomber les a priori. “Le préjugé est l’étape qui ouvre la porte à la discrimination. En agissant en amont, en identifiant nos préjugés, on peut les “traiter”, et c’est là qu’intervient préjugix”, détaille-t-il.

Des préjugés “mis en boîte”

Préjugix 200 mg, première version du “médicament”, se présente sous la forme d’une boîte de sirop contenant neuf textes roulés. Chaque texte a été conçu par une association, une institution ou une structure représentant des personnes faisant quotidiennement l’objet de préjugés. Chacune exprime par ce biais les idées reçues les plus répandues, ses réactions et le message qu’elle souhaite délivrer. Une notice générale a été rédigée par les bénévoles d’O.S. à l’image d’une posologie (presque !) traditionnelle. C’est ainsi qu’ont déjà été “mis en boîte” : le handicap physique, la dépression, les familles de malades psychiques, le handicap mental, les jeunes, les violences conjugales, la reconversion professionnelle, l’homosexualité.

L’association a commencé à l’échelle locale fin 2015 en éditant 5.000 boîtes destinées à l’agglomération de Villeneuve-sur-Lot. Aujourd’hui, ce sont les douze départements de la région Nouvelle Aquitaine qui participent au projet et travaillent sur une nouvelle version plus “concentrée” du préjugix, le 400 mg. “La boîte aura un format différent pour accueillir les seize textes correspondant aux seize nouveaux thèmes traités (dont la tyrannie de l’apparence et l’alcoolisme)”. Et cette fois, ce ne sont pas moins de 75.000 boîtes de préjugix qui vont être fabriquées dès le mois de mars 2019.


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Une quantité qui répond à la notoriété croissante de l’association. “Tout va très vite, le nombre de partenariats ne cesse d’évoluer : associations, EHPAD, missions locales, entreprises, organismes comme AG2R-La Mondiale utilisent les boîtes pour sensibiliser leurs salariés ou leurs intervenants, ou souhaitent jouer un rôle dans l’élaboration et la fabrication du 400 mg. Des commandes arrivent d’un peu partout en France, et même de l’étranger”, se réjouit Patrick Delpech. “Nous avons envoyé des boîtes en Belgique, en Suisse, au Québec, au Chili et au Burkina-Faso. Je suis aussi en contact avec une psychologue scolaire qui va partir avec des boîtes de préjugix 200 mg pour faire des interventions en Tunisie”.

Les associations et les institutions qui travaillent avec nous ont chacune leurs propres compétences”, précise Patrick Delpech. “En aucun cas nous ne voulons prendre leur place, mais nous leur proposons un cadre pour faciliter leur message. Ils ont le fond, nous leur proposons la forme. Pour les pays étrangers, il y a bien sûr un travail d’adaptation à la culture du pays d’accueil par les intervenants locaux”.

“Une approche novatrice”

Une approche plébiscitée par Olympe Larue, du Secours catholique, qui a travaillé avec préjugix dans le cadre d’un partenariat avec O.S. : “C’est un outil accessible et vraiment pédagogique. La démarche est tout à fait novatrice et le fait d’utiliser cette présentation a un double intérêt : il permet d’atteindre plus facilement les gens, plutôt habitués aux supports classiques comme les campagnes d’affichage ou les conférences. Avec préjugix, c’est différent, l’originalité du concept crée un effet de surprise et éveille la curiosité. D’autre part, bien souvent les personnes ne se sentent pas concernées ou n’osent pas dire ce qu’elles pensent vraiment. La lecture des témoignages les invite à prendre conscience de leurs propres préjugés et à réfléchir sur les conséquences que cela peut avoir de s’arrêter aux apparences et de ne pas remettre en question ses idées reçues. Le dialogue s’installe beaucoup plus facilement.”

De nombreux enseignants, éducateurs, médiateurs, associatifs, utilisent aussi librement préjugix pour démarrer un travail de sensibilisation. Pour le grand public, une partie des boîtes est distribuée (gratuitement) en pharmacies comme des médicaments classiques.



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Et les boîtes servent également de support pour les prejugix parties organisés par O.S. l’association auprès des jeunes et dans les entreprises. Au programme : conférences créatives, sensibilisations et ateliers de création artistique mais aussi escape games, jeux théâtraux ou jeux d’apprentissage kahoot !1 qui permettent de créer un climat de partage et de convivialité propice à la rencontre de publics très différents. “L’art permet de traiter tous les sujets. Réfléchir et créer collectivement est fondamental pour nous”, confie Patrick Delpech. “O.S. signifie d’ailleurs Open Space, c’est ouvert à tous ! Dans notre société, nous sommes conditionnés pour croire que l’on ne peut vivre qu’avec ceux qui nous ressemblent. Il semble alors plus facile de se laisser piéger par un préjugé que de faire la paix avec les autres. Plutôt que de continuer à mettre le doigt sur ce qui fait mal et divise les gens, nous, nous cherchons à les rapprocher. Jouer ensemble favorise la curiosité plutôt que la peur de l’autre, la communication s’installe spontanément et avec bienveillance. Elle permet de défaire les nœuds des incompréhensions, la parole se libère, les participants osent s’exprimer même sur des sujets sensibles, et au final, mettent de façon naturelle des mots sur les maux”.

D’où la pluralité des sujets : “Au départ, on peut n’être intéressé que par un seul des thèmes traités, puis par curiosité, on va aller lire un ou plusieurs autres témoignages. Cela permet de dépasser ses premières impressions, de s’ouvrir aux autres et de les découvrir pour finalement arriver à réfléchir ensemble. Ces évènements sont importants pour faire comprendre notre approche et tisser des liens de confiance. Ils contribuent aussi à fédérer les membres de l’association, tous bénévoles, qui s’investissent sans compter sur ce projet.”

Préjugix 200 mg a reçu la caution de l’ordre national des pharmaciens, condition indispensable pour être distribué en pharmacie, il est aussi labellisé par les autorités et a été récompensé d’un prix OCIRP Handicap (Organisme Commun des Institutions de Rente et de Prévoyance) dans la catégorie Communication / sensibilisation.


(1) kahoot ! est une application en ligne permettant de générer des QCM interactifs, des sondages, des discussions. Utilisés sur tablette, iphone ou ordinateur, ils donnent la possibilité de s’auto-évaluer, tout en visualisant en direct son degré de réussite ainsi que celui des autres participants.

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