Parti d’une hausse du prix des carburants, le mouvement des Gilets jaunes traduit la colère et le sentiment d’injustice ressentis par de nombreux Français. Face à cette violente contestation sociale, quelles paroles pour tenter d’expliquer, de comprendre et d’apaiser ? Aleteia a demandé à plusieurs prêtres ce qu’ils percevaient de ce mouvement.Ils sont dans les grandes villes et les campagnes, côtoient des travailleurs, des retraités mais aussi les plus précaires et les plus isolés. Les prêtres, à la fois pasteurs et citoyens, ont une parole attendue sur ce qui se passe dans le monde. Aleteia a échangé avec plusieurs curés sur le mouvement des Gilets jaunes afin de savoir s’ils sentaient cette détresse humaine décrite par certains mais aussi s’ils avaient des conseils sur la juste attitude à adopter.
Une mission de vérité et de discernement
Curé dans la Nièvre, l’abbé Sébastien mesure l’ancrage de ce mouvement. « Nevers fait partie de ces villes moyennes en perte de vitesse qui ont souffert ces dernières décennies de la fin de l’industrialisation, du chômage et de la précarité. C’est de cette réalité qu’ont émergé les Gilets jaunes », analyse-t-il. « Cela fait plusieurs années que je constate cette réelle détresse, que ça soit au sein des familles qui ont des enfants au catéchisme, des personnes que je croise au marché, à la salle de sport. Je comprends la situation qui a fait émerger une telle colère. Cela fait plusieurs années que des gouvernements successifs tentent de nous faire vivre en dehors du réel », confie le prêtre. « Je ne suis pas du genre à prêcher toujours avec un lien avec l’actualité. Mais j’attache beaucoup d’importance à prêcher dans le réel et à manifester que notre foi doit avoir des répercussions dans notre manière d’accompagner les pauvretés, d’ouvrir les yeux sur ce qui nous entoure ».
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« Il faut écouter ce qui se dit, poursuit-il. Une parole chrétienne peut être intéressante pour aider à faire le tri et aider à avoir un discernement sur les différentes colères qui s’expriment. Je remarque que parallèlement d’authentiques gestes de solidarité se mettent en place. Des personnes sortent d’un individualisme pour traverser ensemble ces luttes », indique encore le curé. « Si on accompagne bien ces mouvements là, il est possible de voir germer de vrais gestes de solidarité où les gens se parlent, s’entraident. Ce fondement est intéressant à évangéliser. C’est là où on voit que la réponse humaine est essentielle. Être au fond du gouffre peut révéler le meilleur (l’entraide et la solidarité) comme le pire (les violences). Si le gouvernement ne le fait pas, l’Église aura sa place pour accompagner ces expressions, ces gestes de solidarité… ». Loin de Paris, les revendications s’expriment avec plus de bienveillance que de violence, affirme le père Sébastien. « L’Église a une mission de vérité et de discernement pour éclairer sur ce mouvement, et réfléchir à la juste attitude médiatique à adopter fait partie de notre boulot ».
L’engagement
« Mes paroissiens me parlent peu du mouvement, relève pour sa part l’abbé Vincent qui officie dans la région de Saumur (Maine-et-Loire). Mais si le sujet venait à être évoqué, je les inviterai à aller puiser dans deux ressources. D’abord la doctrine sociale de l’Église afin de se remémorer le rôle de l’État, celui de la société, de la place du travail, et, et c’est peut-être le plus important, les notions de vivre-ensemble et de bien commun. La deuxième ressource est celle de l’engagement chrétien dans le monde politique, associatif, économique… Il est important et attendu. C’est sur ces deux volets que j’essayerai de les faire réagir », indique le pasteur.
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« Je vois beaucoup de gens qui connaissent des difficultés financières, qui souffrent, qui sentent qu’ils ne sont pas entendus, qui ne comprennent plus le système et qui se sentent abandonnés », explique le père Aymeric, qui vit près de Cholet (Maine-et-Loire). « Ces souffrances je les constate mais cela ne justifie pas les violences qu’on a vu le week-end dernier (un point de vue partagé par tous les prêtres interrogés, ndlr). Le respect des uns et des autres est central. Se faire entendre, oui, mais dans le respect mutuel », résume l’homme d’Église.
Ne pas revêtir de gilet jaune, revêtir le Christ
« J’en ai parlé au début de la messe en disant que dans un climat de violence, les chrétiens ne devaient pas mettre de gilets jaunes mais revêtir le Christ et adopter un discours de paix et de bienveillance. Ils doivent être à l’écoute des cris des hommes et femmes de ce temps. Nous devons être du côté de ceux qui apaisent », affirme le père Christophe qui vit à 90 kilomètres de Lille. En ce temps de l’Avent, il a invité ses paroissiens à faire un jeune des médias « qui nous abîment ». « Comme l’a dit Jésus, nous sommes dans le monde mais nous ne sommes pas du monde », rappelle le père Christophe. Dans une société bouleversée, à chacun donc de revêtir le Christ et de porter un message de paix et d’apaisement dont le monde a tant besoin.
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