Étienne Leroi, directeur général de N. Schlumberger, est lauréat du prix Philibert Vrau 2018 de la Fondation des entrepreneurs et dirigeants chrétiens (EDC). Il décrit une application pragmatique de la pensée sociale chrétienne.
Nous sommes au début des années 2000. Après une vingtaine d’années passées chez un fabricant de rotatives dans l’Oise, Étienne Leroi prend la direction générale de N. Schlumberger, un fabricant de machines et lignes de production intégrales pour les industries textiles, à Guebwiller, dans le Haut-Rhin. « Quand je suis arrivé, le nombre de salariés venait de passer de 1.000 à 350, raconte-t-il. La première chose que j’ai faite a été de mesurer la capacité de l’entreprise par rapport au marché. L’entreprise étant en cessation de paiement, j’ai dû commencer par un licenciement sec de 150 personnes. Je ne voulais pas licencier. Pourtant j’ai dû le faire pour que l’entreprise continue d’exister ».
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« J’avais en face de moi des gens apeurés, désespérés. En douze ans ils avaient vécu cinq plans de licenciements », poursuit Étienne Leroi. Membre des EDC depuis vingt ans, il y trouve des ressources et des clefs. Dans la prière aussi. « Après cette épreuve je me suis dit : maintenant Seigneur, donne-nous la force d’aller plus loin et de nous forger un destin”, se souvient-il. Il commence par écouter les salariés en sollicitant des consultants chargés d’interviewer les 200 salariés restants et de noter, de manière anonyme, ce qu’ils pensaient. « J’ai ensuite demandé que ces mots soient lus devant les quatre personnes de la direction et l’ensemble des salariés. Nous avons écouté. À ce moment-là, je me suis dit que nous étions sur le chemin, dans la vérité », indique le directeur général.
Des salariés autonomes et compétents
Aujourd’hui numéro 1 mondial dans son secteur, l’entreprise N. Schlumberger s’est profondément réorganisée. « Nous avons redéfini les processus, développés le lean management… et, surtout, nous nous sommes largement appuyés sur le principe de subsidiarité (fondé sur la capacité des plus petits niveaux d’autorité à résoudre leurs problèmes, ndlr.) qui a été très important dans cette restructuration », confie-t-il. « À partir du moment où les salariés sont autonomes et compétents, le chef ne cheffe pas, il ne commande pas, il n’est là que pour aider ses équipes dans leurs prises d’initiatives. Quand, à la fin de la journée, le chef constate que tout a été réalisé, et bien réalisé, il en ressort avec une autorité confortée. Cette autorité demande de l’exigence et de la bienveillance. Aider, c’est ce qu’il y a de mieux pour commander », précise Étienne Leroi. « Il y a beaucoup de “Aimez-vous les uns les autres” chez nous », s’amuse-t-il avec justesse.
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Entrée en procédure de sauvegarde en 2006, l’entreprise avait bien redressé la barre en 2008… avant de de devoir affronter la crise mondiale en 2009. « Pendant plus de dix mois nous n’avons pas eu de commande mais j’avais fait une promesse un peu folle : ne plus jamais mettre quelqu’un dehors ». Une promesse qu’il tient grâce au prêt de main d’œuvre à but non lucratif (avoir recours à du personnel appartenant à une entreprise extérieure qui exécute une mission sous la responsabilité d’une autre entreprise, moyennant une rémunération horaire, ndlr.). Aujourd’hui N. Schlumberger réalise près de 63 millions d’euros de chiffre d’affaires et compte 230 salariés en France. « Réinstaurer une confiance mutuelle entre la direction et les salariés nous permet d’aller plus loin », affirme-t-il. « Cela nous rend plus agile pour relever les nombreux défis de demain ! »
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