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Loi anti-blasphème : la jurisprudence Asia Bibi pourrait changer les choses

ASIA BIBI
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Sylvain Dorient - publié le 31/10/18
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Anne-Isabelle Tollet, journaliste spécialiste du Pakistan, voit dans la libération d’Asia Bibi l’espoir d’une nouvelle jurisprudence, qui mettrait fin aux effets tyranniques de la loi anti-blasphème.Anne-Isabelle Tollet ancienne chef du bureau de France 24 à Islamabad et actuelle rédactrice en chef sur la chaîne CNews, réagit à la libération d’Asia Bibi. Elle a consacré à cette femme le livre La mort n’est pas une solution (Éditions du Rocher, 2015).

Aleteia : Comment l’affaire Asia Bibi est-elle devenue une affaire d’État… Et même une affaire internationale ?
Anne-Isabelle Tollet : Le cas d’Asia Bibi n’est à l’origine qu’un simple problème de jalousie. Deux femmes, qui avaient un contentieux avec Asia Bibi, ont monté de toutes pièces cette affaire. En décrivant cela je n’interprète rien, mais cite le rapport que la Cour Suprême vient de rendre. Malheureusement, c’est presque une histoire banale au Pakistan. On peut accuser de blasphème un propriétaire indélicat, ou un voisin avec lequel on a un litige. Dans le cas d’Asia Bibi, elle a été carrément condamnée à mort, et l’intervention du pape Benoît XVI a fait connaître sa situation au monde entier. Mais il y a actuellement près de 2.000 Pakistanais qui croupissent en prison à cause de cette loi.


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En quoi la loi anti-blasphème influence-t-elle le quotidien des Pakistanais ?
Personne n’est à l’abri de cette loi, qui touche les minorités religieuses, mais aussi des musulmans. Par exemple, un aveugle, qui avait eu le malheur de caler une table avec un exemplaire du Coran, a fini en prison ! Et cela malgré l’expertise qui avait confirmé son handicap. Un autre Pakistanais musulman, qui avait jeté à la poubelle la carte de visite d’un prénommé Mohammed a fini de la même façon ! Et cela, alors que Mohammed est le prénom le plus répandu dans le monde musulman… Les Pakistanais ont tellement peur qu’à présent, ils ont chez eux de grandes piles de journaux, qu’ils n’osent pas jeter, parce qu’ils pourraient contenir le prénom du prophète ! Quand quelqu’un est accusé de blasphème, il est directement jeté en prison, avant même le jugement. Il arrive fréquemment qu’il y meure, empoisonné. Cette loi a introduit au Pakistan le règne de l’arbitraire le plus caricatural.

Pensez-vous que le cas individuel d’Asia Bibi puisse changer quelque chose à cette situation ?
Je l’espère, car le rapport de la Cour suprême précise que de fausses allégations de blasphème sont répréhensibles et doivent être punies par des peines de prison. Cela donnera à réfléchir à ceux qui envisagent d’abuser de la loi anti-blasphème. Par ailleurs, le cas d’Asia Bibi démontre que la justice pakistanaise ne cède pas devant les radicaux, et ces derniers l’ont bien compris. Ils ne lâcheront prise à aucun prix, ils vont tenter de l’assassiner, ainsi que les trois juges qui ont pris la décision de la relaxer. De toute évidence, elle ne peut plus vivre au Pakistan, mais son exfiltration va être délicate. Si elle parvient à fuir, je crains que les radicaux ne se vengent sur la communauté chrétienne, dont la situation est déjà bien fragile.



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