Comme dans cette histoire, en prenant de la hauteur et en suscitant l’adhésion de tous.
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Un cheik avait trois fils. Sentant sa mort prochaine, il rédigea son testament. Il répartit entre ses trois garçons le troupeau de chameaux qui constituait sa fortune : à l’aîné la moitié, au second le quart, et au troisième le sixième.
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À sa mort, les fils se réunissent et découvrent alors que le troupeau comprend… onze chameaux ! Comment faire pour que chacun ait sa part sans couper de chameau en deux ? Les avis divergent et le ton monte entre les frères. Le plus jeune propose alors de prendre conseil auprès d’un juge renommé. Les deux autres finissent par accepter et tous trois se mettent en route pour le consulter.
« Réfléchissez bien »
Or ce juge était d’une grande sagesse. Il les reçoit aimablement, écoute attentivement chacun puis entre dans une profonde méditation. Finalement, il leur dit : « Merci de votre visite. Rentrez chez vous maintenant, et prenez l’un de mes chameaux pour que votre voyage soit plus agréable. Vous trouverez par vous-même une solution juste. Réfléchissez bien et considérez cela : tant que vous n’aurez pas trouvé de solution, ce chameau restera votre propriété. Une fois trouvée, vous me le rendrez. »
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Interloqués mais respectueux de l’homme sage, les trois frères repartent. Arrivés chez eux, ils réfléchissent à nouveau, quand tout à coup, la lumière se fait : en ajoutant le chameau du juge, le troupeau en compte désormais 12 et le partage devient possible : le premier fils en reçoit la moitié (6), le second le quart (3) et le dernier le sixième (2). Émerveillés devant la sagesse du juge et remplis de gratitude, ils lui renvoient le chameau restant.
Je tiens cette jolie histoire du philosophe Jean-Pierre Dupuy, professeur à l’École polytechnique. Le philosophe juriste François Ost en propose une multitude de lectures, psychologique, mathématique, philosophique, chacune pertinente. Je voudrais simplement ici relever trois enseignements.
Sortir du cadre
Le plus classique : Penser à sortir du cadre. Nous rencontrons des situations qui sont des impasses, des difficultés inextricables. L’erreur est parfois de recourir à la seule analyse des éléments en présence. Quand elle est difficile, la voie de résolution est généralement extérieure. Pour y recourir, il faut se libérer de la pression des événements, de la morsure de l’enjeu. C’est pourquoi le sage, puis les frères méditent !
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Le plus pratique : Participer à l’élaboration de la solution. Les frères trouvent la solution par eux-mêmes, même si c’est le sage qui les y a conduits. Il joue un vrai rôle de leader inspirateur. Une chose est de trouver une solution, autre chose que tous s’y impliquent. On accepte d’autant mieux de s’engager qu’on peut apporter sa propre contribution, qu’on fait le chemin soi-même, qu’on ne se voit pas imposer une voie toute faite, qui, même excellente, induit un comportement de docilité servile.
Le critère du sens
Le plus important : Interroger le sens. Personne dans cette histoire ne pose la question, pourtant essentielle : le partage est-il juste ? On part du principe que la volonté du père doit être respectée, même si elle ne reconnaît pas le principe d’égalité. Il faut éviter le conflit des fils, plus que l’injustice du partage. En ce sens la solution du sage est géniale mais limitée. Son agilité créative dissimule le vrai problème, à savoir la justice de l’héritage. On se situe dans un contexte culturel donné, sans le remettre en question. Poser la question du sens constitue parfois une impertinence face aux traditions qui privilégient des usages discutables.
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La meilleure solution ? Idéalement celle qui, comme dans cette histoire, autorise à sortir du cadre et suscite l’adhésion de tous. Mais j’ajouterai volontiers le critère du sens : servir un bien commun supérieur à celui des parties. C’est cette dernière dimension qui manque à la solution du juge, au nom de l’équité qui pourrait bien être le véritable sens de la justice.