Nicolas Hulot a annoncé l’inscription de la protection de l’environnement à l’article 1er de la Constitution. Une victoire symbolique pour le ministre de la Transition écologique et solidaire. Aucun changement notable pour la planète.Le premier projet de loi constitutionnelle, présenté le 9 mai dernier en Conseil des ministres, avait déçu les ONG de défense de l’environnement. Il prévoyait l’inscription de « l’action contre les changements climatiques » à l’article 34 de la Constitution, qui dispose de la répartition des compétences entre les pouvoirs exécutif et législatif. Le Conseil d’État avait lui-même convenu du peu d’incidence qu’aurait cet apport. Revirement cette semaine. Nicolas Hulot a annoncé l’inscription de la cause environnementale à l’article 1 de la Constitution. Pour le ministre de la Transition écologique, il est grand temps « d’adapter notre droit, notre démocratie, nos institutions, aux vrais enjeux du XXIe siècle ». « Il y a des choses qui avancent », s’est-il réjouit. En plus de sa place initiale dans le texte, l’article 1 énonce plusieurs des valeurs fondatrices de la République française, telles que l’indivisibilité, la laïcité ou encore l’égalité. Le ministre se propose ainsi d’ajouter au premier article de la Constitution la phrase « La République assure un niveau de protection de l’environnement élevé et en constante progression, notamment pour la protection de la biodiversité et l’action contre les changements climatiques ». À la suite de son annonce tonitruante, il a ajouté « Ça sera dans l’article 1, maintenant, la formulation, il faut regarder (…) notamment la portée juridique ».
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La reconnaissance symbolique de « valeur fondatrice »
Selon Marie-Anne Cohendet, constitutionnaliste interrogée par Le Monde, l’inscription à l’article 1 consacrerait « le fait que le peuple affirme le caractère fondamental de cette règle, et que chacun, notamment le législateur, l’administration et les juges, a le devoir de l’appliquer directement ». Si la protection de l’environnement bénéficie déjà d’une valeur constitutionnelle, puisqu’elle est garantie par la Charte de l’Environnement, qui fait partie du « bloc de constitutionnalité » depuis 2005, le gouvernement estime aujourd’hui nécessaire de lui accorder une place primordiale. Plus ambitieux encore, le projet de révision vise à éviter qu’un nouveau Président puisse, comme c’est le cas aux États-Unis, revenir en arrière sur les engagements environnementaux. Mais, la question cruciale de cette révision constitutionnelle estime Pascal Canfin, directeur de WWF France, est de « porter la protection de l’environnement au même niveau que la liberté d’entreprendre et le droit de propriété », qui ont aussi une valeur constitutionnelle. Pour Matthieu Orphelin, ancien porte-parole de Nicolas Hulot, il s’agit d’envoyer « un signal très fort au Conseil constitutionnel » qui s’est déjà trouvé confronté à des situations de mise en balance entre la protection de l’environnement et d’autres principes constitutionnels. Auparavant, saisi de la loi sur l’exploitation des hydrocarbures ou sur la contribution carbone, le juge constitutionnel avait en effet tranché un conflit de normes au détriment de l’environnement.
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Un impact juridique proche de zéro
Si le gouvernement et les ONG se réjouissent de cette possible inscription à l’article 1 de la Constitution, les juristes sont nettement plus dubitatifs. Pour Didier Maus, spécialiste du droit constitutionnel interviewé par Marianne, cette annonce de révision constitutionnelle est « un aimable baratin ». Son jugement est sans appel, « la mesure n’a aucun intérêt juridique ». La Charte de l’environnement, qui prévoit la défense et la protection de l’environnement, a en effet la même valeur que la Constitution et la Déclaration des droits de l’homme de 1789. Pour l’expert, il n’est nullement nécessaire de réviser la Constitution, il suffit simplement d’interpréter les textes existants. C’est d’ailleurs au regard de la valeur constitutionnelle de la Charte de l’environnement que les sages du Conseil constitutionnel ont censuré à plusieurs reprises des lois qui porteraient atteinte à l’environnement. Son verdict est implacable : « En terme de droit, ce projet a donc toutes les chances d’être un coup d’épée dans l’eau ». Beaucoup de bruit pour rien.