John Bradburne est mort en odeur de sainteté en 1979, laissant le souvenir d’un anglais extravagant, amoureux du bon Dieu, des lépreux et des petites bêtes.Celia Brigstocke, la nièce de John Bradburne, dirige la John Bradburne Memorial Society qui réunit des pièces en vue de sa béatification. Ce groupe est en train de lever des fonds en vue de l’enquête, qui sera lancé dans les prochaines semaines au niveau diocésain. Selon Didier Rance, auteur de la biographie qui lui est consacrée, Le Vagabond de Dieu (éditions Salvator), le problème ne va pas être de trouver des éléments qui confirment la sainteté de sa vie… mais plutôt de faire le tri : “Rien que pour les miracles qui lui sont attribués, on parle d’une centaine”, constate-t-il.
Rencontre manquée
L’auteur a failli rencontrer le “vagabond de Dieu” en chair et en os, dans la dernière année de sa vie, alors qu’il était en Rhodésie, et que Didier Rance était en Zambie. La rencontre physique fut rendue impossible par la guerre civile, qui transformait les frontières en barrières infranchissables. Toutefois, Didier Rance entendit parler du personnage, et soutint son œuvre par le biais de l’Aide à l’Église en Détresse (AED), dont il était président.
Lire aussi :
La béatification de Lucien Botovasoa, une évidence après l’exhortation du Pape à la sainteté
Il fut immédiatement accroché par le personnage de John Bradburne. Le britannique vivait alors ses dernières années dans une léproserie de Rhodésie, dans laquelle les malades étaient abandonnés dans des conditions misérables. Cet anglais excentrique, fils d’un pasteur anglican, s’était converti au catholicisme. Soldat valeureux pendant la guerre, rescapé de combats contre les Japonais dans des conditions qu’on pourrait déjà qualifier de miraculeuses, il avait ensuite exercé une dizaine de métiers, d’éboueur à clown. C’était à la fois un moine, un pèlerin et un artiste. Sa personnalité apparemment éparpillée avait une fécondité extraordinaire auprès des malades, qu’il sortait de leur mutisme et de leur détresse. Il fut aussi un grand lettré et un poète prolifique, auteur de milliers de vers, deux fois plus que Victor Hugo ! “Il ne savait pas écrire en prose”, s’amuse Didier Rance.
Un saint François du XXe siècle
Après la mort de Bradburne, Didier Rance a commencé à enquêter, en relation avec la John Bradburne Memorial Society, et prépara une biographie. Il suivit ses traces pendant dix ans en Europe, en Afrique et au Moyen-Orient, lisant son œuvre prolifique et accumulant les anecdotes sur son compte.
Lire aussi :
Chesterton, l’homme qui inspire les papes, bientôt béatifié ?
Il découvrit un mystique plein d’humour, tourmenté dans sa recherche d’idéal. Enfant, John passait l’essentiel de son temps dans les arbres, et devenu moine, il continuait à entretenir une relation privilégiée avec les animaux. Un visiteur constata que le plafond de sa cellule était recouvert d’abeilles, qui avaient bâti leurs ruches sous la table de travail de Bradburne. Lui s’amusait de la situation, prenant garde de ne pas abîmer avec ses jambes la demeure de ses colocataires, quand il écrivait ses poèmes, au milieu du vrombissement perpétuel… Il répondit à son visiteur effrayé qu’elles ne le piquaient presque jamais. Et il le rassurait sur leur propreté avec son humour caractéristique : “J’ai mis une brosse sur la fenêtre pour qu’elles puissent s’essuyer les pattes avant d’entrer”.
Le martyr
Il multipliait les noviciats dans des monastères, laissant une bonne impression partout où il allait, mais il ne trouvait pas sa place et ressentait sans cesse le besoin de retourner sur les routes. Devenu membre du Tiers-Ordre franciscain, il trouva enfin sa voie au côté des plus démunis, comme Charles de Foucauld. Les Touaregs de Bradburne étaient des lépreux de Rhodésie (devenu le Zimbabwe), rejetés de tous et survivant dans des conditions misérables. Comme Foucauld, Bradburne fut rattrapé par la guerre. On lui conseilla de partir, mais il refusa, pour ne pas abandonner ses malades et fut assassiné le 5 septembre 1979 par les membres d’une guérilla marxiste qui le soupçonnait d’être un informateur du pouvoir en place.
Il avait écrit en 1952 à son ami Dove : “Prie pour ma sanctification parce que cela encouragerait tant d’âmes si un tel naufrage peut se terminer par une canonisation, et je veux tellement contourner le Purgatoire”… Il semble que cela soit en bonne voie !