“J’espère que je ne froisse personne, mais je dois être le seul artisan qui vit grâce à la création d’orfèvrerie religieuse en France”, explique Louis-Guillaume Piechaud. Rencontre.Son atelier est une caverne d’Ali Baba bien rangée, où les marteaux à former le métal – les mêmes qui sont utilisés depuis des millénaires – côtoient la technologie dernier cri, comme le laser de soudure. Louis-Guillaume Piechaud, 43 ans, passe l’essentiel de ses journées dans cette maison de Villefagnan (Charente) datant du XIXe siècle, à façonner des reliquaires et des calices.
Aleteia : Comment devient-on orfèvre religieux ?
Louis-Guillaume Piechaud : Je baignais déjà dans le milieu de l’artisanat religieux à la naissance. Nous sommes sculpteurs, essentiellement pour des œuvres religieuses, depuis quatre générations dans ma famille. Je suis entré à l’atelier à 16 ans, et mon père et mon grand-père ont été mes maîtres pendant 7 ans. Très tôt, j’ai appris à manier diverses matières. Mais progressivement je me suis plus spécifiquement orienté vers le travail d’orfèvre religieux. J’espère que je ne froisse personne, mais je dois être le seul artisan qui vit grâce à l’orfèvrerie religieuse en France.
Lire aussi :
À quoi sert une Commission diocésaine d’Art Sacré ?
Pourriez-vous nous préciser quel type de travail c’est ?
Je façonne des évangéliaires, des calices ou des reliquaires. J’ai bien conscience que mon travail me situe à l’inverse des tendances du moment que sont l’immédiateté, la mode du jetable. Les objets que je crée sont long à réaliser, demandent un gros investissement, sont faits pour durer. Je me refuse à employer certaines techniques comme le collage, qui vieillissent mal. Je pense aux futurs restaurateurs, car j’espère que mes œuvres traverseront le temps, et que dans l’avenir, d’autres personnes en prendront soin.
La restauration est-elle une partie importante de votre travail ?
Une partie centrale… La restauration d’œuvres anciennes est à la fois une école technique et une école d’humilité. Je suis souvent amené à restaurer des œuvres que je serais incapable de reproduire. En les travaillant, en leur redonnant une belle forme, je marche dans les pas de mes illustres prédécesseurs. C’est passionnant. Et c’est vital, car cela évite à l’artisan de s’égarer. En restaurant souvent des pièces, il se place dans la continuité d’une tradition qui le dépasse. L’excellence pour un restaurateur constitue à demeurer un anonyme, car si son travail est vraiment bien fait, il ne se voit pas !
Lire aussi :
Louis-Marie Vincent, designer et croyant : “Mon intime conviction est que le beau élève”
Mais vous devez aussi avoir des créations originales qui vous enthousiasment, est-ce que vous réalisez des chefs-d’œuvre, d’après des plans personnels ?
Il y a un projet qui me trotte dans la tête depuis vingt ans et que je suis en train de concrétiser, effectivement. Il s’agit de la réalisation d’un calice dont la coupe est réalisée en cristal de roche, taillée sur mesure par le dernier lapidaire capable de réaliser de telles pièces en France. Mes prédécesseurs réalisaient des calices de ce type, dans des temps très anciens, autour du Xe siècle.
Est-ce que vous ne ressentez pas de trac en manipulant des objets, comme le calice, qui sont amenés à être utilisé pour les sacrements ?
Dans mon métier, on a souvent le trac, c’est un job pour perfectionniste ! C’est surtout difficile lorsque je travaille sur des pièces anciennes. Quand il y a un accident sur l’une de mes pièces, c’est embêtant, frustrant, ça me coûte du temps et de l’argent… mais l’idée d’abîmer le travail d’un prédécesseur m’est tout à fait insupportable !