Le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi est apparu samedi 6 janvier au côté du pape Tawadros II pour la célébration de la Nativité copte dans la nouvelle cathédrale du Caire.Jean Maher, ingénieur français, d’origine égyptienne Copte, dirige l’Organisation franco-égyptienne pour les droits de l’homme (OFEDH). Il décrit pour Aleteia la venue du président Abdel Fattah al-Sissi dans la cathédrale de la Nativité comme “un événement historique”.
Aleteia : Ce n’est pas la première fois qu’Abdel Fattah al-Sissi se rend à la messe pour la Nativité, en quoi est-ce différent cette fois-ci ?
Jean Maher : Cette fois, il s’est rendu à la toute première messe pour inaugurer une nouvelle cathédrale appelée « l’église de la Naissance du Christ ». Il y a un an, le 6 janvier 2017, il s’était rendu à la messe de Noël, pour la troisième fois depuis 2015, et il avait souhaité ouvertement renouveler cette tradition en 2018 dans une nouvelle cathédrale. Il ne parlait pas en l’air, et évidemment, les coptes l’apprécient pour cela. Il a pris un bain de foule dans la cathédrale, et les femmes l’ont accueilli avec des youyous… Dès le début de la célébration, il est arrivé accompagné du pape Tawadros II, précédé par les prêtres et des diacres portant les icônes et la croix. Voilà une image aussi rare qu’encourageante pour les minorités chrétiennes de tout le Moyen-Orient !
Lire aussi :
« La plus grande église du Proche-Orient » bientôt inaugurée au Caire
Son attitude a certainement un rapport avec les élections présidentielles égyptiennes d’avril 2018…
C’est possible, mais sa réalisation est là. La cathédrale de la Nativité est sortie de terre en un an, grâce à des dons et à l’aide de l’État, et surtout grâce à l’armée qui organise les chantiers en collaboration avec des concepteurs et ingénieurs coptes. À titre de comparaison, la cathédrale Saint-Marc Abbaseiah, du Caire, dont la construction avait été entamée par Nasser en 1965 a mis 50 ans à sortir complètement des échafaudages et n’a vu les dernières finitions qu’en 2015 !
Cette nouvelle cathédrale appartient à un ensemble architectural qui est appelé à devenir la nouvelle capitale administrative, elle côtoiera une mosquée, est-ce un symbole de concorde ?
C’est une habitude égyptienne d’accoler systématiquement une mosquée à une église. Mais dans ce cas particulier l’église et la mosquée ont un sens symbolique de fraternité et de citoyenneté dans une ère nouvelle.
Pensez-vous, que ce gouvernement se montrant favorable aux coptes, ils ont l’espoir de de voir leur situation s’améliorer ?
Sissi est un homme qui respecte les autres religions, et il a pour ennemi juré les Frères musulmans, cela en fait un allié naturel des coptes. Mais le pays demeure gangréné par les extrémistes ! Aucun gouvernement ne peut empêcher les attaques terroristes. Et pour que la vie des coptes change, il faudrait que les lois votées soient appliquées sur le terrain. Par exemple, une loi libéralisant les constructions des églises a été votée en 2016, mais elle ne trouve pas son application sur le terrain. Les extrémistes savent très bien mettre des bâtons dans les roues. Ils ralentissent les projets de constructions, et les réouvertures des églises fermées pour des raisons sécuritaires ou pour manque de permis de construction. Cela leur est facile car ils sont présents partout ! Ils le font par haine des chrétiens, mais aussi pour essayer de démontrer la faiblesse du gouvernement. Je suis convaincu que toutes les tentatives de ces extrémistes se termineront par un échec grâce à la nature tolérante et la sagesse du peuple égyptien. Il est certain que bâtir de petites églises dans les villages, qui en ont besoin, est bien plus important que de construire une cathédrale au Caire, aussi grande soit-elle.
Lire aussi :
La France compte un nouveau diocèse copte orthodoxe
al-Sissi s’est aussi lancé dans la rénovation de l’enseignement de l’université Al-Azhar, dont il entend extirper les éléments extrémistes, avance-t-il sur ce chantier ?
Il a dit lui-même que cela prendra plus de temps qu’il ne l’imaginait. Il est certainement confronté à des résistances. C’est pourtant un chantier de toute première importance, car cette université influence tous les musulmans sunnites du monde.
Quels sont les messages que Sissi a laissés à cette célébration de Noël du 6 janvier 2018 ?
Ses messages sont forts et seront gravés dans l’histoire. Sa présence à l’inauguration et sa venue pour la quatrième fois de façon consécutive à la messe de Noël, est une démonstration, de sa détermination. Rappelons que ces gestes ne sont pas vus de bon œil par les Frères musulmans ni par les Salafistes. Ces derniers appellent publiquement à ne pas féliciter les chrétiens infidèles (Kafara) à l’occasion de leurs fêtes. Sissi a indiqué que cet événement est un symbole d’amour et de paix, offert par l’Égypte au monde. Sa venue est évènement historique.