Il y a 25 ans, Jean Paul II réhabilitait officiellement Galilée en reconnaissant les torts des théologiens qui l’avaient condamné. Retour sur l’histoire d’un malentendu lié à une mauvaise compréhension de l’autonomie de la science d’un côté et de la foi de l’autre.
Une sorte de mythe
En 1633, Galilée fut condamné par le tribunal de l’Inquisition à une peine de prison commuée en assignation à résidence, avec isolement et interdiction de visite. Il était accusé de participer à la diffusion des thèses de Copernic relativement à l’héliocentrisme, c’est-à-dire l’idée que le soleil est le centre du Monde et que la terre tourne autour. Contrairement à d’autres cas célèbres, comme Giordano Bruno ou Michel Servet, il n’a pas été brûlé vif mais essentiellement interdit de poursuivre ses travaux de scientifique.
Si sa peine a pu sembler moins inhumaine que beaucoup d’autres, Galilée est devenu un véritable mythe. À l’occasion de sa réhabilitation officielle il y a vingt-cinq ans, Jean-Paul II expliquait : « À partir du siècle des Lumières et jusqu’à nos jours, le cas Galilée a constitué une sorte de mythe, dans lequel l’image que l’on s’était forgée des événements était passablement éloignée de la réalité. Dans cette perspective, le cas Galilée était le symbole du prétendu refus par l’Église du progrès scientifique, ou bien de l’obscurantisme « dogmatique » opposé à la libre recherche de la vérité.
Le malentendu fut de courte durée : à peine un siècle après, dès 1741, l’intégrale des œuvres de Galilée était revenue en odeur de sainteté et Benoît XIV, alors pape, donnait son accord pour leur impression.
Un douloureux malentendu
C’est contre les effets dévastateurs de ce mythe que Jean Paul II a tenu à déclarer solennellement que c’était à tort que Galilée avait été condamné. L’origine du malentendu tient dans une mauvaise de lecture de la Bible, habituelle à l’époque : la lecture littérale. L’affaire Galilée a ainsi été l’occasion de progresser dans les méthodes de lecture de la Bible.
Jean Paul II explique dans son discours à l’Académie pontificale des Sciences qu’il a fallu distinguer clairement deux types de connaissances avec, d’un côté, la connaissance scientifique des réalités physiques et, de l’autre, les vérités théologiques de la foi : « Ce mythe a joué un rôle culturel considérable; il a contribué à ancrer de nombreux scientifiques de bonne foi dans l’idée qu’il y avait incompatibilité entre, d’un côté, l’esprit de la science et son éthique de recherche et, de l’autre, la foi chrétienne. Une tragique incompréhension réciproque a été interprétée comme le reflet d’une opposition constitutive entre science et foi. Les élucidations apportées par les récentes études historiques nous permettent d’affirmer que ce douloureux malentendu appartient désormais au passé. »
Cette déclaration explique pourquoi la doctrine de l’Église catholique ne soutient pas le créationnisme défendu par des fondamentalistes protestants adeptes d’une lecture littérale de la Bible. La science a son autonomie propre et s’il est possible de considérer que le monde est la création de Dieu, la compréhension scientifique et physique du monde ne peut inclure Dieu dans ses hypothèses.
Cela n’empêche pas les yeux de la foi de reconnaître un dessein intelligent à l’œuvre dans la beauté de la Création, mais on ne peut en faire une vérité scientifique. Au demeurant, si Dieu était visible et prouvé scientifiquement, cela ruinerait la possibilité de la foi puisque Dieu deviendrait une vérité de science. Nous serions alors privés de toute liberté dans notre adhésion à lui. Précisément, « Dieu, personne ne l’a jamais vu ; le Fils unique, lui qui est Dieu, lui qui est dans le sein du Père, c’est lui qui l’a fait connaître » (Jn 1, 18).
Un double mode de développement
Jean Paul II explique qu’il y a entre la science et la foi, un double mode de développement qui les rend autonomes l’une de l’autre. La science a toute sa légitimité, mais la foi est la source de la vérité ultime du sens de notre vie : « Il y a pour l’humanité, un double mode de développement. Le premier comprend la culture, la recherche scientifique et technique, c’est-à-dire tout ce qui appartient à l’horizontalité de l’Homme et de la création, et qui s’accroît à un rythme impressionnant. […] Le second mode de développement concerne ce qu’il y a de plus profond dans l’être humain quand, transcendant le monde et se transcendant lui-même, l’Homme se tourne vers Celui qui est le Créateur de toute chose. Cette démarche verticale peut seule, en définitive, donner tout son sens à l’être et à l’agir de l’homme, car elle le situe entre son origine et sa fin. »