Avec le soutien de la Fondation Raoul Follereau, Noor Matti se démène pour que ses compatriotes assyriens restent, comme lui, sur la terre de leurs ancêtres.
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Noor est un homme aux multiples casquettes. Il nous répond en plein show radiophonique : il tient l’antenne de Babylon FM, la seule radio anglophone d’Irak. Très à l’aise, il enchaîne les interventions à la radio et l’interview facilement, profitant des pauses musicales pour répondre aux questions. Il a 33 ans, et outre son travail d’animateur, il a fondé une association humanitaire, la Fondation Shlama, qui vient en aide à ses compatriotes, les Assyriens d’Irak. Son dynamisme a attiré l’attention de la Fondation Raoul Follereau, qui le soutient financièrement dans ses actions.
Défendre ses racines
Roger Khairallah, responsable des projets au Moyen-Orient de la Fondation Raoul Follereau, confie : “La rencontre de ce jeune homme, dynamique et motivé pour aider les siens, a été une bouffée d’air frais”. C’était en 2014, en pleine expansion de l’État islamique en Irak. Alors que des responsables de la Fondation cherchent comment aider les réfugiés irakiens qui fuient la guerre, Noor Mati leur sert de guide. Ils découvrent que le jeune homme, parfaitement bilingue et au dynamisme épatant, a déjà une foule d’idées de projets humanitaires.
Il devient aussitôt un interlocuteur privilégié pour la Fondation française, qui apprécie son mélange de sérieux et d’enthousiasme. “Il a toujours de nouveaux dossiers sous le coude, nous nous rendons sur place pour vérifier leur faisabilité et leur utilité, puis nous l’aidons à les financer”, précise Roger Khairallah. Ce dernier apprécie en particulier l’importance que Noor Matti accorde au long terme. Malgré son look streetwear, et son anglais de citoyen du monde, Noor est un Assyrien convaincu de l’importance de défendre sa terre et sa culture. Ses projets vont dans ce sens. Respectant l’adage selon lequel il vaut mieux enseigner à pêcher que donner un poisson, la Fondation Shlama, avec le soutien financier de la Fondation Raoul Follereau, participe par exemple à la construction d’un bassin de pisciculture à Alqosh, village chrétien du nord de l’Irak, qui nourrira cinq à six familles. Les travaux seront achevés au mois de novembre 2017.
Le retour au pays
Depuis la chute du régime de Saddam Hussein, en 2003, les chrétiens d’Irak — dont une majorité d’Assyriens — gonflent les rangs de la diaspora, menaçant de faire disparaître la présence chrétienne dans ce pays. Noor Matti a fait le chemin inverse, alors qu’il avait toutes les raisons de faire sa vie en Occident. En 1992, son père était menacé de mort par le parti Baas de Saddam Hussein. Toute sa famille a fui le pays et Noor a suivi sa scolarité aux États-Unis. Étudiant brillant, il a commencé des études pour devenir dentiste. Mais un voyage à Erbil l’a convaincu qu’il devait faire quelque chose pour son peuple, qu’il voyait en train de s’éparpiller. “Il me manquait quelque chose, loin de mon pays, se souvient-il, je ne pouvais pas être heureux en le laissant disparaître”. Il abandonne ses études et revient au Kurdistan irakien en 2008. Son bagout lui valut un poste d’animateur à Babylon FM, une radio assyrienne.
Il a un micro, ses amis ont des armes
En 2014, alors que les jihadistes de Daesh sont aux portes d’Erbil, plusieurs de ses compagnons parviennent à intégrer les Peshmergas kurdes, qui partent au front. Lui n’a aucune formation militaire, et emploie les armes qui sont les siennes pour empêcher le nettoyage ethnique souhaité par les soldats du pseudo-califat : ses compétences en média et sa générosité. Il crée la Fondation Shlama “paix” en araméen, sa langue natale, et commence par gérer les situations de crise, en fournissant de la nourriture et des médicaments aux réfugiés. Sillonnant les routes, il constate qu’avec un peu d’argent et de bonne volonté, il peut participer à redonner espoir à ses compatriotes, à les convaincre qu’ils ont encore un avenir sur la terre de leurs ancêtres. Il explique par exemple qu’en aidant à bâtir un hangar à foin dans un village à la frontière entre l’Irak et la Turquie, il a permis aux paysans assyriens de sortir d’une saison difficile. “Il arrive qu’une famille n’ait pas besoin de plus que d’un don de deux moutons pour maintenir son économie”, calcule-t-il. Parfois, même une aide symbolique change tout : “Les Assyriens ont l’impression d’être abandonnés. Quand ils reçoivent une aide, ils voient que des personnes, parfois du bout du monde, se soucient d’eux et de la valeur d’une présence assyrienne vieille de 6 000 ans”.
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