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Matthieu Giroux (PHILITT) : « Le monde moderne est une barbarie nouvelle »

Matthieu Giroux

Matthieu Giroux, rédacteur en chef de la revue Philitt

La rédaction d'Aleteia - publié le 08/10/17

À l'occasion de la sortie du cinquième numéro de la revue PHILITT sur le thème de la barbarie, entretien avec son rédacteur en chef, Matthieu Giroux.

Créé en 2013, PHILITT est d’abord un site internet qui traite de philosophie, de littérature et d’histoire, avec comme références Fedor Dostoïevski, Georges Bernanos ou encore Charles Péguy. Au cœur des sujets abordés : une critique de la modernité, la recherche de la vérité, la transcendance. Depuis 2015, il en existe une version papier, tirée à 500 exemplaires. Alors que son dernier numéro, consacré à la barbarie, est sorti en septembre 2017, nous avons rencontré Matthieu Giroux, son rédacteur en chef, diplômé de philosophie et de journalisme et actuellement libraire.

Aleteia : PHILITT n’est pas une revue chrétienne mais la spiritualité y est très présente. Selon vous, la littérature peut-elle être une rampe d’accès vers Dieu ?
Matthieu Giroux : Évidemment, le beau fait nécessairement signe vers la transcendance. Il stimule les élans de l’âme. Lorsqu’on est ému par l’écoute d’une musique ou par la lecture d’un livre, quelque chose se passe en nous, quelque chose qui a à voir avec notre intériorité. Les modernes appellent cela les « émotions » – encore une tentative de réduction – nous préférons les « passions de l’âme ». Ce pathos témoigne, non pas de l’existence du corps matériel, mais d’une union intime entre l’âme (ou l’esprit) et le corps.

Vous vous définissez comme antimoderne. Que signifie pour vous le combat contre la modernité ?
Je dirais qu’il se résume à un combat contre la bêtise et contre la laideur. La bêtise des modernes consiste, comme le dit Charles Péguy, à se vanter de ne pas avoir de mystique, à ne croire en rien, à s’enorgueillir de son matérialisme et de son athéisme qu’on nomme aujourd’hui, de manière impropre, « laïcité ». Être bête comme un moderne, c’est rabattre l’intégralité de la réalité sur le seul plan de l’immanence et, par conséquent, nier la transcendance. La laideur du monde moderne découle du point précédent. Traditionnellement, l’art était une célébration du sacré, qu’il soit naturel, divin ou les deux à la fois. Par la suite, si l’art n’était plus sacré, il était toujours marqué du sceau de la transcendance. L’art « contemporain », c’est la tentative de faire du beau sans transcendance. Il est clair que ça ne fonctionne pas.

Charles Péguy occupe une place importante au sein de votre revue. Vous revendiquez-vous de sa pensée ?
Personnellement oui. Mais je ne suis pas sûr que ce soit le cas de l’ensemble de la rédaction. Péguy me touche autant par son tempérament que par son talent d’écrivain. On critique souvent son style répétitif, mais il est empreint d’une force, d’une précision, d’un souffle que je crois sans pareil. L’écrivain Albert Béguin comparait le style de Péguy à une prière. Je pense qu’il avait raison. Ensuite, Péguy est, peut-être avec Bloy, le plus grand pourfendeur des lieux communs qui sont le poison de la pensée. Péguy abhorre plus que tout ce qu’il nomme « la pensée habituée », c’est-à-dire la pensée qui radote, qui tourne en rond, la pensée mécanique, en dernière instance la pensée morte.


Léon Bloy

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Vous abordez régulièrement des sujets en rapport avec l’Orient et l’islam. Est-ce une volonté de votre part de ne pas rester prisonnier d’une vision occidentalo-centrée ?
Nous abordons ce sujet parce que la relation entre l’Orient et l’Occident marque notre époque. Nous déplorons que certains se servent du terrorisme pour dévaloriser l’histoire et la grandeur d’une civilisation toute entière. En France, les « islamologues » médiatiques sont, pour la plupart, de parfaits tartuffes qui, au nom de la « laïcité » qu’ils ne comprennent pas, se complaisent dans l’athéisme le plus imbécile (pléonasme). C’est assez déplorable puisque la France avait une relation unique au monde avec l’Orient : une tradition qui va de François Ier jusqu’à Jacques Chirac ! Il est difficile de croire qu’il y a encore 20 ans, les Français étaient aimés au Moyen-Orient.

Votre dernier numéro porte sur la barbarie. Où la voyez-vous dans notre époque ?
La barbarie réside principalement dans la négation de ce qui fait que nous sommes, à proprement parler, humains. Elle réside dans la transformation de nos modes de vie, dans la destruction des anciens mondes, dans l’uniformisation, dans la domination toujours plus grande de la technique. On attend peut-être de moi que je dise des jihadistes qu’ils sont barbares. Ils le sont certainement. Mais il y a eu des barbares de ce type avant, il y en aura après. En revanche, le monde moderne est une barbarie nouvelle, beaucoup plus fondamentale. Il est bien difficile de mesurer ce qu’il a détruit jusque là et de savoir ce qu’il détruira à l’avenir. Une chose est sûre : les pertes seront irréversibles.

Le dernier numéro de PHILITT est disponible ici.

Tags:
Littérature
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