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Comment Charles Péguy m’a expliqué l’espérance

Charles Péguy
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Valentin Fontan-Moret - publié le 01/10/17
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Quelle est la différence entre espérance et espoir ? Comment comprendre l’idée d’espérance ? Charles Péguy, avec des mots simples, parvient à la définir clairement. Témoignage. Je n’avais qu’une vague idée de ce que l’espérance pouvait être, mystérieuse et discrète vertu théologale, avant que l’on mette Charles Péguy et son Porche du mystère de la deuxième vertu sur ma route. J’en avais une idée commune, mais si peu vivante, tirée des lapidaires formulations du catéchisme…

Mais les quelques mots simples de Péguy, qui nous abrite sous le Porche, font de son œuvre un livre d’images, un livre pour les enfants tellement ignorants de Dieu que nous sommes. Et l’Orléanais, le poète, a commencé par m’avouer que l’espérance, des trois vertus, entre la foi et la charité, était la « plus difficile ». Parce que c’est tout autre chose que l’optimisme béat, déraisonnable, dont Georges Bernanos m’avait déjà dit qu’il ne naissait pas de Dieu mais d’une dangereuse illusion. Péguy, lui, m’a rassuré en me disant qu’on ne cessait pas d’être chrétien, qu’on ne cessait même pas forcément d’être espérant, lorsque l’espoir nous manque. Car l’espérance est autre chose encore que l’espoir.

Ses mots sont bien connus : il nous décrit l’espérance comme cette « petite fille de rien du tout » qui marche entre ses deux grandes sœurs que sont la foi et la charité. Et c’est certainement l’image la plus juste. Les enfants sont ceux qui nous font avancer, qui nous y obligent, et ce sont eux qui perpétuent. Et l’espérance est là, dans l’assurance qu’il faut pour avancer, pour ne pas stagner, et dans la confiance en demain, en la perpétuation. Un enfant est dans l’espérance parce qu’il espère en ses parents, qu’il leur fait confiance. Et il n’a pas de meilleur choix parce que ses parents sont normalement ceux qui peuvent le plus et le mieux pour lui, et nous devrions être semblables à eux dans notre rapport au Père. Mais l’enfant est aussi l’espérance de ses parents, qui ont confiance en lui, en ce qu’il porte, et qui ne peuvent pas faire autrement parce qu’il faut que son existence, qui ne dépend pas toute entière d’eux, soit signifiante. Alors dans leur inquiétude légitime germe la très nécessaire espérance.

L’espérance est une rencontre

Quand le poète écrit que « Dieu a besoin de nous », c’est pour nous dire qu’il a placé son espérance en nous. Nous sommes libres en tant que créatures, et notamment libres de placer notre espérance où nous voulons. Pourtant il est digne et juste de la placer en Dieu, mais Dieu ne nous y contraint pas. Alors si nous plaçons notre espérance en Lui, c’est dans l’exercice de notre liberté : « Dieu a daigné espérer en nous, puisqu’il a voulu espérer de nous, attendre de nous », et c’est précisément cette situation inconfortable, cette situation de servitude qui appelle la gratitude en retour, qu’est celle de celui qui aime. L’espérance est cet élan de l’enfant qui sait qu’il peut avoir confiance dans son père, et dans son Père dont il sait qu’il ne l’abandonnera pas. Elle est donc un mouvement de Dieu vers nous, qu’il nous appartient de lui renvoyer, librement : c’est une rencontre.

Péguy m’a ensuite expliqué que l’espérance est nécessaire dans cet espace où nos volontés d’hommes, nos volontés de parents ou d’enfants, de créatures, ne suffisent plus pour répondre à nos besoins. La deuxième vertu est à sa très juste place là où Dieu seul sait ce qu’il est bon de faire, et là où Lui seul peut agir, en dépit de nos actes de charité et de notre foi. « Celui qui ne dort pas est infidèle à l’espérance », parce qu’il continue à vouloir agir tous azimuts, et ne veut pas laisser Dieu faire son œuvre. Or c’est la forme la plus absolue d’amour pour Dieu que de s’abandonner à espérer en Lui, pour parfaire ce qui a été fait, et où notre pouvoir s’arrête, exactement comme l’enfant ne peut pas grand chose sans ses parents et place son espérance en eux.

C’est cette espérance qui prend le relai quand nous atteignons nos limites, quand nous ne pouvons plus. Mais elle fait beaucoup mieux qu’aller plus loin que nous : elle va plus loin que tout, puisqu’elle est le moment où Dieu entre en scène, le moment où il est seul capable et seul légitime. Et c’est ainsi dans l’espérance que l’on fait abonder plus parfaitement la charité : par l’espérance, la charité est guidée jusqu’aux confins du troupeau, et plus loin encore, jusqu’à la brebis égarée, jusqu’à celle pour qui nos cœurs d’homme n’ont plus le moindre espoir. L’espérance, parce que Dieu peut tout, nous mène là où nous n’envisagerions pas d’aller par nous-mêmes, parce que nous n’en avons pas la force.

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