Alors que le Saint-Père adresse un message vidéo au peuple colombien, Bogota et la guérilla de l’ELN signent un accord de cessez-le-feu bilatéral.“Je viendrai en pèlerin d’espérance et de paix, pour célébrer avec vous la foi en notre Seigneur et apprendre de votre persévérance dans la recherche de la paix et de l’harmonie”. Les paroles du pape François au peuple colombien, à la veille de son départ pour son sixième voyage apostolique en Amérique latine, sonnent comme une réponse au nouveau pas vers la paix franchi le 4 septembre par la Colombie, en signant avec l’Armée de libération nationale (ELN) un cessez-le-feu bilatéral. Après plus de 50 ans d’une guerre fratricide qui a fait au moins huit millions de victimes, entre morts, disparus et déplacés, dans tout le pays, son message vidéo est centré sur l’importance de “l’amour et la persévérance” pour “construire des ponts et créer la fraternité”.
Ce nouvel accord, après celui signé avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) en novembre 2016, “réjouira” le Pape, estiment les négociateurs qui voient en sa venue “une motivation supplémentaire” pour “accélérer” la recherche d’accords entre les parties et “espérer” en une “nouvelle Colombie”. L’accord avec le deuxième groupe rebelle du pays a été signé à Quito (Équateur) après six mois de pourparlers. Il devrait entrer en vigueur le 1er octobre prochain pour une durée initiale de 102 jours, c’est-à-dire jusqu’au 12 janvier prochain, qui sera renouvelée “dans la mesure où il sera respecté, et si les négociations avancent sur les autres points”, a déclaré le président Juan Manuel Santos, dans une allocution télévisée depuis Bogota.
“Faisons le premier pas”
“La paix nous rappelle que nous sommes tous enfants du même Père qui nous aime et qui nous réconforte”, rappelle le Pape dans son message. Une paix “stable, durable, pour que nous puissions nous voir et nous traiter en frères, et non en ennemis”, a-t-il plaidé, rappelant au peuple colombien combien il est important, pour mener à bien “toute activité ou projet”, de pouvoir faire “un premier pas”. Comme l’indique la devise de son voyage — “Faisons le premier pas” — qu’il veut entreprendre en “pèlerin de d’espérance et de paix”. Encourager le peuple colombien à “se tendre la main” les uns les autres, à se “traiter en frères et non en ennemis”, et à échanger entre eux “le signe de la paix “, tel est l’objectif de cette visite tant attendue de part et d’autre comme une nouvelle bouffée d’air frais, dix mois après l’accord historique signé en novembre 2016 avec les Farc, aujourd’hui désarmés et reconvertis en parti politique (Force alternative révolutionnaire commune).
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Dans ce contexte, ce nouvel accord est “la preuve oui, que nous pouvons changer (…) C’est le premier miracle de la visite du pape François”, a déclaré Pablo Beltran, chef négociateur de la guérilla, après la signature du nouvel accord. Et de tweeter encore de Quito : “Oui, cela a été possible ! Nous remercions toutes celles et tous ceux qui ont résolument appuyé les efforts pour parvenir à ce cessez-le-feu bilatéral”.
L’Église met les bouchées doubles
Et si cet accord peut réjouir le Pape, après tant de décennies de divisions, et un processus de paix dans lequel il a joué lui-même un rôle clé, les évêques de Colombie le peuvent aussi après avoir demandé expressément aux deux parties d’observer un cessez-le-feu durant son séjour dans le pays. Une telle mesure serait “l’expression de votre volonté, et de celle du peuple colombien, d’accueillir le Saint-Père et de souhaiter la bienvenue à sa personne et à son message”, avaient-ils souligné en juin dernier.
Cette année, pour “injecter enthousiasme et réconciliation dans le cœur des colombiens”, l’Église a décidé de placer sa XXXe Semaine pour la paix (du 2 au 10 septembre) sous le signe de cette espérance, en organisant parallèlement à la visite du pape François plus de mille initiatives sur l’ensemble du territoire dont une grande marche pour la paix, les 6 et 7 septembre à partir de différents lieux du pays pour converger à Villavicencio le 8 septembre, à la rencontre de prière pour la réconciliation nationale avec le Saint-Père ; un acte de réconciliation entre les différents acteurs du conflit armé, le 4 septembre ; une exposition photographique sur les 30 ans de la Semaine et un Prix national pour la défense des droits fondamentaux en Colombie, rapporte l’agence Fides.
Dans son message au peuple colombien, le Pape se dit “honoré” de pouvoir se rendre “sur cette terre, riche d’histoire, de culture, de foi, d’hommes et de femmes qui ont travaillé avec détermination et persévérance pour en faire un lieu où règne l’harmonie et la fraternité, où l’Évangile est connu et aimé, où dire « frère » et « sœur » n’est pas perçu comme un signe étranger, mais comme un véritable trésor à protéger, et à défendre”. Le monde d’aujourd’hui, souligne-t-il, a besoin de conseillers de paix et de dialogue. Après avoir appelé l’Église à “promouvoir la réconciliation avec le Seigneur et entre les frères”, le Saint-Père a souhaité que chaque Colombien accueille sa visite “comme une étreinte fraternelle”, et le signe visible du “réconfort” et de “la tendresse” du Seigneur.
Les temps forts de la visite du Pape
Lors de son voyage en Colombie, du 6 au 11 septembre, le Pape se rendra à Bogota, à Villavicencio, Medellín et Carthagène des Indes. Il est le troisième pape à se rendre dans le pays après Paul VI en 1968 et Jean Paul II en 1986. À Villavicencio, Le Saint-Père béatifiera l’évêque de Arauca, Mgr Jesus Emilio Jaramillo Monsalve, assassiné par l’Armée de libération nationale le 2 octobre 1989 et le prêtre diocésain Pedro Maria Ramirez Ramos, plus connu comme le martyr d’Armero, tué en haine de la foi le 10 avril 1948. Autres temps forts de la visite : une bénédiction du Pape de la première pierre de la maison pour sans-abri de l’Œuvre Talitha Qum, et une visite au sanctuaire de saint Pierre Claver, missionnaire jésuite, évangélisateur des esclaves noirs.
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La prochaine visite du Pape en Amérique latine sera au Chili et au Pérou, du 15 au 21 janvier 2018. La Colombie est le septième pays visité sur sa terre d’origine, depuis son élection en 2013, après le Brésil (en 2013), l’Équateur, la Bolivie et le Paraguay (en 2015), Cuba (en 2015 et 2016), le Mexique (en 2016).