À quoi servait ce mur d’enceinte autour de l’église du village ? Comment nous sont-ils parvenus en si bon état ?
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À l’origine, ces enclos furent créés pour délimiter un espace sacré où enterrer les morts puisqu’il n’y avait pas assez de place pour tout le monde dans les églises. Il était donc nécessaire de mettre les tombes à l’abri des animaux domestiques (vaches ou cochons) qui étaient en liberté dans les villages comme nous l’explique François de Beaulieu, auteur d’une soixantaine d’ouvrages sur le patrimoine architectural de Bretagne.
Une architecture spécifique
L’enclos paroissial, avec tous les éléments architecturaux qui le composent, a une définition assez souple d’après François de Beaulieu. Ce sont des éléments associés à l’église paroissiale bretonne qui se voit entourée d’un mur formant ce fameux enclos, composé la plupart du temps d’une porte en forme d’arc triomphal très ouvragé. À l’intérieur de cet enclos se trouve habituellement le cimetière, bien qu’à certains endroits quelques-uns furent déménagés depuis à peu près deux siècles rappelle le spécialiste En dehors du portail principal qui pouvait être fermé par une grille, il existe également des échaliers qui permettent de franchir le mur à certains endroits. Les échaliers étant des dalles posées de champs qu’un humain peut enjamber alors que les animaux n’y parviennent pas. Au cœur de cet enclos se tient un calvaire ou au moins une croix ainsi qu’un ossuaire. Lorsque l’intégralité de ces éléments architecturaux est présente on peut considérer que l’enclos paroissial est complet. Cependant, il existe des enclos plus modestes ou ayant perdu certains éléments mais sont considérés comme enclos paroissiaux. Les concernant, ce sont surtout leurs ossuaires qui ont été détruits et leurs cimetières déplacés.
Une concurrence entre paroisses
Les travaux entamés dans les paroisses sont directement liés à l’activité économique puisque ce sont les paroissiens qui finançaient les enclos nous rappelle monsieur de Beaulieu. Dès le haut Moyen Âge de petits enclos paroissiaux apparaissent ça et là en Bretagne. Rapidement, des ossuaires sont créés lorsqu’il n’y a plus de place dans les cimetières afin de vider les tombes. À mesure que les villageois s’enrichissent grâce au commerce des draps et à l’industrie toilière au XVIe siècle, les enclos paroissiaux vont se doter de croix puis de calvaires à personnages très richement sculptés avec divers éléments architecturaux de prestige. S’installe alors une forme de concurrence inter-paroissiale ! C’était à celui qui aurait son plus bel enclos s’amuse François de Beaulieu. L’intérieur des églises n’a d’ailleurs pas été oublié dans la richesse ornementale qui les compose. Ainsi, certains ossuaires deviennent de véritables chapelles des morts. La beauté de ces enclos paroissiaux reflétera la fortune des villageois, ils seront en quelque sorte leurs signes extérieurs de richesse.
Pas de saccage révolutionnaire
À partir du XVIIIe siècle le commerce de la toile va s’effondrer progressivement et l’aménagement des enclos paroissiaux va s’estomper. Contrairement aux édifices religieux qui passent de l’art roman à l’art gothique puis au gothique flamboyant, les enclos paroissiaux seront entretenus mais ne seront pas réaménagés. Les saccages de la Révolution ont épargné une grande partie des enclos paroissiaux bretons puisqu’une majorité souhaitait pouvoir continuer d’être enterrée dans ces cimetières que leurs aïeux avaient édifiés. Néanmoins en différents lieux, des calvaires ou des statues furent brisés mais par chance, les paroissiens récupéraient les morceaux et les cachaient. Grâce à cela, plusieurs enclos paroissiaux ont pu être au cours du XIXe siècle.
Une mise en valeur des polychromies
Désormais de nombreux villages mettent en valeur ces enclos de multiples manières et, durant la période estivale, apparaissent des illuminations qui remettent en couleur les calvaires. Avant de nous parvenir dans des teintes essentiellement minérales granitiques, à l’origine ils s’agissaient d’œuvres polychromes qui avaient une vocation pédagogique pour la majorité des villageois qui ne savaient pas lire. Du reste, souligne François de Beaulieu, dans de très nombreuses églises, les statues en pierre ou en bois étaient peintes de la même façon qu’à l’extérieur, dans les enclos paroissiaux. Ces indications nous sont parvenues grâce, justement, à toutes les statues qui ont été enfouis et cachées pendant la Révolution. Certaines n’ont pas été réinstallées dans les enclos mais à l’intérieur des églises et ont gardé leur polychromie. Les enclos paroissiaux avaient donc un aspect très différent de ce que nous connaissons aujourd’hui.
Combien d’enclos reste-il ?
Avec le photographe avec qui je travaille, nous avons recensé plus d’une centaine d’enclos paroissiaux à travers la Bretagne allant du plus petit oublié aux plus visités, raconte François de Beaulieu. Il reste cependant difficile de donner un chiffre exact puisque tout dépend des critères que l’on adosse au terme d’un enclos paroissial. Certains d’entre eux n’ont juste qu’un petit muret et une croix.
Des enclos paroissiaux ailleurs qu’en Bretagne
Selon François de Beaulieu il existe des sortes d’enclos paroissiaux en Normandie mais rarement avec ce système aussi complet allant des calvaires monumentaux aux ossuaires érigés en chapelle des morts qui sont typiquement bretons.
Les enclos emblématiques
Les cinq enclos paroissiaux les plus connus sont dans un périmètre relativement réduit au sud de Morlaix. Il s’agit de Saint-Thégonnec, Guimiliau, Lampaul-Guimiliau, Pleyben et Plougonven. Et l’intérieur des églises vaut aussi le détour puisque, comme le rappelle notre expert : “Quand il y avait de la richesse à l’extérieur, il y en avait bien souvent aussi à l’intérieur”. Les retables, les orgues et les fonts baptismaux y sont tout à fait remarquables.
Enclos paroissiaux de Bretagne, de François de Beaulieu et Hervé Ronné (Photographies). Éditions Ouest France, mai 2016.
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