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Le mot foi vient du latin « fides », « la confiance ». Avoir foi en une idée ou en quelqu’un, c’est faire confiance à cette personne. En ce sens, le doute est inhérent à la foi, si on a confiance en quelqu’un, en un amour ou en une amitié, on a simplement l’espérance que la relation dure sans qu’on puisse en avoir la certitude absolue. La confiance est donc liée consubstantiellement à l’incertitude.
Le doute est une souplesse d’esprit qui garantit que la foi, tel le roseau, plie face aux tempêtes de la vie sans se briser. Ce n’est pas que la foi vacille, qu’elle faiblit ou qu’elle change au gré de vent de doctrines, c’est qu’elle se construit et s’approfondit en s’interrogeant. Enracinée dans le roc, elle est néanmoins assez souple pour ne pas être fossilisée, pour ne pas se scléroser, mais rester vive et pétillante.
Ce doute là est questionnement incessant, il fait de nous des chercheurs, des questeurs qui, tels les chevaliers errants, s’en vont chercher la présence de Dieu, véritable saint Graal à jamais fuyant et inaccessible.
Un jour, le chevalier Perceval s’arrête dans le château du roi pêcheur dont le père ne se nourrit que d’hosties. Au cours de son séjour, Perceval assiste à une étrange procession qui associe une lance qui saigne, un plat à la rayonnante splendeur (le Graal) et deux tailloirs d'argent. Le Graal est alors à portée de main, mais le chevalier, par pudeur ? Par timidité ? Par crainte ? Par bigoterie ? Ne pose pas de questions. Ce manque d’interrogation et de curiosité causera sa perte, le Graal lui échappera à tout jamais.
Une perpétuelle avancée dans le brouillard
C'est que Dieu ne veut pas des robots ou des bigots, mais des hommes et des femmes qui n’ont pas peur d’interroger le monde et les vérités toutes faites. Dieu veut des fils et des filles de Lumière qui affermissent leur foi au feu salvateur de la raison et du doute : « Il doute profondément, celui dont la foi est plus profonde. Il ne peut pas être trompé, celui qui n’est pas enclin à accepter des ouï-dire. Adam, sans expérience, est tombé rapidement en croyant rapidement ».
La foi n’est pas un chemin tranquille fait de certitudes et de positions figées, mais au contraire une perpétuelle avancée dans le brouillard. Et si parfois, des éclairs illuminent notre nuit et que la grâce de la sensation de la Présence nous réconforte, c’est la volonté de ne jamais s’arrêter de chercher, d’aller de plus en plus profondément dans le questionnement donc dans la foi qui nous empêche de geler sur place dans une caricature de foi qui n’est plus qu’un assèchement du cœur car il est vrai que l’ennemi de la croyance n’est pas le doute, mais la certitude.
Certes, il y a des certitudes fondamentales qui sont comme les fondations de notre forteresse intérieure et qui ne doivent pas être remises constamment en question sous peine de vivre en perpétuel déséquilibre. La foi en Dieu est de celle-là.
En définitive, en tant que croyant, le doute porte surtout, non tant sur l’existence de Dieu lui-même, mais sur la représentation que l’on s’en fait. C.S. Lewis expliquait qu’avant chaque prière, il faisait une demande de grâce à Dieu. Il demandait : « Seigneur que ce soit bien moi qui Te prie et que ce soit bien Toi que je prie ». C’est-à-dire que ce soit bien moi qui te prie, la part la plus sincère de moi-même, que je te prie non par conformisme, non par mimétisme, non par mécanisme ou bigoterie. Et « que ce soit Toi que je prie », c’est-à-dire que l’on prie Dieu et non l’image que l’on s’en fait. C’est la caractéristique des fondamentalistes, quelle que soit leur religion, de projeter leurs peurs, leurs craintes et leurs fantasmes sur Dieu. On a alors des caricatures de Dieu : Dieu épouvantail, Dieu tyrannique ou sadique, Dieu impitoyable et stalinien, Dieu comme une machine à condamner. On fait alors de l’idolâtrie, on veut s’approprier Dieu, s’en servir à ses fins, prononcer son nom en vain. Là, le doute est salvateur : « Dieu débarrasse-moi des fausses représentations que je me fais de toi et de ma religion ! »
Le doute est donc inhérent à la foi, car il la renforce.
Une négativité cynique à combattre
Toutefois, il existe aussi une forme de doute qui n’est plus une force provoquant une dynamique d’approfondissement de la foi, mais au contraire une remise en cause permanente du fondement même de l’existence. Ce doute-là ne nourrit pas la foi, mais la dissout aussi certainement que l’acide ronge la chair. Ce doute ou soupçon est l’une des marques de la modernité. In fine, il conduit à l’immobilisme, à l’absurde et au nihilisme : on doute de l’existence même de Dieu et l'on vit comme s’Il n’existait pas, on « doute » de sa fiancée, des hommes ou des femmes en général, on « doute » que demain nous ayons encore le même sentiment d’amour ou la même attirance et l’on finit par ne pas se marier, on doute de l’existence même de la Vérité, du Bien et du Mal et l’on se complaît dans un relativisme plat et mou. On doute de sa mission de vie, on doute même que le concept de mission de vie existe et l'on ne s’engage dans rien, car on finit par douter de la réalité de la vie elle-même.
Cette négativité rongeuse et cynique est évidemment à combattre dans un monde qui se noie par manque de sens et de transcendance. On ne peut s’empêcher de penser aux mots de Chesterton : « L’œuvre du sceptique au cours des cent dernières années a bel et bien été comme la rage sans objet de quelque monstre primitif, sans yeux, sans esprit, purement destructrice et dévorante, un asticot géant gaspillant un monde qu’il ne peut même pas voir, une existence ténébreuse et bestiale, inconsciente de ses propres causes comme de ses propres effets. »
Que Dieu nous préserve du soupçon par un doute propre à faire vivre une foi ferme, saine et souple portant les fruits du Royaume !