En se retirant du monde pour aller vivre dans le désert, Charles de Foucauld est un modèle à suivre pendant le Carême.
Si le Carême dure quarante jours, c’est pour s’unir au Seigneur qui a passé autant de temps seul dans le désert. Cette solitude-là, Charles de Foucauld ne l’a connue que trop bien : ermite du Sahara brûlant, il est un homme d’aventure et d’exploration, mais aussi de solitude et de prière, ce qui en fait par excellence un modèle pour le Carême.
Un apostolat atypique
Charles de Foucauld fit le choix de se retirer du monde pour mieux entendre la voix de son unique modèle, Jésus Christ et fit de sa vie un grand cri d’amour pour Dieu. Peu d’âmes, il est vrai, habitent le désert et ont entendu ce cri quand il fut poussé, mais son écho a dépassé les limites des dunes sahariennes pour s’étendre aux confins du monde par le truchement de l’Église. Charles de Foucauld, qui avait fait le choix de s’anéantir, accomplit ainsi la phrase de saint Jean qu’il aimait tant citer :
« Si le grain de blé ne tombe en terre et ne meurt, il reste seul ; s’il meurt, il porte beaucoup de fruit ». (Jean 12, 24).
Jamais il ne fut plus vivant que depuis sa mort. Dans une magnifique biographie, monseigneur Léon Cristiani met sa postérité au rang de Péguy et de Claudel : « Mais il est non moins évident qu’il les dépasse de loin par la nature de l’action qu’il exerce sur ceux que son génie et son exemple héroïque soulèvent incessamment au dessus d’eux-mêmes et attachent à l’œuvre qui fut la sienne ». Et l’on se souvient aussi — surtout ? — de la phrase définitive du père Yves Congar pour caractériser frère Charles : “L’un des deux phares qui ont illuminé le XXe siècle, aux côtés de sainte Thérèse de Lisieux”.
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La piété du désert
Pour mieux comprendre sa volonté de vivre au cœur du Sahara, il faut se souvenir d’une parabole du Christ : « Quand quelqu’un t’invite à des noces, ne va pas t’installer à la première place, de peur qu’il ait invité un autre plus considéré que toi. Alors, celui qui vous a invités, toi et lui, viendra te dire : “Cède-lui ta place” ; et, à ce moment, tu iras, plein de honte, prendre la dernière place. Au contraire, quand tu es invité, va te mettre à la dernière place. Alors, quand viendra celui qui t’a invité, il te dira : “Mon ami, avance plus haut”” (Lc 14, 8-10).
C’est cette dernière place qu’il est allé chercher aux confins de la Syrie d’abord, puis en Terre Sainte, et enfin à Béni-Abbès, en Algérie. Là, les étendues de sable et la solitude lui apprennent que la sainteté est un héroïsme, et que l’héroïsme n’existe pas que dans les gloires temporelles mais avant tout dans le combat intérieur. Qui d’autre accuser de ses propres défauts quand on est seul ? Il trouvera dans le désert une école d’humilité, de confiance en Dieu et d’abandon à sa sainte Providence, dont sa célèbre prière d’abandon est un témoignage bouleversant :
Mon Père, je m’abandonne à Vous,
Faites de moi ce qu’il Vous plaira.
Quoi que Vous fassiez de moi,
Je Vous remercie.
Je suis prêt à tout, j’accepte tout.
Pourvu que Votre volonté se fasse en moi,
En toutes Vos créatures,
Je ne désire rien d’autre, mon Dieu.
Je remets mon âme entre Vos mains.
Je Vous la donne, mon Dieu,
Avec tout l’amour de mon coeur,
Parce que je Vous aime,
Et que ce m’est un besoin d’amour
De me donner, de me remettre entre Vos mains
Sans mesure, avec une infinie confiance
Car Vous êtes mon Père.
“Oui” fut le mot d’ordre de sa vie. Un écho au “Fiat” de la Vierge Marie, une acceptation aveugle du dessein de Dieu pour sa petite vie, puisqu’il se savait instrument du plan divin dans l’idéal missionnaire auquel il s’était voué.
L’humilité et le service
La spiritualité du “oui”, c’est aussi celle du service. Si le Sahara porte le nom de désert, il ne l’est pas tout à fait, habité par les Touareg, que le père de Foucauld espère mener à Dieu. En 1916, il écrit à son ami René Bazin : “Les missionnaires isolés comme moi sont fort rares. Leur rôle est de préparer la voie… Ma vie consiste donc à être le plus possible en relation avec ce qui m’entoure et à rendre tous les services que je peux. À mesure que l’intimité s’établit, je parle, toujours ou presque toujours, en tête à tête, du bon Dieu, brièvement, donnant à chacun ce qu’il peut porter (…) avançant lentement, prudemment”.
Grande figure spirituelle des temps modernes, bienheureux, il est assurément l’un des de ces grands hommes dont l’âme, toujours prête à accepter les sacrifices les plus rudes, n’était pleine que de l’amour de Dieu. Et cet amour dit-on, se lisait sur son visage : c’était un homme d’une beauté un peu surnaturelle, comme en témoigne la photo qui fut affichée au Vatican lors de sa béatification par le pape Benoît XVI.
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