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Dans son premier film, Grand Corps Malade aborde le sujet délicat de la tétraplégie

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Fanny Magdelaine - publié le 27/02/17
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Avec “Patients”, film adapté de son autobiographie, le slameur livre une belle leçon de vie et d’espoir face au handicap. « Là-bas au bout des couloirs, y’aura de la lumière à capter, on va tenter d’aller la voir avec un espoir adapté ! » scande la chanson du générique de fin écrite par Grand Corps Malade. Comment s’adapter à sa nouvelle vie quand on est jeune et qu’un accident nous rend « tétraplégique incomplet » ? Comment adapter son espoir ? C’est ce que Fabien Marsaud, alias Grand Corps Malade, explique avec beaucoup d’humanité dans ce premier film à la fois émouvant et très drôle. On sent le vécu, celui d’un jeune homme sportif qui se prépare à devenir professeur de sport tout en continuant à pratiquer le basket avec passion, mais qui voit brutalement son destin fauché par un accident de plongeon. Cette histoire, son histoire, le chanteur l’avait racontée dans un livre, Patients, sorti en 2012. « Mais j’avais envie d’un nouveau défi, d’écrire des dialogues, de faire un film » explique Grand Corps Malade qui livre ici une adaptation plutôt fidèle de son autobiographie.

Qui aime bien chambre bien…

Pour ce nouvel exercice, il s’est entouré de Fadette Drouard pour l’écriture et de Mehdi Idir pour la réalisation. Le résultat est plutôt réussi : on rit tout au long du film qui part pourtant d’un drame. Qu’importe, mieux vaut en rire. « On est d’un milieu où ça se chambre sans cesse, c’est un jeu de ping-pong » s’amuse Grand Corps Malade. Dans Patients, les vannes fusent, l’humour illumine les longs couloirs et les chambres ternes du centre où le jeune Fabien Marsaud a réellement suivi sa rééducation dans les années 90 pendant un an. Un an de soins, de progrès grâce à un personnel épatant, attachant et parfois aussi déconcertant comme Jean-Marie, l’aide-soignant du matin qui s’évertue à parler à Ben à la troisième personne : « Il est en forme ? On va lui ouvrir son premier volet… Car oui, Benjamin a la chance d’avoir plusieurs volets… ».

Des comédiens bien dans leur rôle

Pour ce premier film, Grand Corps Malade peut s’enorgueillir d’avoir trouvé des comédiens épatants : les acteurs principaux, dont certains étaient jusqu’à présent inconnus du grand public, sont plus que crédibles dans leur rôles de « tétra » ou « para » à commencer par le jeune Ben, joué par Pablo Pauly – vu dans Discount, De toutes nos forces ou encore La fille de Brest. Pour les figurants, le réalisateur a fait appel aux pensionnaires du centre qui étaient là en rééducation pendant le tournage. Le film est un film de troupe, choral presque, où chacun a trouvé sa juste place.

La bande originale du film, dans le ton, a été confiée à Angelo Foley, qui a notamment travaillé sur le dernier album de Grand Corps Malade. L’auteur-réalisateur s’est lui contenté, après avoir longuement hésité, d’écrire un titre (“Espoir adapté”) pour la deuxième partie du générique de fin, après la chanson de NTM, toujours sur la musique d’Angelo Foley.

La caméra suit l’évolution du héros

Les séquences ont été tournées en fonction des sons et pour la mise en scène, Grand Corps Malade et Mehdi Idir ont cherché à ne pas tomber dans le pathos malgré la gravité du sujet : « On souhaitait plutôt diffuser un message d’espoir et ouvrir au monde du handicap pour ceux qui en sont très éloignés ». La caméra suit l’évolution du patient alité, les plans sont très serrés au début puis, plus Ben retrouve de liberté de mouvement et de verticalité, plus son horizon s’élargit à l’image. Quelques séquences ont été filmées ou montées de manière plus originale un peu comme pour un clip, rien de bien étonnant puisque c’est à Mehdi Idir que l’on doit les clips de Grand Corps Malade.

Adapter son espoir

Patience, courage, persévérance : il en faut pour avancer pas à pas  – « Aller aux toilettes, c’est une espèce de rêve pour moi » raconte Ben à un copain au téléphone  –, progresser tout en acceptant son destin et se préparer à affronter la réalité nouvelle : « Faut que tu commences à penser comme un handicapé, à changer d’espoir quoi… ». D’où ce joli oxymore d’ « espoir adapté » : « Cet espoir adapté, chacun le vit différemment avec plus ou moins de pessimisme ou d’optimisme, souligne Grand Corps Malade. Dans le film, l’espoir adapté de Ben n’est pas le même que celui de Toussaint… ». Toussaint – parce qu’il est né le jour de… – qui finit par quitter, le cœur lourd, le centre pour rejoindre une maison d’accueil spécialisée : « J’espère que ton centre, il aura une autre gueule que ton camion » ironisent ses amis pour cacher leur peine.

Tuer le temps hors du monde

La vie de demain ne sera plus celle d’hier même si les patients ne peuvent s’empêcher d’espérer qu’avec les progrès de la médecine, un jour… En attendant ce futur forcément adapté, Ben et ses acolytes vivent au jour le jour en essayant de tuer le temps comme ils peuvent. Un présent suspendu, en dehors du monde extérieur, dans la « bulle » du centre, au milieu du kiné, des aides-soignants et des médecins, et surtout des autres patients, tous dans la même galère, même si chacun a sa propre histoire : « Vous les nouveaux handicapés, vous ne respectez pas les anciens » reproche notamment à Ben Farid, en fauteuil depuis ses 4 ans. Il y a de la vie dans cet établissement. Des moments tristes, sombres, de la joie aussi et peut-être même un certain bonheur. Et des relations humaines uniques.

En regardant le film, on ne peut s’empêcher de se dire qu’aujourd’hui, dans ce type de structures, avec les nouvelles technologies, les rapports humains ont peut-être un peu changé : dans les années 90, époque à laquelle se situe l’histoire, sans smartphone ni tablette, les patients pouvaient soit rester dans leur chambre et regarder Derrick ou M6 Boutique – et admirer le célèbre « Bodytrainer » dont on vante les mérites alors que les patients ici peuvent à peine bouger leur corps ! – soit sortir et risquer la rencontre. Quand Ben est en capacité de quitter son lit et de se déplacer en fauteuil, l’espace du centre et de son parc s’ouvre à lui, et il découvre les autres pensionnaires du centre. C’est alors pour le spectateur un régal de voir les pensionnaires du centre se parler, se chambrer, se soutenir, sans forcément s’apprécier, mais en faisant preuve d’empathie les uns envers les autres, eux qui sont tous là à essayer de poursuivre leur vie avec un espoir adapté.

Patients de Grand Corps Malade et Mehdi Idir en salles le 1er mars 2017.
Adapté du livre Patients, de Grand Corps Malade, aux Éditions Don Quichotte, 2012, 163 pages.

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