Le mariage, le divorce et le remariage tels que le pape François les pense.
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En ce moment, Amoris Laetitia me complique un peu la vie. Mais je pense que trois histoires tirées du livre du pape Le nom de Dieu est Miséricorde peuvent aider à comprendre sa pensée.
J’ai donné des conférences et des interviews à la radio sur mon livre What Pope Francis Really Said, y parlant des mêmes types de choses dont je vais parler ici. Le pape veut pour nous que nous concentrions notre énergie à communiquer aux autres notre foi, plutôt que de la garder égoïstement pour nous-mêmes. Il veut que nous allions au-delà de nos cercles de confort. Il ne veut pas que nous nous contentions de professer notre foi, mais aussi que nous la vivions.
Mais à ceux qui me posent des questions sur la fameuse partie d’Amoris Laetita traitant du divorce, du remariage et de la communion, je n’ai pas de bonne réponse. Pas plus que les théologiens que je connais et qui apprécient sincèrement le pape François. La pertinence des dubia (doute en latin) adressées au pape par quatre cardinaux peut être remise en question, mais soutenir la logique du pape est de plus en plus difficile.
Je suis un laïc. C’est pourquoi je laisserai ceux nommés par l’Église répondre à ces questions. Mais voici quelque chose que je peux dire : je ne considère pas que le pape François soit un agent d’un changement radical – ni même d’un léger changement de cap – comme certains semblent le penser.
La confession d’abord et avant tout
Je peux aussi dire que d’après moi, il explique d’où vient sa pensée dans son livre. Il faut d’abord prendre en compte l’expérience personnelle de la confession à laquelle il fait référence dans les pages 11 et 12.
Le livre du souverain pontife traite avant tout de sa conviction personnelle sur le pouvoir du sacrement de réconciliation. Il y revient encore et toujours : quand nous nous confessons, nous rencontrons Jésus, le guérisseur.
Tout remonte à une expérience qu’il a vécue à l’âge de 17 ans. C’était le 21 septembre 1954. Il n’oubliera jamais cette date. Il est entré dans le confessionnal et il y a reçu « une consolation spirituelle sans cause spirituelle. Littéralement un éclair sortant d’un désert spirituel. » C’est ainsi que Père Robert Spitzer le décrit. L’adolescent « vit une profonde expérience mystique de Jésus. Il est littéralement complètement cloué sur place par cette expérience. Au moment où il la vit, il ressent la miséricorde divine. Il peut sentir Jésus qui le guérit au sens propre. »
Ce jour-là, le futur pape repart convaincu que Jésus l’appelle et il est prêt à le suivre, peu importe où. Lorsqu’il lit après une homélie pour le saint de ce jour-là , saint Matthieu, il choisit sa devise : Miserando atque eligendo (En ayant pitié et en choisissant).
Le reste de la vie du pape François peut-être vue comme la tentative d’amener autant de personnes que possible à la rencontre de Jésus, pour que, comme Il l’a fait pour le futur pontife, Il transforme leur vie. Ou encore, cela peut être interprété comme la tentative d’amener le plus de personnes possibles à rencontrer le Christ à travers le sacrement de réconciliation.
Sa première interview pour la revue America en 2013, qui traitait essentiellement de la façon dont les prêtres devraient traiter les pénitents, en est la preuve. On peut aussi le voir dans l’habitude qu’il a prise tôt d’aller recevoir le sacrement de réconciliation devant une foule. C’est ainsi que des photos de lui se confessant sont devenues très populaires. On le voit également dans ses appels en 2014 à 24 heures d’adoration et de confession.
Quand il a annoncé l’année de la Miséricorde en 2015, il a écrit : « Rendons au sacrement de réconciliation sa place centrale, de façon à ce que ceux qui le vivent puissent toucher de leurs mains la grandeur de la miséricorde divine. » (N° 17)
C’est pourquoi dans son livre Le nom de Dieu est Miséricorde paru en 2016 François en revient toujours à la confession. Ce sacrement est au cœur de son message. D’après lui, « sans la confession, le monde n’existerait pas. »
Prenons à présent une autre histoire de ce livre : celle de sa nièce.
Il raconte plus loin l’histoire de sa nièce qui a épousé un divorcé qui avait la garde de ses enfants. « La foi de cet homme était tellement forte que tous les dimanches, en allant à la messe, il se présentait au confessionnal et disait au prêtre : “Je sais que vous ne pouvez m’absoudre, mais j’ai péché en faisant ci et ça, pouvez-vous me bénir ?” »
Il ne pouvait être absout à cause des paroles du Christ dans l’évangile de Luc 16:8 : « Quiconque répudie sa femme et en épouse une autre commet un adultère, et quiconque épouse une femme répudiée par son mari commet un adultère. »
Les catholiques ont tendance à appeler la partie d’Amoris Laetitia qui les gène « la communion pour les divorcés-remariés sans annulation de mariage. » Je suis sûr que le pape François lui aussi voit la communion comme ce qu’il y a de plus important ici, mais je pense que sa réponse à la situation est plus en rapport avec l’étape par laquelle chaque communiant devrait d’abord passer : le sacrement de réconciliation.
Imaginez-vous vous confesser mais vous voir refuser l’absolution. C’est une pensée qui gène notre pontife. Beaucoup. Et elle devrait aussi nous déranger.
Vers qui se tourner quand on vit cette situation ? Nombreux sont ceux qui prennent la croix de vivre mariés mais abstinents. Pour d’autres, cette option est soit impossible, soit insupportable. Parmi eux, beaucoup quittent l’église catholique pour trouver un autre foyer spirituel ayant une définition plus souple du mariage.
Gare au relativisme
Mais prétendre qu’un mariage n’est plus un mariage et qu’un péché n’est plus un péché n’est pas une réponse acceptable, ni pour le mari de sa nièce, ni pour le pape François. Dans les pages 15 et 16 [de la version en anglais] du livre Le nom de Dieu est Miséricorde, le pape nous met en garde contre le relativisme.
« L’humanité est blessée, très profondément, » dit-il et ce « n’est pas qu’une question de problèmes sociaux. »
« Le relativisme aussi blesse les personnes : tout semble avoir la même importance, tout se vaut, en apparence. […] Il y a plus d’un demi siècle, Pie XII disait que le drame de notre temps est que nous avons perdu le sentiment de péché. Aujourd’hui nous allons encore plus loin en pensant que nos maux et nos péchés sont incurables. »
Le pape n’est pas un relativiste. Il a toujours critiqué le relativisme. Il sait que le mariage est indissoluble. Il n’aime pas le divorce. Mais il refuse aussi de fermer les yeux comme nous le faisons actuellement sur le fait qu’il y a de vrai problèmes dans de nombreux mariages.
Il a été très clair sur ce point quand il a revisité les procédures d’annulation. « Ceux qui pensent que ceci est une “version catholique du divorce” se trompent » a-t-il dit à des journalistes. « Le mariage est indissoluble quand il s’agit d’un sacrement. C’est quelque chose que l’église ne peut pas changer. C’est la doctrine. C’est un sacrement indissoluble. »
Il explique que les nouvelles procédures d’annulation sont plutôt là pour déterminer si « ce qui semblait être un sacrement n’en était pas à cause d’un manque de liberté ou de maturité par exemple, ou à cause d’une maladie mentale, ou à cause d’une autre raison, elles sont si nombreuses… »
Il a donné des exemples d’annulation, se rappelant avoir souvent vu à Buenos Aires des femmes se marier parce qu’elles étaient enceintes. « Nous les appelions “les mariages express”. Ils avaient pour but de sauver les apparences. Puis les bébés naissaient et certains mariages fonctionnaient, mais il n’y avait pas de liberté. D’autres mariages tournaient peu à peu au vinaigre et les époux se séparaient en disant : “J’ai été obligé de me marier pour cacher la situation.” »
Il a résumé ainsi : « “Le divorce catholique” n’existe pas. La nullité est confirmée si l’union n’a jamais existé ; mais si elle a existé, elle est indissoluble. »
Donc où est-ce que cela nous mène ?
Cela nous mène à avoir un pape qui ne veut pas mépriser la doctrine, mais qui à bien l’intention d’accomplir sa mission de miséricorde et d’envoi pour que le plus de personnes possibles aillent se confesser. Père Raymond J. De Souza pense que le Saint Esprit ralentit le Pape.
Mais il est clair que le pape ne ralentira pas de lui-même. Une anecdote aux pages 12 et 13 de [la version en anglais de] son livre montre son intention de pêcher par excès de miséricorde.
Le pape François se rappelle d’un « grand confesseur » qui est un jour venu à lui et lui a dit : « parfois j’ai des doutes, et je me demande si je n’ai pas trop pardonné. » Quand cela lui arrive, il se présente devant le tabernacle et prie : « Mon Dieu, pardonne-moi si j’ai trop pardonné. Mais c’est toi qui m’a montré le mauvais exemple ! »
« C’est quelque chose que je n’oublierai jamais » a dit le pape.