“Rien de ce qui est inhumain ne m’est étranger” est le dernier ouvrage que nous offre le philosophe Martin Steffens.Il est difficile de vouloir condenser ce livre, d’en livrer, sinon l’essence, au moins le message principal, tant aucune phrase n’est inutile. On se sent rejoint au plus profond de notre humanité et de notre chair. L’âme à vif et enfin considérée dans la réalité de sa vie. Enfin un ouvrage qui ne fait pas l’impasse sur les zones d’ombre que l’on porte en soi et qui accepte, toujours en poussant à combattre, que : “Le mal n’est pas un problème à résoudre, mais un mystère à endurer, jusqu’au bout”. Paru le 20 octobre, le sous-titre “Éloge du combat spirituel” nous rend l’approche du livre plus douce, car en effet, sous la plume du philosophe la lumière crue jetée sur nos péchés, sans vergogne, est cependant bienveillante et bonne. Car elle est vraie.
Le terme “combat spirituel” fait peur, non parce qu’il est dangereux ou qu’il renvoie à un sens aigu du discernement, mais à cause de son appel au courage. Qui, parmi nous, choisit toujours la voie du courage ? Qui préfère regarder et dévier le mal qu’il porte en soi plutôt que celui d’autrui ? Qui a conscience que le mal ne démarre pas d’autre chose que de ce que l’homme porte en lui ? Ce n’est pas une condamnation, ni un procès à la fin duquel nous serions systématiquement perdant. Non, c’est le choix de maintenir en soi l’envie d’affronter ce mal plutôt que de le fuir, sans jamais parvenir à l’éviter et à l’évincer véritablement, nous pouvons au moins agir, changer, être prudents, voir plutôt que de se décevoir.
L’auteur s’attache à la réalité du combat, à son quotidien, et nous empêche d’emblée de fuir son existence. Nul besoin de le prendre de haut, il s’adresse à tout le monde. Et c’est libérateur. Des exemples les plus simples aux difficiles aveux qu’il déclare à notre place, des péchés les moins graves à ceux qui révulsent en nous la part d’humanité, tout est regardé. Mais il ne nous laisse pas dans l’arène comme un spectateur qui voudrait voir comment on se débrouille avec tout cela sur les bras. Il nous assure (et nous rassure) que le combat spirituel est gagné d’avance, car Dieu est miséricordieux. Et il nous donne des armes, nous apprend à nous en servir, pour espérer que l’on devienne des saints, le troisième type d’homme après le singe et le sage.
Finalement, reconnaître le mal en nous, nous rendrait plus humain, c’est la condition préalable pour choisir de lui donner la moindre place et à la fin accéder à la sainteté. Car le bien n’est jamais loin, même si nous n’arrivons pas toujours à le faire. Et si l’on devient ardent au combat, cela sera plus simple d’emmener les autres avec soi, de les aider à voir le mal qu’il y a en eux avec humanité et de le porter avec eux, pour dissiper les ombres.
Si vous n’êtes toujours pas convaincu du bienfait d’une telle lecture, le prix est ridicule pour l’infini qu’on y trouve.
Rien de ce qui est inhumain ne m’est étranger. Éloge du combat spirituel, de Martin Steffens, Éditions Points, 192 p., 10 euros.