Quand Hodler, Monet et Munch arrivent à peindre l’eau, la neige et le soleil.
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Cette exposition à vocation « grand public » raconte l’histoire de trois peintres uniques en leur genre et de leur confrontation aux « impossibles » de la peinture, ces éléments, l’eau, la neige, le soleil, si difficiles à coucher sur une toile que les générations de peintres ont le plus souvent et longtemps évité de prendre pour sujet. Mais quand la modernité fait irruption dans les arts, au travers de la photographie et du cinéma, qui s’approprient le monopole de la représentation du réel, les artistes ne peuvent plus reculer : il faut s’y confronter, se renouveler, se réinventer. Tenter de représenter l’impossible.
Tout conteur se doit d’introduire convenablement ses personnages, s’il veut capter l’attention et fasciner son lecteur. C’est ainsi que nous faisons la connaissance, dès la première salle de l’exposition, de nos « héros » à travers leurs autoportraits. Edvard Munch est le plus jeune de notre trio ; né en 1863, il est l’une des figures les plus importantes de l’expressionnisme qu’il insuffle, avec Van Gogh, dès le début du XXe siècle en Allemagne et en Europe du Nord. Ferdinand Hodler, peintre suisse de dix ans son aîné, est peut-être le plus méconnu des trois. Enfin Claude Monet, l’aîné, est celui dont l’œuvre est tellement connue que l’on est sans cesse en demande, à cor et à cris, d’en découvrir ou redécouvrir de nouvelles facettes, quitte à le soumettre à la perspective de ses contemporains qu’il n’a pourtant pas directement fréquenté aux détours des Salons et Expositions.
L’étude de la nature
Avant les expérimentations est le temps de l’apprentissage. L’étude de la nature est un passage obligatoire pour notre trio comme pour leurs contemporains impressionnistes. L’observation minutieuse du paysage est épurée de tout élément anecdotique ou décoratif, pour laisser place à un manifeste technique d’une grande qualité. La beauté et la simplicité du réalisme du Promeneur à l’orée du bois de Ferdinand Hodler, que l’on découvre ici, est à couper le souffle, de même que les essais jour et nuit de La Seine à Saint-Cloud sous la touche en aplat de Munch.
Après un premier arrêt du côté des Montagnes, qui ont surtout fasciné Hodler, inspiré par les paysages escarpés et splendides de sa Suisse natale, notre trio de peintres se confronte à un premier élément de taille : le Soleil. C’est bien sûr l’occasion de voir ou de revoir Impression, soleil levant, manifeste impressionniste de Monet en 1872, et si l’affluence des salles d’exposition le permet, de se plonger avec délices dans sa contemplation insatiable.
Si Hodler fait, tout comme Monet, le choix de la sagesse en observant et représentant le soleil à l’aube ou au crépuscule, Edvard Munch ne prendra pas le soin de ménager sa rétine, et affrontera notre astre solaire les yeux dans les yeux. En résultent deux toiles aussi colorées que surprenantes, qui transcrivent à merveille l’éblouissement quasi-aveuglant ressenti lorsque par malheur nous fixons le soleil ; tout pour comme celui-ci, la peinture nous donne l’impression d’éprouver la persistance rétinienne de notre vue lorsque l’on ferme les yeux. C’est un combat entre l’artiste et la nature, entre l’œil qui veut voir et la lumière qui résiste, qui est matérialisé pour le spectateur.
Peindre la neige
Après avoir triomphé de l’astre solaire, nos « héros » s’en vont affronter un autre adversaire de taille, qui s’est longtemps fait discret dans la peinture à travers les âges : la neige. C’est un tour de force que réalisent à leur tour Hodler, Munch et Monet ; comment, en effet, rendre grâce à la blancheur la plus pure que la nature nous donne à contempler ? Courbet avait ouvert la voie quelques années auparavant, avec ses paysages hivernaux de Franche-Comté.
L’expressionisme de Munch est saisissant dans Neige fraiche sur l’avenue, le tableau choisi pour illustrer cette exposition ; ici la neige, le temps sont ressentis comme une menace, la sinuosité et les tons violet, bleu et gris, que les deux personnages du premier plan fuient. Monet fait preuve, à son habitude, d’un systématisme soigné : lors de son voyage en Norvège, de jour, de nuit, par temps gris ou ensoleillé, sous les intempéries, il affronte la neige au fil des toiles jusqu’à la dompter complètement. Les fameuses Maisons bleues magnifient le lever de soleil dans une vision apaisée et apaisante, où l’on perçoit la douceur de toutes les nuances de couleurs. Pendant ce temps, Hodler lui s’en prenait aux montagnes.
L’ondée
L’épopée de nos artistes les amène aussi à se confronter à ce que l’on appelle en des termes poétiques, l’ondée. Il serait faire offense au lecteur de parler ici des Nymphéas ou des falaises d’Étretat, exemple les plus connus et reconnus du traitement de l’eau, entre autre, par Claude Monet. On découvre ici plus volontiers des œuvres moins vues de Munch et Hodler : quand le premier frôle l’abstraction dans sa peinture, le second au contraire, nous offre, avec La femme courageuse, dans sa propre vision de la figuration, un combat épique entre une jeune femme et un véritable déchainement aquatique.
Et puis, à la fin du parcours, c’est le dernier triomphe, enfin. Celui de la couleur, qui transcende tous les courants picturaux au tournant des XIXe et XXe siècles. Les dernières toiles qui nous sont données de voir semblent exalter la couleur comme la véritable héroïne de la peinture de nos trois peintres. Hodler, Monet et Munch sont contemporains entres autres des fauves Matisse, Derain, Vlaminck, Braque, des expressionnistes Kirchner, Kandinsky… qui ont eux aussi fait l’expérience de la nature et de la couleur. Autant de héros, autant d’autres histoires à découvrir et autant de victoire de la peinture sur l’impossible.
Informations :
HODLER, MONET, MUNCH
Du 15 septembre 2016 au 22 janvier 2017
Musée Marmottan Monet
2, rue Louis-Boilly
75016 Paris – France