Les émeutes récentes ont provoqué de nombreuses réactions de la communauté internationale. Mais l’histoire de ce pays reste méconnue.Comme dans le cas du terrorisme, les manifestations de violence trouvent souvent leur source dans un déséquilibre de la société. Les soubresauts que nous avons évoqués dans la première partie de cet article ne sont que l’expression d’un problème plus profond : l’instabilité de la société, dont nous allons survoler quelques-unes des causes.
Une manne énergétique trop présente
Le Gabon possède un panel énergétique intéressant : l’électricité est issue à 14 % du pétrole, 48 % du gaz, et 37 % de l’hydroélectricité (barrages). Mais ces chiffres cachent une autre réalité : le pétrole représente entre 80 et 85 % des recettes d’exportation du Gabon. La fluctuation des cours du pétrole explique pourquoi l’État gabonais, malgré une croissance intéressante (environ 3,5 %) peine à stabiliser son budget. Parmi les entreprises les plus rentables dans le pays on retrouve ainsi Total Gabon et Shell Gabon. Mais le secteur minier constitue une seconde manne pour le pays. La compagnie minière de l’Ogooué (COMILOG) affiche de très bons résultats, notamment grâce à la production du manganèse (utile pour l’acier, l’aluminium, les piles, les engrais, les pesticides).
Industrie du bois sous-développée
Alternative intéressante dans la perspective d’une diminution de l’extraction du pétrole, la filière du bois est primordiale au Gabon. Après la fonction publique, il s’agit du deuxième employeur du pays, recouvert de forêt à 80 % (soit 22 millions d’hectares). On y trouve de nombreuses essences d’arbres commercialisées dont la plus connue est l’okoumé, très demandée dans les domaines de la marqueterie et du contreplaqué. Les principaux acheteurs sont la Chine (60 %), la France (12 %), puis l’Inde (7 %). L’Asie absorbe à elle seule presque 75 % des exportations de bois (en 2005). Mais la filière, si elle emploie 15 000 personnes directement et génère environ 30 000 emplois indirects, est une industrie à faible valeur ajoutée car elle fournit peu de transformations locales. Le Gabon tend à fabriquer davantage de produits sur place mais la mise en œuvre de ces mesures est difficile et balbutiante.
Insécurité alimentaire
La pyramide de Maslow montre bien combien les besoins vitaux sont des acteurs indispensables de la stabilité d’une société. Le Gabon est un état viable, a une dette publique très basse et un budget variable, et demeure le troisème pays africain en terme de revenu par habitant. Cependant les Gabonais font face à une crise alimentaire qui s’aggrave, selon la FAO (organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture). Colin Grant Clark, économiste britannique, avait prouvé que le développement d’un pays dépend en premier lieu de l’agriculture et en second de l’industrie agricole. Ainsi de 2004 à 2015 seulement 0,32 % (en moyenne) du budget national a été alloué à l’investissement agricole, selon IDRC Africa. Les émeutes récentes ont été l’occasion localement de graves pénuries alimentaires.
Absence de santé publique
Entre un médecin et la guérison d’un patient, l’administration tient un rôle majeur. L’absence de politique de santé étatique se ressent d’abord pour les affections longues ou lourdes (cancer, diabète, sida, etc.). La prévention est très largement sous-utilisée. Comme ailleurs, beaucoup de médecins et laboratoires peu scrupuleux cherchent à s’enrichir avant tout : “Il m’arrive de blêmir en lisant l’ordonnance de certains médecins”, affirme une pharmacienne de Libreville.
L’ensemble de ces facteurs indique un état défaillant, mais au contrôle institutionnel fort. Ce sont ces deux caractéristiques réunies qui encouragent les émeutes et les renversements brutaux de dirigeants. Dans ce contexte difficile, un phare éclaire et vient en aide aux gabonais : l’Église catholique, qui par ses bonnes œuvres et son implication dans la société, travaille à rendre la situation plus vivable. “À cause de cette générosité, le Seigneur votre Dieu vous bénira dans tout ce que vous entreprendrez. Il y aura toujours des indigents dans le pays ; c’est pourquoi je te donne ce commandement : Tu ouvriras ta main à ton frère, au pauvre et à l’indigent dans ton pays” (Moïse, Deutéronome, XV, 10-11).