Comment et pourquoi le tatouage a-t-il traversé les âges ? Explication et mise en perspective avec les évangiles, par un connaisseur… le père Bertrand Monnier
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Issu de la nuit des temps, le tatouage revient aujourd’hui dans la culture populaire. De nos jours, il exprime un certain nombre de besoins : un besoin d’expressions et de rites notamment. Sa dimension épidermique montre que cette société est principalement basée désormais sur des valeurs sensibles et sentimentales plus que sur des valeurs de raison et de transmission. Mais surtout, sa dimension personnelle (voire intime) démontre que c’est l’individu qui est maintenant au centre des préoccupations, non la communauté, et encore moins toute institution. Un peu d’histoire…
Trois grandes étapes permettent de comprendre le tatouage à travers les siècles, et montrent une certaine dynamique dans l’histoire.
L’âge tribal : dans les tribus, on pratiquait beaucoup le tatouage. Les plus anciens connus ont plus de 5.000 ans. Cette pratique était à la fois religieuse et sociale, avec une dimension initiatique certaine. Les tatouages n’étaient pas choisis, mais imposés en fonction d’un rang social, d’un corps de métier, d’un lieu d’habitation géographique, etc… Les motifs étaient principalement d’ordre naturel (plantes, animaux…).
L’âge impérial : c’est l’interdiction du tatouage, afin de fédérer les tribus en un unique empire. Bien avant l’ère chrétienne, les empires grecs et romains interdisaient le tatouage, d’une part pour éviter toute revendication tribale, et d’autre part par respect du corps humain. L’interdiction du tatouage en Europe occidentale n’est pas le fait de l’Église, mais de Charlemagne, dans son Admonitio Generalis de 789. L’interdiction religieuse du tatouage vient du fait que ce sont les religieux qui étaient chargés des divulgations et applications des lois civiles. D’un point de vue textuel, l’interdiction du tatouage est présente une seule fois dans la Bible (Lévitique 19, 28) et dans le Coran (Sourate 4, 119), ce qui est infime.
L’âge individualiste : le déclin des grandes politiques impériales, qui a commencé au XVIII° siècle, a vu revenir le tatouage dans la société. D’abord avec les marins qui ont visité des îles lointaines où le tatouage tribal était pratiqué, ce qui explique le symbole de l’ancre maritime comme très usité (jusqu’au capitaine Haddock, ou Popeye…). Des marins aux ports, tavernes et tripots, puis aux prisons, le chemin se fait très vite. Le tatouage était donc l’apanage du mauvais garçon, à la réputation rebelle. Et c’est avec cette idée, justement, que tout un enchaînement de situations s’est déroulé à partir du milieu du XX° siècle. L’avènement de l’herméneutique de la rupture ayant lancé la mode du “bon rebelle”, le tatouage s’est imposé peu à peu comme un nouveau mode d’expression. L’homme moderne, et donc individualiste, se doit de refuser toute institution pour montrer à tous qu’il est libre.
Le principe du tatouage est donc celui de l’appartenance. À l’âge tribal, la personne appartient à sa tribu. À l’âge impérial, la personne appartient à l’empire. À l’âge individualiste, la personne appartient à elle-même. En ce début du XXI° siècle, une personne sur trois est tatouée chez les 20-40 ans. Et le phénomène est en telle croissance qu’il faut réserver son tatoueur près de 6 mois à l’avance. Dans quelques années (une dizaine, tout au plus), la moitié de la génération active sera tatouée, et peut-être même plus. C’est bien un phénomène de société que l’Église doit observer. À première vue, il n’existe aucune parole religieuse en dehors de l’hapax biblique (qui n’a qu’une seule occurrence, Ndlr), l’interdiction religieuse formelle du tatouage reste bien ancré dans les esprits. C’est même cette idée qui pousse beaucoup de jeunes à se faire tatouer : cela démontre un anti-institutionnalisme, qui est devenu une convenance dans la société actuelle.
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Le tatouage (2/3). Un rituel sans le sacré ?
Le tatouage (3/3). L’Église face au tatouage