Plus rentable que le trafic de drogues, le marché des faux médicaments serait responsable de la mort de 200 000 personnes dans le monde, pour les seuls antipaludiques.
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Le professeur Marc Gentilini, délégué général de la Fondation Chirac pour l’accès à des médicaments et à une santé de qualité, dénonce un trafic encore mal connu, aux conséquences dévastatrices.
Aleteia : Vous constatez que le trafic de faux médicaments augmente, n’y a-t-il aucun moyen de lutter contre ce fléau ?
Marc Gentilini : L’un des problèmes est qu’il est très rentable, dix fois plus que le trafic de drogues ! Et avec des risques encourus moindres. Il y a donc urgence à le qualifier comme ce qu’il est, à savoir un crime. Les personnes qui consomment un faux médicament prennent plusieurs risques. Quand ils sont malades, ils risquent évidemment de ne pas guérir, mais même des contrefaçons de médicaments anodins, comme par exemple l’aspirine, peuvent être dangereuses. Les médicaments falsifiés peuvent être sous dosés, sur dosés, ou même contenir des excipients toxiques. C’est donc un problème de santé publique, qui se pose surtout dans les pays pauvres, particulièrement en Afrique, terrain de jeu favori des trafiquants.
L’Organisation mondiale de la Santé n’a-t-elle pas un rôle à jouer dans ce combat ?
C’est sa responsabilité, mais elle ne l’assume pas correctement ! Les considérations politiques l’ont emporté. Un groupe de réflexion, appelé “Impact”, a vu le jour en 2007, mais lors des discussions qui ont suivi, les plus gros producteurs de faux médicaments, l’Inde et la Chine, n’ont pas accepté d’être mis en cause. La révélation de ce trafic portait préjudice à leur image et menaçait le commerce légal d’autres médicaments comme les génériques. L’OMS est une assemblée d’États, elle n’est hélas pas exempte de pressions !
Il y a pourtant une prise de conscience de l’ampleur de ce trafic et des actions qui sont menées ?
Parallèlement à l’ampleur grandissante du problème, il y a aussi une prise de conscience du public et des gouvernements. Après l’appel de Cotonou, lancé le 12 octobre 2009, le Conseil de l’Europe a élaboré une convention internationale, la Convention Médicrime. Il s’agit de criminaliser la fabrication et la distribution de produits médicaux sur le marché sans autorisation. Plus d’une vingtaine de pays l’ont signée mais peu l’ont ratifiée. Interpol a aussi mené des opérations dites “Pangéa” anti-contrefaçons remarquablement fructueuses. Elles ont permis de saisir des millions de comprimés et de fermer des centaines de sites illégaux de vente de produits pharmaceutiques.
Manifestement, cela ne suffit pas… Comment en finir ?
En se gardant de diaboliser l’industrie pharmaceutique, dont la recherche thérapeutique est indispensable, il faudrait la convaincre d’abaisser le coût des médicaments. Le fonds du problème, c’est leurs prix : ils sont trop chers. Ensuite, il faudrait viser à une couverture médicale universelle. Pour l’instant en France, il n’y a pas de problèmes de faux médicaments, sauf sur Internet, parce que les Français n’ont pas d’intérêt à aller chercher leurs médicaments ailleurs que chez leurs pharmaciens… Les officines pharmaceutiques constituent un réseau sentinelle efficace. Il faudrait aussi, pour finir, que les agents de santé soient mieux avertis des conséquences de ce trafic. C’est dans ce sens que les académies de médecines et les ordres professionnels ont décidé la création d’un comité de suivi après leur manifeste d’avril 2016.
Propos recueillis par Sylvain Dorient