L’organisation d’élections à l’étranger éveille mécaniquement une frénésie d’analyses et d’interrogations comme si un scrutin décidait de tout. Pour les récentes élections iraniennes, la mystique électorale a porté la presse a séparer l’électorat en deux camps bien tranchés : d’un côté, les sombres ultraconservateurs qui seraient naturellement les partisans d’un ordre fossilisé et promis à l’extinction en raison de l’évolution irrémédiable des Etats à évoluer vers davantage de démocratie et de paix. De l’autre des réformateurs encore opprimés mais qui porteraient en eux, le changement et l’avenir, et qui permettraient à l’Iran de devenir demain un grand marché ouvert à la circulation des capitaux. Les plus subtils ont intercalés entre ces extrêmes des modérés candidats tièdes et hybrides, sans doute à mi-chemin entre le loup et l’agneau. Une fois ces catégories dessinées, il ne restait plus qu’à jeter les dés pour savoir qui l’avait emporté. Les réformateurs furent d’abord désignés comme vainqueurs puis leur victoire fut nettement relativisée face a la défense efficace des conservateurs. Si ces analyses peuvent remplir des pages de papier, elles ne nous renseignent en rien sur le résultat des élections. La raison en est simple, les catégories précitées ne correspondent à aucune réalité iranienne.
Qu’est ce qu’être conservateur au juste ? Cela consiste à transmettre ce qui demeure. De ce point de vue, il ne fait aucun doute que les Iraniens le soient tous. Dans un pays occupé pendant mille ans par des puissances étrangères et ayant néanmoins réussi à préserver son identité linguistique et culturelle jusqu’à nos jours, aucun candidat aux élections n’aurait l’idée fantaisiste de souhaiter dissoudre l’identité iranienne en un marché sans frontière. Tous les candidats peuvent donc être considérés comme conservateurs. Cela les empêche t’il d’être réformateurs ? Nullement. Car tout legs historique n’est pas appelé à demeurer. La transmission appelle un choix. Dans ces circonstances que retenir du résultat des élections ? Un plébiscite urbain en faveur de la politique d’équilibre adoptée par le président Rohani : l’Iran veut bien consentir à des concessions diplomatiques afin de bénéficier des capitaux étrangers qui n’ont pu vivifier son économie jusqu’à présent. Cela ne signifie pas pour autant qu’il soit prêt à céder un pouce de terrain lorsqu’on lui demande de sacrifier son identité. Quel est le vainqueur des élections ? L’Iran.