Un nouvel accès de fureur des islamistes a conduit les autorités pénitentiaires pakistanaises à placer à l’isolement l’infortunée mère de famille chrétienne. Asia Bibi, catholique, mère de cinq enfants, croupit toujours dans la prison pour femmes de la ville de Multan. Arrêtée le 19 juin 2009, elle a été condamnée à la peine capitale en 2010 après avoir été accusée de “blasphème” contre le prophète Mahomet par des musulmanes de son village avec lesquelles elle s’était disputée. Son appel a d’abord été rejeté par la Haute Cour de Lahore mais le recours présenté par ses avocats a été accepté in extremis par la Cour suprême pakistanaise en juillet dernier, ce qui suspend sine die son exécution.
Une affaire intérieure et internationale
La justice pakistanaise marche sur des œufs. Le cas d’Asia Bibi est devenu une affaire intérieure, les islamistes réclamant à grands cris la pendaison de la malheureuse, mais aussi une affaire internationale en raison de l’indignation que suscite dans le monde l’iniquité de sa condamnation et de son maintien en prison depuis plus de six ans. Plusieurs dirigeants occidentaux ainsi que le Pape François sont intervenus en sa faveur. En avril dernier, le souverain pontife avait déclaré qu’il priait pour la jeune femme. Il avait rencontré son mari, l’une de ses filles et son avocat, au terme d’une audience générale. Au mois de juin, la Conférence des évêques de France avait exprimé son inquiétude face à la dégradation de l’état de santé d’Asia Bibi en réclamant que lui soient prodigués les soins médicaux auxquels tout être humain a droit. Les évêques français réaffirmaient leur attente qu’Asia Bibi soit graciée, en rappelant que “la peine de mort ne se justifie pas, encore moins pour un prétendu délit de blasphème”.
À l’isolement pour sa protection
Dans le pays, les islamistes n’ont cessé de la menacer jusque dans sa prison. Ils sont entrés une nouvelle fois en ébullition au début de ce mois d’octobre en apprenant la confirmation par la Cour suprême pakistanaise de la peine de mort prononcée à l’encontre de l’assassin du gouverneur du Pendjab, Salman Taseer, en 2011. Celui-ci avait tenté de réformer la loi condamnant le blasphème au Pakistan qui permet en réalité à n’importe qui de se venger de quelqu’un en l’accusant d’avoir médit du prophète ou d’avoir jeté ou brûlé un Coran. Ce musulman était l’un des défenseurs d’Asia Bibi, comme le catholique Shahbaz Bhatti, ministre fédéral catholique des Minorités, assassiné lui aussi en 2011 pour avoir défendu la jeune femme. Son frère, Paul Bhatti, ancien ministre fédéral pour l’Harmonie nationale et les minorités du Pakistan, aujourd’hui président de la All Pakistan Minorities Alliance (APMA), a pris héroïquement la relève. En juillet dernier, après que la Cour suprême eut accepté d’examiner le recours d’Asia Bibi, il se disait confiant : “Dans un avenir proche Asia Bibi sera libérée. La communauté internationale a été très attentive à cette affaire, mais la justice pakistanaise doit être félicitée pour avoir travaillé de façon transparente” (Aleteia).
Mais aujourd’hui, Asia Bibi est de nouveau menacée par les islamistes dans sa prison. “Des responsables pénitentiaires et des défenseurs des droits de l’Homme s’inquiètent de sa santé et estiment qu’elle est la cible de “réelles menaces” de la part de sa codétenue et même de ses gardiens”, rapporte Radio Vatican. C’est pour assurer sa sécurité que les autorités pénitentiaires disent l’avoir placée à l’isolement. Espérons qu’Asia Bibi ne sera pas de ce fait privée des visites de sa famille.