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TÉMOIGNAGE. Ces messes quand j’étais prisonnier du KGB, avec ma poitrine en guise d’autel…

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Alfa y Omega - publié le 21/11/14
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L’actuel évêque de Kaunas (Lituanie) raconte son expérience des persécutions religieuses dans l’ancienne URSS.

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Mgr Tamkevicius, aujourd’hui évêque de Kaunas (Lituanie), a vu sa foi mise à rude épreuve lorsque les autorités soviétiques l’ont enfermé pour l’interroger. Mais « je n’ai jamais prié aussi intensément qu’à ce moment-là. Jésus ne m’a pas laissé seul ». Surtout quand il célébrait la messe dans sa cellule, en cachette. Son témoignage a été recueilli par José Miguel Cejas dans El baile tras la tormenta (Éd. Rialp), un livre qui relate les récits de dissidents de l’Union soviétique.

«​ Ils nous ont découverts », ai-je pensé ce jour de 1983. En montant dans la fourgonnette du KGB, j’ai senti une sueur froide m’envahir. Les sous-sols de la prison, avec leurs couloirs étroits, leurs plafonds hauts, faiblement éclairés par une lumière blafarde, avec des taches d’humidité et des murs ébréchés, n’invitaient guère à la sérénité. 
– Nom ? 
– Sigitas Tamkevicius. 
– Profession ?
– Prêtre. Jésuite. 
– Tiens donc ! Voici Sigitas, du  Comité pour la défense des croyants, l’homme qui fait de la propagande antisoviétique contre l’État.
 
Ce n’était pas ma participation au Comité qui les intéressait, je le savais. Ils voulaient savoir qui étaient les rédacteurs de La Chronique de l’Église catholique en Lituanie, et comment celle-ci parvenait à l’étranger. Nous étions cinq prêtres à avoir eu l’idée de cette chronique dans les années 70. Nous avions décidé d’écrire des textes destinés à réconforter les catholiques lituaniens et faire connaître notre situation à l’Occident : nous ne pouvions pas enseigner le catéchisme, ni avoir des discussions, ni évangéliser d’aucune façon. Pendant les rares messes autorisées, il y avait des espions du gouvernement qui prenaient note des homélies et contrôlaient les personnes qui n’étaient pas les femmes âgées habituelles. Nous avions interdiction de construire ou de réparer les églises. Avec l’autorisation de notre évêque, Vicentas Sladkevicius, nous donnions toutes ces informations dans La Chronique.

Huit agents ont commencé à m’interroger jour après jour. Je ne pouvais pas imaginer que cet interrogatoire allait se prolonger durant six mois ! Des heures et des heures de questions, dans une succession constante d’interrogatoires bons et  mauvais. Dieu m’a donné la force de ne dénoncer personne durant cette période, pas même dans les moments d’extrême faiblesse. 

Quelques biscuits et raisins secs

« Je ne comprends pas comment tu as pu tenir », me dit-on parfois, pensant que j’ai pu surmonter tout cela grâce à mes propres forces.  Ce n’est pas du tout cela. En prison, j’ai pu acheter des petits pains et j’ai constaté qu’ils étaient confectionnés avec du blé. Il ne me manquait plus que le vin ; dans une lettre, j’ai demandé à ma famille de m’envoyer des raisins secs. À partir de là, il ne me restait plus qu’à trouver le bon moment, sachant que mon compagnon de cellule était, comme d’habitude, un criminel de droit commun auquel on avait promis de réduire sa peine s’il fournissait une information compromettante sur moi. Je me plaçais dos à la porte, mon étui à lunettes posé sur la table ; un étui en plastique jaune, dans lequel j’avais disposé un morceau de pain et un petit récipient contenant quelques raisins secs. J’attendais que l’autre s’endorme. Puis, lentement, je commençais à pressurer les raisins entre mes doigts, jusqu’à obtenir quelques gouttes de jus ; lequel, dans des cas exceptionnels, est valable pour célébrer l’Eucharistie.

Dieu merci, j’ai une bonne mémoire et je me rappelais les prières de la messe. Après la consécration, en consommant le Corps et le Sang du Christ, une joie indescriptible s’emparait de moi. J’éprouvais une joie plus grande encore que lors de ma première messe, célébrée dans la cathédrale de Kaunas. Dieu me réconfortait et me consolait. Je le sentais là, à mes côtés, de manière ineffable. 

Célébrer la messe dans ces circonstances me donnait une force spéciale ; sans elle, je n’aurais pas pu résister. Parfois, il me fallait célébrer couché dans mon lit, tard dans la nuit, avec les Saintes Espèces sur ma poitrine convertie en autel. Je n’ai jamais prié aussi intensément qu’en ces moments-là. Cela a été un don de Dieu. Je ne lui demandais pas de me libérer. J’avais confiance en Lui. 

Les bras de Jésus me soutenaient. Jamais Il ne m’a laissé seul. Telle a toujours été mon Espérance. 

Traduit de l’espagnol par Élisabeth de Lavigne
 

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