La dernière étape des élections législatives a commencé lundi. Résultats prévus vendredi 16 mai. Quels enjeux pour le second pays le plus peuplé au monde ?
La phase finale des élections législatives en Inde a débuté ce lundi 12 mai, dernière étape d’un marathon électoral qui a commencé le 7 avril dernier et qui a appelé aux urnes 814 millions d’électeurs (100 million de plus qu’en 2009) pour une population totale de plus d’un milliard de personnes (l’Inde est le 2ème pays le plus peuplé du monde derrière la Chine). Ce sont les plus importantes élections démocratiques de l’Histoire.
Or, tous les analystes le confirment : ces élections vont marquer un tournant dans l’histoire de l’Inde. Mais pourquoi ? Décryptage.
Ce que sont ces élections
Les Indiens votent au suffrage universel direct pour le renouvellement de la chambre basse de leur parlement, la Lok Sabha (« chambre du peuple »). Ces législatives ont lieu tous les 5 ans. Il faut savoir que le système de la République de l’Inde a un système parlementaire proche du parlementarisme britannique : le président est le chef de l’État, mais c’est le premier ministre qui a le pouvoir exécutif et qui est responsable devant la Chambre du peuple. La particularité du système politique indien, entre république fédérale et parlementarisme, a fait dire à l’économiste américain John Kenneth Galbraith que « l’Inde est une anarchie qui fonctionne ».
(photo: Manmohan Singh, premier ministre actuel)
dans le temps pour d’évidents impératifs logistiques, vu le nombre d’électeurs, et pour éviter la fraude. Ainsi, le 7 avril, ce furent les électeurs des provinces d’Assam et de Tripura qui se rendirent aux urnes, le 9 avril, ceux de Manipur et de Mizoram etc. Voilà pourquoi on parle d’élections « marathon » : il se passe plus d’un mois entre le début des élections et l’annonce des résultats, prévue pour le 16 mai. C’est l’équivalent de
la totalité de la population française (plus de 66 millions d’électeurs) qui est attendue aux urnes pour cette phase finale.
Les forces en présence
Pour les élections législatives, les différents partis se réunissent sous la forme de coalition. Voici un aperçu des différentes forces en présence :
L’Alliance Progressiste Unie (UPA) : coalition de centre-gauche, dominée par le parti du
Congrès National Indien (INC) crée en 1885. C’est le parti de Gandhi et de Nehru, toujours dirigé par la famille Gandhi. La présidente est Sonia Gandhi, et le vice-président et
Rahul Gandhi, arrière petit fils de Nehru. Cette coalition détient actuellement
262 sièges à la Chambre du Peuple, sur 543.
L’Alliance Démocratique Internationale (NDA) : coalition de centre-droit, dominé par le parti Bharatiya Janata (
BJP), qui détient 116 sièges à la chambre du peuple, ce qui en fait le deuxième parti derrière l’INC. La coalition, elle en rassemble
159. A la tête du parti,
Narendra Modi, candiat au poste de premier ministre.
Le Troisième Front : c’est ainsi que l’on nomme la troisième coalition de partis, réunis autour du parti communiste indien. Bien qu’ils n’aient pas de candidats au poste de premier ministre, ce troisième front propose une alternative aux deux autres principales coalitions. Celle-ci détient
79 sièges à la Chambre du Peuple.
A cette force tripartite s’ajoutent de nombreux partis régionaux.
Un tournant politique, une croissance en baisse et les attentes de la jeunesse.
Enjeu politique : l’
INC est essoufflé, après plus de 100 ans de présence sur la scène politique indienne, et subit les critiques pour ne pas avoir bien géré le ralentissement de la croissance. Son chef,
Rahul Gandhi ne semble pas avoir le charisme nécessaire pour le poste de premier ministre qu’il convoite. C’est plutôt du coté du
BJP, le parti nationaliste, que se trouve le renouveau, et dans son leader, le populaire
Narendra Modi. Il devra néanmoins, s’il est élu, réussir le défi d’unifier les diverses ethnies et religions qui composent le pays.
Enjeu économique : flamboyante il y a une dizaine d’année, l’Inde a vu sa
croissance baisser de 9,5% en 2011 à 4,8% en 2013. Avec des infrastructures vieillissantes et 300 millions de personnes vivant avec moins d’1 dollars par jour, l’Inde s’est fait distancer par la Chine : alors que ces deux pays «
avaient le même niveau de richesse en 1970, le PIB par habitant est actuellement de 6500 dollars en Chine et de 1500 dollars en Inde »
analyse Laurence Daziano, maître de conférence à Science-Po. L’enjeu est tout simplement ici de devenir la troisième puissance économique mondiale à l’horizon 2030.
Enjeu social : avec la moitié de sa population âgée de moins de 26 ans, l’Inde aspire au renouveau et à la modernité. Le système des castes, encore présent dans les faits, est de plus en plus critiqué par cette nouvelle génération. Les manifestations qui ont suivies
les affaires de viol par des policiers montrent bien cette volonté de s’affranchir des anciens modes de pensées et de gagner en liberté.
Le risque ? Que rien ne change.
Si les sondages donnent le
parti du congrès perdant, il reste tout de même une des forces politiques majeures du pays. Mais pour
Patrick de Jacquelot,
correspondant à New Delhi pour les Échos, «
le véritable risque de ces élections, c’est qu’elles ne dégagent pas de majorité claire et débouchent sur une coalition instable, peu à même de prendre des décisions difficiles. Dans un tel cas, l’année 2014 ne permettrait pas à l’Inde de lever les incertitudes qui pèsent sur ses perspectives de développement. » Ce que
confirme le Père Faustin Lobo, Directeur national des Œuvres pontificales missionnaires en Inde : «
je ne crois pas que l’Inde changera dans les cinq prochaines années ».