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Comment discerner sa vocation?

Vocations 2

Virginia CASTRO/CIRIC

Ordre dominicains - publié le 06/05/14

« Le Christ invite à marcher à sa suite et il donne tout ce dont on a besoin pour le trouver et le suivre. »

Louis Roy, o.p.*
Dans l’esprit de Dieu, éternellement, tout être humain a une vocation. Pour les chrétiens et chrétiennes, cette vocation consiste à vouloir contribuer au projet de Jésus, qui est venu sur terre pour réaliser le règne de Dieu. Le Christ nous invite à marcher à sa suite et il nous donne tout ce dont nous avons besoin pour le trouver et le suivre. Le Créateur nous a conféré, en effet, une intelligence qui s’interroge, un cœur qui entretient de nobles aspirations, une liberté pour prendre des décisions parfois coûteuses. Discerner, pour chacun, chacune de nous, c’est prendre les moyens qui nous amènent à découvrir le plan de Dieu sur notre vie personnelle.

Le but de cette réflexion est d’essayer de voir comment s’effectue concrètement le discernement d’une vocation. Je procéderai en sept points [1] .

Avoir confiance en l’Esprit Saint

En premier lieu, tout part d’une conviction fondamentale : le Père et le Fils nous donnent leur Esprit Saint, leur Esprit d’amour, pour nous éclairer et nous guider. La présence de l’Esprit Saint dans notre recherche devrait nous rendre confiants. Si nous sommes sincères, l’Esprit viendra sûrement illuminer notre route et nous saurons où aller.

Le grand maître du discernement, c’est saint Paul. Il nous exhorte à « discerner quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bien, ce qui lui est agréable, ce qui est parfait » (Rm 12, 2) [2] . À trois reprises, dans ses lettres [3] , il nous présente une liste de charismes, c’est-à-dire une liste de grâces accordées aux chrétiens pour le bien de tout le Corps du Christ qu’est l’Église. Comme ces charismes sont très variés, il incombe à chaque personne d’identifier le charisme ou les charismes qu’elle est appelée à développer.

Se connaître soi-même

En second lieu, il est important de se connaître soi-même, dans ses talents et ses manques, dans ses forces et ses faiblesses. Il est bon de s’analyser un peu et de prendre des notes après avoir vécu des événements ou des incidents qui révèlent des aspects de notre identité. On se demandera : Quelles sont mes réactions habituelles devant les événements ? Quelle est ma tendance spontanée : contemplative, interrogative, active ?

Nous pouvons ensuite partager avec une personne sage les résultats de nos observations, en étant ouvert à la perspective d’une meilleure connaissance de soi– ce qui n’est pas toujours facile. Ce type d’analyse, effectué par l’intelligence du croyant, est indispensable à tout bon discernement. Dans la mesure du possible, on explicitera un non-dit, en bonne partie inconscient, qui agit fortement dans son orientation.

Savoir désirer

En troisième lieu, nous devons porter une attention particulière à ce qu’on désire. Jésus déclare : « Nul ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire » (Jn 6, 44a). Qu’est-ce que cette attirance?

Dans les Exercices spirituels de saint Ignace de Loyola – un autre maître du discernement, dans la foulée de saint Paul –, une phrase revient comme un refrain : « demander ce que je veux et désire » ou encore « demander la grâce que je veux ».

Saint Thomas d’Aquin, dans son prologue à son Explication des deux préceptes de la charité et des dix commandements de la loi (In duo praecepta caritatis et in decem legis praecepta expositio), enseigne que le « Notre Père » nous communique « le savoir des choses à désirer » (scientia desiderandorum) [4] .

La prière éduque le désir de celui qui prie, de sorte qu’il apprend à demander d’une manière de plus en plus conforme à l’Évangile. En plus de consulter sa raison, le croyant doit écouter son cœur. C’est dans l’intimité du cœur humain que le Cœur de Dieu parle. Seule une prière amoureuse recèle la clé du discernement.

Dans mon livre Libérer le désir [5] , je mentionne que la personne devrait aller au-delà de ses nombreux désirs (au pluriel), pour identifier son désir profond (au singulier). Ce désir principal, supérieur à tous les autres, s’accorde à la volonté de Dieu. Ce désir profond rassemble et utilise tous les bons désirs inférieurs du croyant qui cherche à s’unifier au service du règne de Dieu. La volonté de Dieu va parfois à l’encontre de certains de nos désirs; toutefois elle ne va jamais contre l’aspiration fondamentale d’un disciple de Jésus. Il est normal de ressentir de l’ambivalence vis-à-vis un appel à vivre une radicalité évangélique. L’important, c’est que nos appréhensions cèdent la place à la confiance en Celui qui est toute Bonté.

Un petit exercice…

En quatrième lieu, je propose un petit exercice, qui peut aider à distinguer, en pratique, les désirs qui, tout en étant nôtres, sont appuyés et soutenus par l’Esprit Saint, et les désirs qui nous détournent de notre vocation. Comment y arriver ?

Une façon d’y parvenir, c’est de passer un certain temps, après avoir invoqué l’Esprit Saint, à s’imaginer dans une situation concrète. Par exemple, comme prédicateur, catéchète, théologien ou philosophe, comme membre d’une communauté religieuse, comme prêtre chargé d’une paroisse, comme personne mariée et avec des enfants, ou encore comme engagé dans un milieu pauvre, ici ou à l’étranger, à l’intérieur d’un mouvement chrétien ou d’une organisation non gouvernementale.

Je me demande en quoi consiste l’appel que j’ai reçu, si le fait de me projeter dans cet engagement particulier me donne de la joie ou de la paix, ce pourrait être un signe que j’y suis appelé. Cependant, il faut distinguer s’il s’agit d’une vraie ou d’une fausse paix. Jésus disait : « Je vous laisse la paix; c’est ma paix que je vous donne; je ne vous la donne pas comme le monde la donne » (Jn 14, 27).

Il importe de vérifier les motifs réels qui me poussent, par exemple, vers la vie religieuse. Est-ce par amour du Christ et des autres? Ou, au contraire, serais-je attiré vers une réussite individuelle ou collective, ou encore un idéal, une belle image de moi? Il est nécessaire de prendre garde à la fausse paix, ou, plus généralement, à la fausse consolation [6] .

La consolation spirituelle

En cinquième lieu, concentrons-nous maintenant sur le phénomène de la consolation spirituelle. Saint Ignace définit la consolation comme
– « le cas où se produit dans l’âme une motion intérieure par laquelle l’âme en vient à s’enflammer dans l’amour de son Créateur et Seigneur »;

 ou encore
– « le cas où l’âme verse des larmes qui la portent à l’amour de son Seigneur, par la douleur de ses péchés, ou de la Passion du Christ notre Seigneur »;

ou enfin
– « toute augmentation d’espérance, de foi et de charité, et toute allégresse intérieure qui appelle ou attire aux choses célestes et au bien propre de l’âme, en la reposant et en la pacifiant dans son Créateur et Seigneur» (Ex. Sp., no 316).

La vraie consolation, celle qui vient de Dieu, produit toujours une joie et une paix, même quand cette joie et cette paix sont quasi imperceptibles. Toutefois la consolation coexiste avec une volonté de me donner, ce qui implique une certaine crainte devant ce que je devrai sacrifier. Le choix de ma vocation devra s’accomplir avec idéalisme, certes, mais avec un idéalisme tempéré par un réalisme. Jésus nous invite à nous montrer réalistes, c’est-à-dire à calculer la dépense avant de commencer à bâtir une tour (Lc 14, 28-30).

La consolation doit être accompagnée assez souvent d’une méditation sur la croix qu’il nous faudra porter, à la suite de Jésus. On s’attendra à être associé aux souffrances de Jésus, mais sans tomber dans une atmosphère morbide, qui trahirait une haine de soi ou une peur du Dieu juge. La vraie consolation survient dans les moments d’abandon et de confiance et elle ravive notre espérance.

Pas de certitude

Il est important de mentionner deux erreurs possibles : d’abord la recherche de la certitude dans sa vocation, ensuite, la tentation de décider trop vite.

Comme sixième point, je m’arrête à la première erreur qui consiste à rechercher la certitude concernant sa vocation. Le discernement de la vocation se situe dans le domaine de la foi. Comme le bienheureux John Henry Newman l’a bien expliqué dans sa Grammaire de l’assentiment, l’expérience religieuse n’obéit pas aux mêmes lois que l’entreprise scientifique. Elle ressemble plutôt à la sphère de l’action, dans laquelle les décisions à prendre ne sont jamais totalement évidentes. Un jour, Jésus s’est exclamé : « Si vous ne voyez des signes et des prodiges, vous ne croirez pas! » (Jn 4, 48). Il excluait la recherche de signes prodigieux. L’Esprit Saint nous offre certainement des signes, mais il faut, non pas un signe extraordinaire, mais plutôt une convergence d’au moins quelques signes, souvent bien ordinaires.

Dieu ne donne pas de signes si évidents qu’ils élimineraient la liberté humaine de choisir. Pour aboutir à une décision bien fondée concernant sa vocation, il faut accepter de s’avancer dans le clair-obscur de la foi. C’est le lieu du risque, de la confiance envers Jésus et son Esprit. Personne ne peut s’engager à ma place, ni les autres ni même Dieu. Dieu ne se substitue pas à ma liberté. Il m’a fait libre et il ne cesse d’affirmer ma liberté. Quand il s’agit de ma vocation, qui est unique, je dois avoir le courage de prendre une décision personnelle, qu’importe ce qui est demandé à l’autre à mes côtés. À saint Pierre, qui s’interrogeait sur « le disciple que Jésus aimait », celui-ci répliqua : « Si je veux qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne, que t’importe? Toi, suis-moi » (Jn 21,20-22). À mon avis, Jésus voulait dire à Pierre : Ne te mêle pas de la vocation du disciple bien-aimé; pense à ta vocation, à la manière dont je veux que tu me suives.

Pour entrer paisiblement dans un ordre ou un institut religieux, il faut éliminer toute peur de se tromper. En fait, si l’on est vraiment sincère, on ne se trompe pas, on ne commet pas d’erreur. Si, après discernement et pour des raisons sérieuses, notre choix est remis en question et que nous ne pouvons poursuivre la route entreprise dans le groupe choisi, nous sommes alors dans ce que Thomas Merton appelle une vocation temporaire. Si nous cheminons avec bonne volonté dans une communauté religieuse, la providence divine nous fera bénéficier de ce temps. Et s’il y a des manques de jugement de la part de ceux ou celles qui nous accompagnent, ces manques pourront par la suite, après réflexion, nous instruire et nous faire mûrir. « Avec ceux qui l’aiment, Dieu collabore en tout pour leur bien, avec ceux qu’il a appelés selon son dessein » (Rm 8, 28).

Tout au long de son accompagnement, le directeur spirituel doit se garder de faire pression sur la personne qu’il guide, car ce serait s’interposer entre Dieu et cette personne. Remarquons, une fois de plus, la sagesse de saint Ignace qui écrit : « Le directeur ne doit pas se tourner ou incliner vers un parti ou vers un autre; mais, se trouvant en équilibre entre les deux comme une balance, qu’il laisse le Créateur agir sans intermédiaire avec la créature, et la créature avec son Créateur et Seigneur » (Ex. Sp. no 15).

Ne pas vouloir décider trop vite

Mon septième et dernier point concerne la seconde erreur : la tentation de vouloir décider trop vite. Cette tentation de précipiter son processus d’élection vient souvent de l’anxiété ressentie face aux incertitudes quant à son avenir. La personne peut se trouver dans un climat émotionnel troublé, c’est-à-dire dans ce que saint Ignace appelle la désolation. C’est un temps de véritable épreuve spirituelle. Assailli par des sentiments négatifs, parfois contradictoires, il est préférable de ne prendre aucune décision importante à ce moment. C’est ce que saint Ignace prescrit : « En période de désolation, ne jamais faire de changement » (Ex. Sp., no 318). Il recommande de s’en tenir alors aux décisions qu’on a prises antérieurement. Il nous dit qu’à défaut de recevoir une lumière concluante, la décision doit se prendre pendant « un temps tranquille, au cours duquel l’âme n’est pas agitée par divers esprits et utilise ses puissances naturelles, librement et tranquillement » (Ex. Sp. no 177).

La période de désolation a pourtant ses avantages. Elle nous permet de prendre conscience de nos faiblesses, elle nous rend humbles et patients. Comme saint Ignace le fait remarquer, « il est par contre excellent de nous changer nous-mêmes vigoureusement face à cette désolation, par exemple en nous ancrant davantage dans l’oraison, la méditation, l’examen rigoureux et en étendant dans une mesure convenable notre pratique de la pénitence » (Ex. Sp., no 319). Ce genre de sagesse nous incline à profiter d’un temps d’indécision, même prolongé face à notre vocation, afin de progresser sur le chemin de la perfection évangélique. Entre-temps, nous avons l’occasion de renforcer notre foi, notre espérance et notre charité; de laisser l’Esprit Saint transformer notre vouloir et intensifier l’amour que nous avons pour le Christ. Nous pouvons acquérir ainsi plus de liberté intérieure, un plus grand détachement ainsi qu’une meilleure objectivité. Les engagements envers les autres personnes deviennent plus désintéressés, plus résolus, plus stables et plus équilibrés. C’est la meilleure façon de se préparer à une décision ferme.

Les périodes d’exaltation religieuse, marquées par des enthousiasmes de courte durée, demeurent une grâce de Dieu, mais elles ne sont pas propices à un bon discernement. Le mauvais esprit peut en effet profiter de ces périodes pour nous tromper. Nous nous fourvoyons en nous engageant dans une voie sans apporter les vivres qui nous permettraient de ne pas défaillir en chemin.

Rappelons-nous la parabole des deux fils, auxquels le père demande d’aller travailler à la vigne (Mt 21, 28-32). L’un dit oui et n’y va pas, tandis que l’autre dit non et, plus tard, change d’idée et finit par y aller. C’est ce dernier, qui avait remis à plus tard sa décision d’y aller, qui a fait la volonté du Père. Donc, si cette décision majeure concernant notre vocation n’est pas prête, il vaut mieux attendre et lui permettre de mûrir. Remarquez que pour les religieux et religieuses, le Droit canonique de l’Église prévoit des étapes avant d’en arriver à la décision finale de leur engagement par des vœux perpétuels.

En résumé
Œuvre de l’Esprit Saint, le discernement de toute vocation – vocation à la vie religieuse, presbytérale, ou à tout autre état de vie consacrée ou laïque – est un processus dans le temps. Il fait appel à la liberté intérieure de la personne. Les étapes décrites pour y parvenir sont le fruit de l’expérience de maîtres qui nous ont précédés, tels que Paul, Ignace de Loyola et plusieurs autres [7] .

Je résumerais ainsi les sept points développés sous forme de sept conseils :

avoir confiance en l’Esprit de Jésus;
avancer dans la connaissance de soi;
prêter attention à son désir profond;
s’imaginer dans un état de vie particulier et voir si l’on y trouve la paix;
rechercher la vraie consolation, celle qui vient de l’Esprit Saint et qui coïncide avec la résolution d’aimer Dieu de tout son cœur et aussi de porter sa croix;
ne pas vouloir à tout prix une certitude concernant sa vocation – s’abandonner;
ne pas décider trop vite.
S’aventurer sur ce chemin particulier demande l’aide d’un guide spirituel expérimenté. Selon la démarche ignacienne de discernement spirituel, c’est une grâce à demander.

 * Louis Roy, dominicain, est actuellement professeur au Collège universitaire dominicain d’Ottawa. Il s’intéresse à la question de Dieu, à la prière, à la mystique et aux rapports entre la psychologie et la spiritualité. Parmi ses livres, notons Se réaliser et suivre Jésus : est-ce possible ? (Fides, 1989), Le sentiment de transcendance, expérience de Dieu ? (Cerf, 2000), La foi en dialogue (Novalis, 2006) et Libérer le désir (Médiaspaul, 2009).

** Article paru dans la revue En Son Nom 70 (2012), p. 77-84.

Notes
[1] Remerciements à Yves Bériault, o.p., pour sa collaboration à réviser cet article.
[2]   Voir Ep 5,10.17
[3] Rm 12,4-8, 1 Co 12-14, Ep 4,4-13
[4] Il existe une édition en latin et en français, intitulée Les commandements, Paris, Nouvelles Éditions Latines, 1970.
[5] Roy, Louis, o.p., Libérer le désir, publié à Montréal et à Paris, Médiaspaul,  2009.
[6] Exercices Spirituels (Ex.Sp.), nos 331-336.
[7] En plus des grands maîtres déjà cités, je recommande deux livres pleins de sagesse, l’un de Noémie Meguerditchian, psychothérapeute et accompagnatrice spirituelle, Entrer dans un discernement spirituel, Paris, Desclée de Brouwer, 1998; l’autre de Pierre Brunette, o.f.m., Sur les pas d’Emmaüs. Pour discerner et accompagner, Montréal et Paris, Médiaspaul, 2005.

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