Pour quelles motifs le Pape a-t-il demandé à Mgr Tebarts-van Elst, devenu “l’évêque bling-bling” dans les médias, de se mettre au vert ? Réactions des experts américains d’Aleteia.24.10.2013
Ces derniers jours, plusieurs articles de presse ont rapporté que le Pape François avait décidé d’éloigner de son diocèse, pour un certain temps, l’évêque de Limburg Franz-Peter Tebartz-van Elst. Celui-ci a suscité un tollé en Allemagne pour avoir dépensé plus de €31 millions pour la rénovation de sa résidence diocésaine. Nous avons demandé aux experts d’Aleteia ce qu’ils pensaient de la situation.
« Quelques précisions dans l’ordre: tout d’abord, l’évêque de Limburg, Franz-Peter Tebartz-van Elst, n’a pas été « démis » de ses fonctions par le Pape François, contrairement à ce qu’a rapporté le New York Times du 23 septembre » a déclaré le père Gerald Murray, curé de la paroisse de la Sainte-Famille à New York. « Il a accepté l’invitation du Saint-Père à passer un certain temps en dehors de son diocèse, dans l’attente des résultats d’un examen approfondi des finances de son diocèse confié à la Conférence des évêques d’Allemagne ».
Pour Ulrich Lehner, professeur agrégé de théologie à la Marquette University, cette somme faramineuse n’a pas été affectée exclusivement à la résidence de l’évêque allemand, mais à un complexe plus vaste destiné à des utilisations multiples par le diocèse. « Le chiffre de 31 millions d’euros, avancé par les medias, pour la construction de la “résidence” de l’évêque, n’est vrai qu’en partie. Ces 31 millions n’ont pas été affectés exclusivement à son appartement –loin de là- mais à un vaste complexe épiscopal comportant un centre d’accueil, un bâtiment abritant le musée diocésain, une chapelle, et deux bâtiments historiques. Certes, de l’argent a été gaspillé, mais il s’agissait au minimum d’un bon investissement dans l’avenir du diocèse. L’année dernière, le diocèse de Rottenburg avait dépensé 38 millions pour la seule maison de l’évêque, et personne n’avait parlé de gaspillage ».
Lehner souligne également que Mgr van Elst n'est pas le seul à avoir approuvé les dépenses. « L’évêque est désigné comme le seul coupable du projet de rénovation. Cependant, son vicaire général et les membres de la commission financière ont tous signé la rallonge des dépenses ».
Selon le Père Duncan Stroik, professeur d'architecture à l'Université de Notre Dame et architecte en exercice, les coûts paraissent exorbitants. « La somme de 31 million euros (43 millions de dollars) semble faramineuse, d’autant que nous avons du mal à construire de nouvelles cathédrales pour un tel montant. Certes, la résidence d'un évêque ne se limite pas à une maison, mais doit servir à l'ensemble du diocèse, les laïcs et les prêtres inclus. Le style fonctionnaliste employé, bien que minimaliste, est très coûteux ».
De toute façon, pour John Bergsma, professeur agrégé de théologie à l'Université franciscaine de Steubenville, le Pape François a pris une décision judicieuse en éloignant Mgr van Elst en ce moment. « Que les coûts soient justifiés ou non, l'évêque en question ne pouvait plus diriger efficacement son diocèse après avoir perdu la confiance de ses ouailles et de son clergé. Quand bien même ces dépenses exorbitantes seraient justifiées pour des raisons que nous ignorons … la piètre façon dont l’évêque a géré la situation sur le plan pastoral l’a placé dans la situation de ne plus pouvoir diriger ses fidèles ».
Le père John McCloskey souligne que ce n’est pas “du jamais vu” pour un pape de demander à un évêque de se retirer. « Ce n’est pas inhabituel pour éviter éventuellement un scandale. Songez au cardinal en Ecosse qui avait reçu l’ordre de prendre sa retraite ».
Bergsma est d’accord. « Il est rare qu’un pape éloigne un évêque, mais il existe des précédents. Benoît XVI a suspendu un évêque indien qui avait adopté une femme de trente ans, comme sa fille, et un évêque du Paraguay qui s’était présenté aux élections (remportant l'élection à la présidence du Paraguay). Jean-Paul II a déposé le Cardinal africain Milingo pour ses activités charismatiques irresponsables et l'utilisation abusive du pouvoir d'exorcisme ».
Par conséquent, Bergsma ne pense pas que la situation soit très différente, si on compare le Pape François à ses prédécesseurs. « Benoît XVI tout comme Jean-Paul II ont également éloigné des évêques impliqués dans des scandales, y compris financiers. Il est probable qu’ils auraient agi comme François ».
Quant à l’écrivain John Zmirak, il s’étonne qu’il y ait deux poids et deux mesures : « Je trouve curieux que des hommes comme le cardinal Mahony de Los Angeles peuvent, sans être critiqués ,dépenser plusieurs centaines de millions de dollars pour la construction de nouvelles et vastes cathédrales hideuses qui ressemblent à des abattoirs, tandis qu'un évêque conservateur est attaqué sans pitié pour avoir entrepris, pour un dixième de ce montant, la restauration d'un bâtiment historique – qui, après tout, servira à ses successeurs longtemps après son départ ».
Lehner fait une lecture de l’ensemble de la situation, qui traduit l’état de l’Eglise allemande. « L'affaire du Limbourg montre à mon avis deux choses: Les évêques allemands sont dans l'ensemble pusillanimes et faibles. Quasiment pas un d’entre eux n’ose réformer, appeler à la prière, au jeûne et à la conversion intérieure, à l’exception des évêques de Regensburg et Eichstatt. L’Eglise allemande, selon le cardinal Meisner, ressemble à une énorme Cadillac avec un minuscule moteur. En d’autres termes, elle possède des moyens financiers énormes, mais une petite force spirituelle, sinon le bon côté de l’Eglise n’aurait pas été éclipsé par une affaire aussi insignifiante ».
« Deuxièmement, l'Église catholique allemande règne encore comme au 19ème siècle. Elle n’a pas de transparence et les chapitres de la cathédrale défendent d’anciens privilèges, comme leurs salaires plus que généreux, avec plus de vigueur que l’enfant à naître, le droit de salaires justes pour les pauvres. Globalement, je comprends le tollé des fidèles, et aussi de ceux qui ne sont pas catholiques – c’est le signe d'un pays, ma patrie, qui voit l'Eglise comme un parasite dans l'état moderne. L’Eglise n’a guère fait, hélas, pour contrer ce point de vue ».
Les experts d’Aleteia suivants ont collaboré à cet article:
John Bergsma est professeur agrégé de théologieà l’université franciscaine de Steubenville. Il est spécialisé dans l’Ancien Testament et les Manuscrits de la Mer Morte.
Ulrich Lehner est professeur agrégé de théologie et directeur des études de premier cycle à l'Université Marquette. Il est spécialisé dans l'étude de l'histoire religieuse et la théologie historique du 16e au début du 19e siècle, en particulier l'histoire de l'interprétation biblique, l'histoire du monachisme et du mysticisme / spiritualité.
Fr. C. John McCloskey est un historien de l'Église et chercheur à l'Institut Foi et Raison à Washington DC Website: www.frmccloskey.com.
Fr. Gerald Murray est curé de la paroisse Sainte Famille à New York
Duncan G. Stroik est architecte, auteur, et professeur d'architecture à l'Université de Notre Dame. Il a reçu un prix pour Notre-Dame de la Chapelle Sainte Trinité en Californie, le Sanctuaire de Notre Dame de Guadalupe dans le Wisconsin, et la cathédrale Saint-Joseph (Dakota du Sud). Il est également le rédacteur en chef de la revue Architecture sacrée de la cathédrale Saint-Joseph (Dakota du Sud). Il est également le rédacteur en chef de la revue.
John Zmirak est l’auteur, plus récemment, de The Bad Catholic’s Guide to the Catechism. Ses rubriques sont archivées au The Bad Catholic’s Bingo Hall.
Traduit de l’édition américaine de Aleteia par Elisabeth de Lavigne