La « neutralité » que prétend faire respecter à l’école la Charte sur la laïcité est des plus douteuses, explique le nouveau blog “En mode veilleur” .Le ministre de l’Education nationale a rendu publique la Charte de la laïcité à l’école (1). Comme beaucoup de textes voulant réaffirmer des principes, c’est une compilation d’idées rabâchées et de propos imprécis. On pense déjà qu’elle sera vue comme "molle et imprécise". Quelques avis ont été donnés, comme les doutes du Défenseur des droits, mais le destin de cette charte semble se rapprocher de celui des rapports de commission adhoc ou de comité théodule… On imagine déjà la vieille feuille placardée dans un coin du couloir de l’école la plus proche, usée par les passages des parents sans un regard pour le texte scotché…
Cependant, mettre en perspective cette charte avec le combat politique que mène ouvertement V. Peillon à l’heure actuelle permet de cerner les enjeux idéologiques et sociaux qu’elle implique, de manière peut-être plus autoritaire que d’autres productions ministérielles.
Les premiers articles sont extraits de la Constitution et semble donner un aspect officiel et législatif. Pourtant, la seconde partie de la charte est formée de principes s’appliquant aux personnels et élèves qui n’ont de légitimité que celle de la logique voulue dans cette charte.
"La laïcité de l’École offre aux élèves les conditions pour forger leur personnalité, exercer leur libre arbitre et faire l’apprentissage de la citoyenneté." (article 6 – voir le commentaire de G. Leclerc)
" Par leurs réflexions et leurs activités, les élèves contribuent à faire vivre la laïcité au sein de leur établissement." (article 15)
Ainsi, le Ministre Peillon donne sa lecture de la laïcité pour les fonctionnaires et "usagers" de l’école ; chose particulièrement sensible quand on sait la polysémie de l’idée de laïcité en France.
Faire l’exégèse de ce principe républicain, donner la version ministérielle de la laïcité dans l’Education nationale : voilà le but. Or, cette volonté doit être rapprochée des lignes que Peillon a fixées à son ministère. Il n’est pas fortuit que cette charte arrive au moment où une moitié d’académie teste un dispositif pour éradiquer les "présupposés" sexués dans l’éducation et permettre la mise en place de l’enseignement du gender, non plus comme théorie mais comme principe de base de l’ensemble des matières enseignées (2).
Après cette charte, rien ni personne ne pourrait contester cette pédagogie "gender" car " aucun élève ne peut invoquer une conviction religieuse ou politique pour contester à un enseignant le droit de traiter une question au programme." (article 12). Dès lors, les propos du Ministre aux recteurs en janvier dernier sonne bizarrement :
"Le gouvernement s’est engagé à "s’appuyer sur la jeunesse pour changer les mentalités".
Encore plus si on se rappelle ses propos sur la morale laïque il y a tout juste un an :
"Il faut être capable d’arracher l’élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel".
Rien ne nous est caché. Le Ministère de l’Education nationale veut des élèves coupés de leur identité, pour leur donner une nouvelle mentalité, sans reconnaître à autrui un rôle dans l’éducation.
Cette idée de former un nouvel homme en lui dictant l’idéologie à suivre par l’école n’est pas nouvelle, elle est même bicentenaire ! En effet, les révolutionnaires français ont voulu très vite avoir à disposition la jeunesse pour l’enrôler. C’est Lepelletier Saint-Fargeau, président de l’Assemblée constituante puis député montagnard à la Convention, qui l’exprime le mieux :
"A cinq ans, la patrie recevra l’enfant des mains de la nature; à douze elle le rendra à la Société. . . . Dans l’institution publique la totalité de l’existence de l’enfant nous appartient !" (dans son Plan d’éducation nationale).
La "totalité de l’existence" inclut la conscience. C’est bien cela qu’il faut contrôler et enrôler.
Ce n’est donc pas seulement l’islam qui est visé, ni même le seul catholicisme honni du ministre Peillon, mais bien tout être voulant affirmer et développer sa conscience librement, sans suivre automatiquement les sermons ministériels. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette charte n’est pas neutre ; c’est même tout le contraire.
(1) Pourtant ce texte ne ressemble pas vraiment à une charte, où est entériné un accord entre plusieurs acteurs ; ou seulement à une "charte octroyée"…
(2) L’histoire, puis la SVT, puis l’apprentissage de la lecture et les lettres… les exemples de matières où s’introduit l’idée de genre deviennent nombreux.
Note de Aleteia : Franfil est professeur agrégé d’histoire, responsable syndical et veilleur.