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Souriez, vous êtes démariés !

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Ludovic Coudert - Justin Regard - publié le 16/05/13
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Si la loi Taubira était appliquée, qu’adviendrait-il des mariages célébrés sous l’ancienne loi ?

Dans les semaines qui viennent, dans l'hypothèse d'une éventuelle application de la loi Taubira, après la saisie du Conseil Constitutionnel, le combat intellectuel et moral contre le « mariage homosexuel » et le nihilisme qu’il implique, pourra et devra sans doute passer par des recours devant les tribunaux.
C'est dans la perspective d'anticiper ces démarches que s’inscrit cet article. Envisageant la caducité des mariages célébrés sous l'ancienne loi et le "démariage pour tous", il décrit une démarche juridique possible de recours contre l'Etat pour "voie de fait".  C'est le fruit du regard croisé d'un professeur de philosophie et d'un magistrat :
 
 ****

 La loi Taubira « ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe » a introduit un nouvel article 143 du Code civil qui se lit ainsi : « Le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe ».
 
En introduisant une telle nouveauté, le législateur ne se contente pas, contrairement au mensonge maintes fois répété par les promoteurs du projet, d’ouvrir un droit nouveau pour une minorité, il s’apprête en réalité à dénaturer le mariage, et par voie de conséquence, à rendre caducs les mariages déjà célébrés et à démarier sans le dire les personnes mariées sous l’empire de la loi ancienne.
 
En effet, la cause des mariages conclus jusqu'à présent consistait à faire reconnaître par la société la spécificité du lien entre un homme et une femme, ensemble capables potentiellement d’engendrement d’une vie nouvelle[1]. Et leur objet était de constater l'union entre un homme et une femme. En aucun cas, il ne s'agissait de faire reconnaître la valeur de l'amour que ceux-ci pouvaient, ou non, se porter. Ces mariages étaient donc intrinsèquement fondés sur les notions de sexe et d’altérité sexuelle. Dès lors que ces notions disparaissent de la définition du mariage, il est légitime et légalement bien fondé de considérer que les mariages conclus sous l'empire de l'ancienne loi deviendront caducs dès l’éventuelle entrée en vigueur de la loi nouvelle.
 
Dès lors, que chacun l’entende bien : « souriez, vous êtes (bientôt) démariés ! »
 
« Ah non ! » diront certains, « ils ne me voleront pas « mon » mariage ! ».
 
A notre sens, cette attitude ne prend pas en compte la réalité de ce qui est en train de se passer. En tout état de cause, elle ne fait pas preuve de solidarité : ni à l’égard des générations futures qui ne pourront jamais tenter de se consoler en considérant que leur mariage a été célébré avant l’entrée en vigueur de la loi Taubira, ni avec les citoyens qui, pratiquants d’une religion, seront pris en otage par cette nouvelle loi.
 
Expliquons-nous.
 
       ° la loi Taubira introduit un démariage pour tous et commet une voie de fait à l’égard des couples déjà mariés
 
En créant un mariage indifférent au sexe des conjoints, c’est-à-dire un mariage asexuel, alors que, de bonne foi, tous les mariés se sont fondés sur cette notion d’altérité sexuelle le jour de leur mariage, l'État modifie en substance le contrat signé. Il ne se contente pas d’aménager à la marge les modalités d’exécution d’un contrat ou le régime juridique de celui-ci, il le dénature. Dès lors, une telle dénaturation devrait d'abord être acceptée par tous les époux qui ont compté sur le sens des mots de l'institution, acceptée par l’État et ratifiée par lui.
 
Osons l'écrire : l’État aurait dû d'abord réunir toutes les volontés contractantes et les consulter sur son projet avant de le faire. S'il ne l'a pas fait, il a agi de façon unilatérale, sans considération des personnes, et même au mépris de leur confiance.
 
Passons maintenant de l’autre côté du miroir : si l’État choisit de considérer le mariage comme essentiellement indifférent au sexe, donc asexuel, il ne peut dans le même temps contraindre les mariés qui se seront mariés sous l'ancienne loi à rester dans un cadre qu’ils n’auront pas choisi. Évincés du sens profond du mot mariage, les couples déjà mariés ne sauraient aussi être contraints de rester enfermés dans un cadre auxquels ils n’ont jamais souscrit.
 
On peut bien nous assurer que les droits resteront les mêmes avant et après la loi Taubira. Mais le contrat n'est plus le même, et le respect des personnes n'est plus là. Dès lors, soit le mariage n'est pas le même « pour tous », soit, s'il l'est, et il contraint les anciens mariés à accepter la perte de la raison pour laquelle leur mariage existait.
 
Au total, la contrainte ainsi exercée par l’État sur les couples déjà mariés constitue une voie de fait de l’État à l’égard de ces couples.
 
Si la loi Taubira s'appliquait, il faudrait d’abord, pour respecter les personnes, que l’État soit jugé responsable de voie de fait à l'encontre des personnes déjà mariées, fondées à voir reconnaître la blessure portée par l’État à leur mariage [2].
 
Il faudrait aussi faire reconnaître, dans la loi, la possibilité d'un « démariage » civil, différent du divorce, afin de respecter la liberté des personnes qui se verraient à juste titre menacées par le glissement sémantique de la loi.
 
 
° La loi Taubira constitue l’acte de décès du mariage : déshabiller Pierre pour habiller Paul, mais en même temps retailler des vêtements qui ne conviendront plus à personne
 
Il faudrait aussi plaider pour la création d'un autre type d'institution en faveur des nouveaux exclus du système, sous un autre nom s'il le faut (par exemple : « alliance civile »), un nouveau type d’institution pour toutes les personnes qui se revendiquent de leur sexe et du sexe, homme ou femme, c'est-à-dire tous ceux qui refusent d'être rangés sous l'une des deux catégories aussi trompeuses l'une que l'autre, « homosexuel » ou « hétérosexuel »). Cette autre institution aurait pour but de garantir la protection des personnes, le sens de leur engagement, et leur liberté.
 
On constaterait ainsi que, le nom « mariage » ayant été détourné et volé, on a commencé à jouer à fronts renversés. Il y a quelques années les lobbies LGBT demandaient l'accès au mariage pour les personnes homosexuelles en tant qu'homosexuelles, et ce pour former des duos « mariés ». Après la dénaturation opérée par la loi Taubira, ce seraient les couples (et non les duos de même sexe) qui devraient demander à être reconnus par la loi et traités spécifiquement comme hommes et comme femmes, dans le droit du mariage.
 
Il leur faudrait d'abord obtenir une sorte de PACS amélioré spécialement conçu pour les personnes désireuses d'assumer la dimension procréative du sexe avec leur conjoint, puis le faire évoluer vers une véritable « alliance civile » donnant autant de droits que le mariage, désormais réservé aux tenants d'une vision « asexuelle » des unions entre personnes.
 
Enfin, il faut constater que la loi française fait interdiction aux ministres des cultes de célébrer à titre habituel des mariages religieux sans mariage civil préalable. Comme le mariage religieux demeure sans effets légaux, ceux qui refuseraient un mariage civil devenu absurde car privé de substance sexuelle se priveraient non seulement du mariage religieux, mais aussi de toute reconnaissance civile. Et si la célébration du mariage civil préalable cessait d'être rendue obligatoire, les gens mariés religieusement qui refuseraient de se marier civilement, par une forme d'objection de conscience, se verraient encore privés des effets légaux du mariage.
 
 Qui dira encore que la loi Taubira « n'enlève rien, aucun droit à personne » ? En réalité, elle prend en otage les citoyens pratiquants d’une religion. « Souriez, vous êtes démariés », mais en plus : « souriez, vous ne pourrez plus vous marier… » J
 
L'abandon de la considération du sexe des conjoints revient donc à vider le mariage de son contenu, à priver du mariage les gens mariables et les gens mariés, et à donner un non-mariage à des gens non-mariables, tout en leur faisant croire que le mariage existe encore. C'est déshabiller Pierre pour habiller Paul, mais en même temps retailler des vêtements qui ne conviendront plus à personne.
 
C'est le démariage général.
 
L'idée partait peut-être d'une généreuse intention ; elle flattait le désir de croire en l'innocence d'une proposition un peu carnavalesque, mais au bout du compte elle ne respecte manifestement pas l'égalité et est injuste. En ce sens la loi Taubira constitue l’acte de décès du mariage civil.
 
Parions donc que les plaintes devant les tribunaux vont surgir, dans les prochaines semaines, si François Hollande persistait à vouloir faire appliquer cette mauvaise loi.
 
Il est l’heure de choisir : préparez-vous à saisir votre avocat, ou, souriez, vous serez (bientôt) définitivement démariés !
 
 
Ludovic Coudert
Professeur de philosophie
 
Justin Regard (Twitter : @JustinRegard)
Magistrat
 
 
 


[1]       Ce qui justifie d’ailleurs  la nature particulière du mariage, à la fois contrat et institution et ce qui justifie que l’État, fidèle à sa mission de protection, ait tenu à fixer le cadre des ces unions particulières
[2] A cet égard, il est piquant de constater combien le débat récent a pu se focaliser sur la possibilité éventuelle d’abroger la loi Taubira à l’occasion d’une alternance politique. Impossible selon certains car on ne pourrait ‘démarier’ des couples homosexuels et ‘désadopter’ des enfants. Mais qui ne voit que la question de fond est en fait la même et se pose dès aujourd’hui pour les couples mariés ?

 

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