“Heureux les humbles”

"Il renverse les puissants de leur trône, il élève les humbles" (Lc 1, 52). L’humilité n’abaisse pas nos actions mais notre ego, pour ne pas usurper une gloire qui ne nous appartient pas. L’humilité permet seule de recevoir ultimement la gloire qui nous vient de Dieu. Ce n’est pas qu’un moyen pédagogique pour limiter notre orgueil, mais c’est une finalité eschatologique où nous serons tous en Dieu, petits mais saisis par Sa grandeur, Sa divinité qui nous ravit et nous grandit. L’humilité est la condition normale du Royaume. Toutes formes de pouvoir égoïste, totalitaire, orgueilleux est bien renversé. "Il renverse les puissants de leur trône", car ne subsiste que le trône de l’Agneau, humble et victorieux. Les puissants ont aussi trop de biens. "Qu’as-tu que tu n’aies reçu ?" (1 Co 4, 7). Or plus rien ne passe dans l’au-delà, sinon l’amour des humbles. Sans dénigrer l’action et le don de soi, mais sans se croire au-dessus et tout-puissant, l’humilité est là pour reconnaître que nous ne faisons pas de grandes choses par nous-mêmes, que tout est donné, tout est à recevoir, et finalement si peu est le fruit de notre pouvoir.

Nietzsche avait horreur de l’humilité face aux modèles évangéliques que sont la crèche, les bergers, les enfants, les pauvres et les malades, la croix et le dénuement. "Je suis doux et humble de cœur", dit Jésus, le modèle du bienheureux (Mt 11, 29). Deux qualités premières chez Jésus, qui sentent la faiblesse. C’est la vérité de notre condition : petit ver de terre (humilité vient de humus, la terre), mais fils de Dieu et promis à de grandes choses. "Il élève les humbles." Oui, il y plus de bonheur à trouver dans l’humilité que dans l’orgueil.