Pour qu'Aleteia poursuive sa mission, faites un don déductible à 66% de votre impôt sur le revenu. Ainsi l'avenir d'Aleteia deviendra aussi le vôtre.
*don déductible de l'impôt sur le revenu
En quelques années, au gré d’un cheminement personnel et spirituel, Guillaume Albouy, 51 ans, designer reconnu, lauréat de L’étoile de l’Observateur du Design et de l’IF Design Award, est passé des casques de vélo et des luminaires aux crèches de Noël et aux bancs de prière. Une transition professionnelle qui s’est opérée à la quarantaine et qui correspond à une recherche profonde de sens. Après avoir travaillé à Lille puis à Milan, il fonde Deoda en 2019. Marié depuis 20 ans à une Milanaise, père de deux filles, il est, avec sa famille, "Famille en Mission" au service de la paroisse de Cabasse (Var), dans le diocèse de Fréjus-Toulon. Un engagement familial qui les amène à vivre et témoigner de l’évangile au quotidien. Ils habitent au presbytère, qui – signe de la Providence ! – possède un atelier. Concepteur dans l’âme et inspiré par Laudato si', Guillaume Albouy crée et fabrique des bancs de prière, des croix, des crèches et des statuettes en bois. Autant d’objets empreints d’une symbolique chrétienne forte, au design soigné et actuel, et à la portée missionnaire.
Aleteia : Vous étiez designer à Milan, collaborant pour de grandes marques. Qu’est-ce qui vous a poussé à tout quitter pour créer Deoda ?
Guillaume Albouy : C’est un projet qui est né progressivement. Vers 40 ans, j’ai réalisé que j’étais, en tant que designer, le premier maillon de la chaîne du consumérisme. À cette époque, je faisais beaucoup de casques de vélo et trouvais absurde de refaire des casques pour remplacer les précédents, simplement parce que le marché le voulait. J’observais aussi les IPhone qui faisaient rage, et ai été marqué par cette inversion de l’objet et du sujet : la star, c’est l’objet, et les consommateurs sont prêts à dormir dehors pour l’avoir le jour du lancement. Je voyais quelque chose d’absurde dans cette consommation et j’ai eu envie de faire quelque chose de plus noble.
C’est aussi à ce moment que j’ai eu des crises douloureuses dues à une maladie auto-immune. J’avais du mal à me mettre à genou. J’avais besoin d’un banc de prière, c’était parfait, comme objet ! Un objet qui est sous le sujet, qui ne prend pas la place du sujet. Le banc est ma première création pour Deoda et c’est d’ailleurs ce qui figure sur mon logo. J’ai eu envie de faire du design pour Dieu, j’ai commencé en parallèle de mon métier. De retour en France, j’ai rencontré Mgr Rey, l’évêque de Toulon, lors d’une retraite à Cotignac pour les artistes. Il est très sensible à la beauté et aux initiatives artistiques, et m’a demandé pourquoi je ne mettais pas mes talents au service de Dieu et de l’Église. Je me suis alors demandé comment orienter ma créativité vers quelque chose de beau et me suis tourné vers le design chrétien.
Avez-vous été élevé dans la foi chrétienne ?
J’étais "programmé" pour être catholique mais j’ai mis Dieu de côté pendant quelques années. Je suis revenu vers lui à travers des événements de ma vie et la remise en question de mon travail. J’ai grandi dans une famille catholique, j’ai fait du scoutisme, mais j’ai décroché de la pratique religieuse au moment de mes études. C’est ma femme qui m’a ramené à la pratique religieuse, quand nous étions en Italie. J’ai eu alors un grand désir de conversion, de recherche de la vérité, de recherche de Dieu. Et en 2009, ma fille tombe gravement malade – des crises d’asthme atypiques – et est sauvée in extremis. Ça me chamboule profondément, et depuis, Dieu est présent au quotidien, c’est une douce irruption dans ma vie, qui ne me quitte pas. Mon choix de Deoda est un peu une action de grâces !
On connaît l’étymologie de Deodat, "donné par Dieu", mais que signifie "Deoda" ?
Deoda signifie littéralement en latin "donne à Dieu". Deoda est une exhortation à donner, à se convertir. L’impératif "donne à Dieu" résonne comme un appel pressant à nous centrer sur l’essentiel, à donner d’abord notre consentement à Dieu. Un don qui n’est qu’un juste retour envers Celui qui nous donne tout.
Vous avez fait le choix d’un design sobre et épuré, tout en bois, inspiré de Laudato si’, pourquoi ce choix ?
Il s’enracine dans mon éducation, je viens d’une famille sobre, nous n’avons manqué de rien, mais nous faisions attention. "Less is more" est une ligne de conception minimaliste bien connue en architecture. L’enjeu est de dire des choses avec peu de signes, j’adhère complètement ! Le scoutisme aussi est une école de la sobriété ! Stimuler la créativité la créativité. Être sobre, c’est valoriser ce dont on dispose. Et faire du beau avec peu, exalter la beauté cachée, c’est un défi enthousiasmant ! D’ailleurs, quand on y pense, Dieu est aussi designer : quand il crée les espèces animales ou végétales, il est confronté à des problèmes de fonction, d'identité, d'esthétique, et il donne une solution pour chaque besoin. Regardez le manchot empereur ! Il a une morphologie, des ailes, un bec adapté… et il est beau, et toute l'espèce se multiplie à l'identique ! Faire du design, c’est rechercher la beauté qui élève mais aussi une certaine sagesse dans la conception en vue de sa multiplication.
Vous parlez de design chrétien. Comment le définissez-vous ?
Le design recherche la beauté. Or la beauté réjouit le cœur et élève l’âme, et ainsi nous ouvre à Dieu. Le design, contrairement à l’art qui crée des pièces uniques, a vocation à démocratiser l’esthétique des choses : à travers les objets quotidiens, il veut répandre "la beauté à tous". C’est pourquoi le design chrétien assume une vocation missionnaire. Et comme tout bon designer, je cherche aussi à ce que l’objet ait une fonction : la crèche Deoda est aussi un puzzle, la statuette de la Sainte Famille contient une prière… Je veux que ces objets puissent interpeller les personnes qui n’ont peut-être pas les codes de la religion chrétienne, mais qui sont sensibles à un langage qui leur parle. Une manière de répondre à l’appel du pape François qui nous demande d’être des disciples missionnaires.
Une autre manière très concrète pour moi d'être missionnaire, c'est d'avoir mis en place ce que j'appelle la "dîme missionnaire": 10% du bénéfice des ventes de Deoda sont investis pour produire des objets religieux bénis puis distribués gratuitement à ceux qui n'envisagent pas d'acheter un objet religieux mais qui sont néanmoins contents de l'installer chez eux. Une façon de répandre bénédiction et protection dans des lieux nouveaux et de témoigner d’une Église bienveillante, avenante et créative.
Avez-vous des projets pour 2025 ?
Beaucoup de projets sont dans les tiroirs. Différentes nouveautés sont au programme, des croix, des bancs de prières, une statuette de Jésus pour 2025… À plus long terme, notre ambition est de déployer l’atelier en un véritable tiers-lieu, destiné à accueillir les amoureux des belles choses, du bois, de la création… et de proposer un espace collaboratif invitant et transformant.
Pratique