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Depuis la cathédrale calcinée, le blanc du tabernacle retrouvé

Intérieur de Notre-Dame de Paris, 29 novembre 2024.

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Denis Lensel - publié le 07/12/24
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Dans le noir de la cathédrale calcinée de Notre-Dame, on a pu voir le reflet terrible de la situation spirituelle d’un pays réduit à la "misère de l’homme sans Dieu". Dans sa reconstruction, c’est un pèlerinage de la mémoire qui s’est mis en marche vers le blanc de l’Eucharistie toujours présente.

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Lors de l’incendie du 15 avril 2019, Notre-Dame de Paris est apparue à la France et au monde horriblement sinistrée, sa nef éventrée, sa flèche arrachée, sa toiture carbonisée. Mais comme par miracle, le tabernacle de la cathédrale était épargné, sauvé du brasier de cette géhenne. Devant le malheur soudain de Notre-Dame de Paris livrée aux flammes dévorantes après plusieurs négligences navrantes, on a pu voir comme un reflet terrible de la situation spirituelle d’un pays réduit par sa déchristianisation à cette "misère de l’homme sans Dieu" que déjà Pascal évoquait. On a pu voir aussi, dans le drame de cet édifice défini alors comme "un membre de notre famille", un miroir posthume de la misère d’une génération de témoins isolés du Christ, comme ces écrivains visionnaires tel Léon Bloy, réduit à mendier son pain à l’aube du XXe siècle.

Dans la cathédrale calcinée, le blanc de l’Eucharistie

Bloy avait inspiré une grande compassion à Jacques et Raïssa Maritain : le cœur serré pour sa "grandeur sans refuge", ces "mendiants du ciel", prêts eux-mêmes à lui faire l’aumône, le comparaient à « une cathédrale calcinée"… Redescendant de son domicile de Montmartre, ils trouvaient que ce "pèlerin de l’Absolu" devenu leur parrain contenait en lui la blancheur surnaturelle de l’Eucharistie… Jacques Maritain évoquait en effet Léon Bloy en ces termes : "Au lieu d’être un sépulcre blanchi comme les pharisiens de tous les temps, c’était une cathédrale calcinée, noircie. Le blanc était au-dedans, au creux du tabernacle." 

À la lumière du siècle des deux premières guerres mondiales, Raïssa Maritain soulignait "la vision prodigieusement exacte que Léon Bloy a eue de la misère de son temps et du nôtre" : elle constatait elle-même en 1941 que "la chrétienté fondée au prix du sang des martyrs tombe en poussière" et que "l’Église, qui a la charge du genre humain tout entier, est comme une mère abandonnée qui n’a plus le pouvoir de protéger ses enfants". Pour autant, Bloy, cette "gargouille de cathédrale qui verse les eaux du ciel sur les bons et les méchants" (Barbey d’Aurevilly), voyait en Jésus portant la croix "la Pauvreté saignant sur la Misère"…  

Une nef qui avance à nouveau

Mais aujourd’hui, après le spectacle lugubre de l’incendie de Notre-Dame, image de notre misère, nous pouvons contempler le résultat d’un pari gagné par la France, le pari de la reconstruction en cinq ans de ce sanctuaire national, pierre par pierre, par des hommes et des femmes de bonne volonté, avec le soutien de tout un peuple réveillé en sursaut et sorti de sa torpeur et de son indifférence. Georges Bernanos écrivait qu’"il n’y a pas de plus haute Espérance que le désespoir surmonté". Des anonymes aux milliardaires, des athées et des agnostiques aux croyants, tous, du président de la République aux architectes, des prêtres et des évêques aux généraux et aux soldats, une foule de bienfaiteurs s’est mobilisée comme des "pierres vivantes" autour d’un chantier de l’Espérance : ils ont achevé ainsi un chantier de pierres minérales, à nouveau taillées et assemblées avec les mains de la charité et les yeux de la foi.

Notre-Dame de Paris est de nouveau à flot : ce vaisseau amiral de la France des cathédrales et des abbayes renaît avec sa nef qui avance à nouveau dans le ciel parisien, sous les yeux du monde entier rasséréné. Dans le livre d’Ezéchiel, à ceux qui disent : "Nos os sont desséchés, notre espérance est morte, nous sommes perdus", l’Éternel répond : "Voici que je vais ouvrir vos tombeaux, et je vous ferai remonter hors de vos tombeaux, ô mon peuple, et je vous ramènerai sur la terre d’Israël. Je mettrai mon Esprit en vous, et vous vivrez. Et les nations sauront que je suis l'Éternel, qui sanctifie Israël, lorsque mon sanctuaire sera pour toujours au milieu d'eux."

Comme un doigt qui montre le Ciel

Aujourd’hui en France, regrettait récemment Marcel Gauchet, "on s’enorgueillit de vivre dans un pays-musée, mais le passé ne nous oblige plus". Mais la flèche de Notre-Dame de Paris se dresse à nouveau comme un doigt qui nous montre le Ciel, au pèlerinage de la mémoire… Devant cette cathédrale revenue à la vie, nos contemporains sauront-ils regarder dans cette direction, vers l’Au-delà ?

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