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Le futur programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (Evars) qui devrait entrer en vigueur à la rentrée de l’année scolaire 2025-2026 sera dévoilé dans les prochains jours et présenté le 12 décembre au Conseil supérieur de l’éducation. Il n’est pas encore public, mais les polémiques enflent déjà et plusieurs associations tirent la sonnette d’alarme. Il faut dire qu’il y a des précédents… régulièrement ! On peut comprendre qu’une méfiance se soit instaurée, au fil des années.
Pas à n’importe quel prix
Plusieurs associations, comme les AFC ou Juristes pour l’enfance — qui a déjà préparé des recours — alertent sur les risques d’atteintes au respect de la conscience des enfants, à la vigilance contre les idéologies qui traversent les murs de nos écoles, au risque de l’intrusion de l’État dans un rôle qui appartient d’abord aux parents, premiers éducateurs de leurs enfants. Attention ! il ne s’agit pas de rejeter toute idée de programme, ou de considérer qu’aucune information utile, constructive, saine et respectueuse des âges, de l’intimité et des convictions de chacun ne soient possible. Il ne s’agit pas non plus de laisser entendre qu’il n’y aurait aucun professionnel bien formé, animé des meilleures intentions et respectueux des rythmes de développement affectif et cognitif des enfants. Il y en a, et ils font un travail formidable. Eh oui ! l’éducation affective, relationnelle et sexuelle est évidemment nécessaire. Mais pas n’importe comment, pas à n’importe quel prix, pas par n’importe qui, pas à n’importe quel âge et pas en mélangeant tout ou en attribuant aux enfants des pensées et des besoins d’adultes. Ni en imposant des notions qui relèvent d’une idéologie.
Le projet de programme contient de très bonnes choses. Autour de l’apprentissage des émotions, par exemple, un travail essentiel chez les tout-petits, en particulier. L’empathie se développe dès le plus jeune âge, et se travaille, or on voit à quel point cela fait défaut aujourd’hui. Ce programme parle aussi de construction de soi, de la lutte contre les préjugés, les inégalités, les discriminations. Très bien. On y décèle le souhait de sensibiliser aux dangers de la pornographie. Super. On veut apprendre à se familiariser avec les notions de sécurité et de protection sur Internet. Bravo. Il est prévu au lycée de réfléchir à l’intimité à l’ère des réseaux sociaux, pour apprendre à se protéger et à protéger les autres. Extra.
Un programme qui pose problème
Alors pourquoi ces polémiques ? Car en l’état, ce programme pose problème. C’est ce qu’a affirmé le ministre délégué à la Réussite scolaire et à l’Enseignement professionnel lui-même, Alexandre Portier, qui a tenu des propos clairs et forts au Sénat le 27 novembre. Le jeune normalien de 34 ans a estimé que le programme "n’est pas acceptable en l’état" et "doit être revu". Il a précisé, entre autres, qu’il s’engagerait "personnellement pour que la théorie du genre ne trouve pas sa place dans nos écoles".
Sur ce sujet précis, la ministre de l’Éducation nationale, la macroniste Anne Genetet n’a pas tardé à réagir en affirmant pas moins de six fois dans son interview de trois minutes à BFM TV que "la théorie du genre n’existe pas". Reprenant ainsi un gloubiblabla qui n’est pas sans rappeler celui de Najat Vallaud-Belkacem quand elle tenait la place dans ce même ministère. Et ce dimanche 1er décembre, ce sont trois anciens ministres, Aurore Bergé, Nicole Belloubet et Frédéric Valletoux, qui prennent le relais dans La Tribune. Ils appellent à ne pas céder aux pressions et accusent les opposants d’utiliser les mots "théorie du genre", qui n’est pas inscrite au programme, pour semer le doute et la confusion. Mais dimanche soir dans Le Figaro, ce sont 100 sénateurs LR qui torpillent ledit programme, jugeant qu’ "il fait la part belle à l’idéologie woke, dont les thèses n’ont pas leur place dans les murs de nos écoles".
Un mot valise
Alors, qu’en est-il ? J’ai pu consulter l’actuel projet d’arrêté qui fixe ce programme. J’ai compté. Les mots "identité de genre" y sont présents pas moins de 17 fois. Dans un document de 40 pages, pour une théorie qui n’existe pas, cela fait quand même pas mal ! Et le mot "genre" (associé à le, du, conception de, expression de, stéréotypes de, notions de…) pas moins de 41 fois ! Cela semble un peu obsessionnel…
Or précisément, la notion "d’identité de genre" relève directement de ce qu’on classe habituellement dans ce mot-valise de "théorie du genre". L’identité de genre, c’est quoi ? Un concept inventé de toutes pièces. C’est "le ressenti" personnel sur le fait de se sentir homme ou femme. Ou pas. Ou les deux, soit "non binaire", c’est-à-dire ni strictement homme, ni strictement femme, ou "fluide", passant d’homme à femme au gré des instants, ou encore "bispirituel", "agenré", "xénogenré"… En 2022, on en comptait déjà au moins 72 identités de genre possibles.
Un parti-pris qui donne le ton
Cette notion d’identité de genre est donc bien présente dans le programme, dès le préambule. C’est un parti pris qui donne le ton. Personne ne peut le nier. Et cette notion n’a jamais été débattue. Personne n’a demandé aux parents s’ils souhaitaient que cela soit enseigné à leurs enfants. Ainsi dans ce projet de programme, on relève dès la cinquième, que parmi les notions et compétences à acquérir figurent : "différencier sexe, genre, orientation sexuelle. Reconnaître et respecter la diversité des corps (morphologie, apparence, etc.), des sexes, des genres, des identités de genre, des orientations sexuelles." Ces objectifs et les moyens suggérés reviennent tout le temps. Au lycée, idem. En seconde, il est proposé "qu’à partir de témoignages, on fasse prendre conscience aux jeunes que l’identité de genre d’une personne peut ne pas correspondre à son sexe biologique". Cela revient à dire qu’on peut être un homme, biologiquement parlant, mais être femme, dans son identité de genre. On a le droit d’y croire. Pas celui d’imposer cette croyance à tous.
La notion d'identité de genre est une croyance, en dehors du tangible, du mesurable, du qualifiable, bref du réel.
Dans leur tribune à trois voix, les anciens ministres macronistes recadrent implicitement Alexandre Portier en ces termes : "Lorsque l’État parle, il doit s’appuyer sur des faits, des études scientifiques et des données solides. Tout autre discours relève de l’irresponsabilité. Face à l’importance de ce sujet, l’État a un rôle crucial à jouer. Ce n’est pas seulement une question de volonté politique, c’est une obligation envers les générations futures". On pourrait presque trouver cela drôle si ce n’était pas aussi sérieux. Où sont les faits, les études scientifiques et les données solides qui certifient l’existence d’une identité de genre ? En réalité cette notion est une croyance, en dehors du tangible, du mesurable, du qualifiable, bref du réel. C’est une invention, sans aucun fondement scientifique, sortie de l’imagination de certains, et qui s’instaure sournoisement sans débat depuis des années. Pour cela, quel meilleur moyen que l’imposer dans les esprits dès le plus jeune âge ?
Un phénomène d’allure épidémique
Comme le rappelle la journaliste féministe Pauline Arrighi dans son essai Les Ravages du genre (Cerf), si la notion d’identité de genre n’est jamais débattue, c’est parce que ses promoteurs ont réussi ce tour de force : faire croire qu’elle était inoffensive et progressiste… Or, on constate suffisamment autour de nous aujourd’hui ce que sont les ravages du genre, et on ne peut que s’en attrister. Les demandes de transition, sociales et parfois médicales, impliquant des prises d’hormones et parfois des chirurgies mutilantes, ont explosé. L’Académie de médecine parle d’un phénomène d’allure épidémique.
L’actuelle ministre de l’Éducation nationale et les anciens ministres détournent leurs réponses sur un autre sujet, d’une importance majeure : le fléau du "porno". Ils ont raison de rappeler ce terrible constat face auquel les énergies devraient se focaliser : l’invasion des contenus pornographiques. Nul doute que le porno crée une violence certaine dans notre société et s’impose aujourd’hui comme le premier vecteur d’éducation sexuelle des jeunes. Ces contenus transmettent des représentations fausses, dégradantes, violentes et pleines de stéréotypes sur la sexualité. Mais il n’y a nul besoin de faire intervenir des notions d’identité de genre dans les programmes scolaires pour faire de ce fléau une grande cause nationale. Pour décider de mettre plus d’énergie politique pour faire interdire des sites ou bloquer leur accès. Ou pour donner une information claire sur les graves méfaits et les phénomènes d’addiction désormais bien connus de la pornographie.
La création de stéréotypes
Par ailleurs, je ne crois pas que ce soit en niant ce qu’est un homme, une femme, qu’on fera baisser la violence. Car toute atteinte à la vérité est déjà une blessure et une forme de violence faite à l’intelligence et au bon sens. Aujourd’hui, le simple fait de mentionner une réalité aussi fondamentale que la division de l’espèce humaine entre hommes et femmes est devenu "offensant" et même qualifié de "discours de haine" ! Où est la violence ?
Dans le projet de programme, dès avant 4 ans, il est prévu de faire comprendre que le choix d’une activité et les goûts ne sont pas prédéterminés par le fait d’être une fille ou un garçon. Ce n’est pas faux, mais c’est incomplet. Il peut y avoir des activités spontanément choisies par les filles ou les garçons, tous les parents le savent bien, et ce n’est pas grave ! Sur ce sujet, la rééducation des jeunes esprits ne date pas d’hier. La lutte contre les stéréotypes de genre est devenue si grossière parfois qu’elle en crée de nouveaux. Faire croire aux enfants, dès le plus jeune âge, qu’ils peuvent choisir leur genre, "s’autodéterminer", en dehors de toute réalité biologique peut considérablement les troubler, les fragiliser, à un âge où ils ont besoin d’appuis et de repères pour construire sereinement et progressivement leur identité et leur personnalité. À quel moment on va bien vouloir se rendre compte que visiblement, même si cette lutte contre les stéréotypes a permis certains progrès dans la prise en compte de la place des femmes, cela a ses limites ? Et qu’elles sont largement dépassées, d’où la méfiance et le ras-le-bol de nombreux parents.
Un regard équilibré sur les différences
Il est possible d’apprendre aux plus jeunes à avoir un regard équilibré sur les différences hommes-femmes, sans en faire des absolus plus ou moins agaçants : les hommes sont ceci, les femmes sont cela, sans nuance. Chercher l’égalité n’impose ni l’uniformité ni d’abolir la distinction entre les sexes. Au contraire. Une femme se doit d’être respectée en tant que femme. On peut enseigner aux plus jeunes que garçon et fille, nous partageons une même nature humaine, de laquelle on ne peut occulter l’importance de la sexuation — l’ensemble des phénomènes biologiques et symboliques qui caractérisent l’un et l’autre sexe — car la sexuation en est une dimension nécessaire et signifiante. Et oui, notre corps sexué influence notre regard sur le monde et implique des potentialités qui sont propres à chaque sexe et qui se révéleront différemment en chaque personne. Au lieu d’en faire un lieu de guerre stérile, pourquoi ne pas en faire un lieu de fierté, de découverte mutuelle, de respect ? Les 100 sénateurs concluent leur appel en rappelant à l’Éducation nationale son devoir. Ne pas imposer aux élèves des enseignements qui ne respectent pas le rythme de leur maturité. Ne pas accueillir à l’école les querelles qui enflamment les adultes. Ne pas oublier que l’éducation est d’abord et avant tout la mission des parents. À bon entendeur… Le débat semble ouvert, c’est déjà ça.