Le slogan de la sainteté

Il n’est pas facile de définir la sainteté ou de résumer ce qui constitue l’essentiel d’une vie évangélique. Peut-être saint François Xavier (1506-1552) avait-il réussi cette gageure. Le grand missionnaire, navarrais d’origine, partit en Inde, à Malaka, au Japon, pour annoncer le Christ en Extrême-Orient, où il mourut, sur une île au large de Canton. Un mot, sa devise, a conduit sa vie : "Davantage !". Toute sa vie, il s’est ainsi demandé ce qu’il pouvait faire de plus pour proclamer la Bonne Nouvelle à temps et à contre-temps, sorte de nécessité intérieure de permettre à d’autres de vivre de l’amour divin qui l’avait saisi : "Soyons en cette vie de pèlerins, prêts à nous rendre partout où nous pourrons servir davantage Dieu notre Seigneur", expliquait-il.

Avant de partir au bout du monde, François Xavier fut un des premiers disciples d’Ignace de Loyola (1491-1554) qu’il aida à fonder la Compagnie de Jésus, approuvée en 1540. Et le mot "davantage"(magis en latin) est très présent dans la spiritualité ignatienne, encore aujourd’hui. Ignace l’utilise lui aussi dans les Exercices. Non pas dans un objectif qualitatif, où la sainteté dépend des heures de prière ou du nombre de personnes secourues, mais avec une visée intérieure d’approfondissement. Magis est en fait l’inverse de satis, qui a donné "satisfait". Celui qui veut devenir disciple de Jésus, qui désire s’engager résolument dans une vie chrétienne, ne peut jamais en faire assez, avoir trop aimé, être déjà suffisamment rempli de l’amour de Dieu.

N'est-ce pas le drame du jeune homme riche de l’Évangile (cf. par exemple Lc 18, 18-30) ? "Tout cela, je l’ai observé depuis ma jeunesse", répond-il à Jésus qui lui cite les commandements. Mais quand le Fils de Dieu lui propose de faire un pas de plus et de vendre tous ses biens, "homme devint profondément triste, car il était très riche", dit saint Luc. Davantage, il n’a pas pu faire davantage.

Ce mot-clef de la sainteté a aussi été utilisé par saint Vincent de Paul (1581-1660). Apôtre infatigable de la charité, aumônier des Galères de Louis XIII et membre du Conseil de conscience, fondateur de la Congrégation de la Mission (Lazaristes), formateur de prêtres, appui de Louise de Marillac dans la création des Filles de la charité à qui il disait que la rue était leur cloître et les pauvres leurs maîtres… Cet homme donc, déjà admiré de son vivant, proclamé saint dès 1737, répondit à la reine Anne d’Autriche qui lui demandait quel regard il avait sur son existence au soir de sa vie : "J’aurais voulu faire davantage !". Que dire de plus ?