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La sensibilité vient du latin "sensus" qui est le fait de sentir, une manière de percevoir, une acuité des sens… Si chacun est relié au monde grâce à ses cinq sens, cette perception est unique. On peut s’approcher de la perception de l’autre grâce à la parole, mais on ne sait jamais exactement, parce que l’autre est autre et n’est pas moi. Soit, mais comment est-on devenu "hyper-sensible" ? A sa naissance le bébé est fragile, démuni, vulnérable et une alliance se crée entre lui et ses parents : le protéger, satisfaire ses besoins et le préparer à son autonomie deviennent leur mission. Une mission normalement temporaire jusqu’à ce que l’enfant puisse prendre soin de lui… tout seul.
On observe ces dernières décennies une évolution dans les critères de réussite d’une éducation au cours du siècle passé. Dans les années 1950, une éducation convenable amenait un jeune à travailler, à subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. A cette époque, la contraception n’existe pas et le nombre d’enfants accueilli pour un même foyer n'est pas un sujet. Dans les années 1970, un peu d'études et un travail, voilà ce qui importait aux parents pour leurs enfants. A cette époque, la pilule contraceptive est légalisée et l’IVG dépénalisée. On commence à choisir d’avoir un enfant.
Le bien-être comme critère de vie
Dans les années 1980, les années bling-bling, un travail bien rémunéré signe une réussite sociale. La pilule s’ancre dans les esprits et l’enfant devient un choix des parents assorti d’un budget puériculture non-négligeable. Avec la désindustrialisation de la France dans les années 1990 et les licenciements de masse, y compris de salariés fidèles, advient un nouveau paradigme, en même temps que les 35 heures et l’arrivée d’Eurodisney : le temps du bonheur comme critère de vie. Les nouveaux enfants ont moins de pression pour une réussite sociale et les nouveaux parents un objectif : rendre leur enfant heureux ! Depuis le changement de siècle, la pression n’a cessé d’augmenter pour être de bons parents et offrir à ses enfants une vie de famille paisible, respectueuse des particularités de chacun. En parallèle, l’accès à l’intimité de chaque famille via les réseaux sociaux met en place une surenchère de modèles familiaux "parfaits" (et le plus souvent virtuels).
Un rude contraste
Bien sûr, chaque famille peut se fixer le mode de vie qu’elle souhaite et on peut se réjouir du souci au bien-être des enfants. Malheureusement le contraste est rude quand ils sortent du nid douillet familial : habitués à un air doux, une lumière tamisée et des coussins moelleux, ils sont irrités par le vent, les rayons du soleil et le froid de l’hiver. Et c’est ainsi, que l’entrée à l’école est souvent déstabilisante pour ces enfants qui manquent de codes relationnels et de souplesse. Tout peut les heurter : le ton de la maîtresse, la mauvaise note, les rires des autres, le manque d’attention à leur égard. Centres de l’univers dans leur famille, ils ne sont pas habitués à être un parmi d’autres.
Elever un enfant consiste à le préparer à vivre dans un monde réel.
La tentation est forte de réclamer à l’école, aux autres enfants, aux autres parents, une préoccupation particulière mais ce serait prolonger artificiellement le cocon. Elever un enfant consiste à le préparer à vivre dans un monde réel : dans le monde adulte, mondialisé, pourra-t-on demander à une entreprise chinoise un délai supplémentaire pour un appel d’offre parce que Killian a besoin de 48 heures de plus ? Pourra-t-on demander aux supporters de foot de ne pas soutenir leur équipe parce qu’un joueur de l’équipe adverse se sent humilié ?
Evidemment, nous pouvons chacun, par notre comportement, notre politesse et notre gentillesse contribuer à un monde paisible et bienveillant, mais plutôt que nous interposer entre le monde et nos enfants, notre mission de parents consiste à les outiller pour trouver leur place dans le monde : leur apprendre à être souples, à ne pas prendre chaque remarque au premier degré, à entendre les critiques pour progresser, à être un bon camarade plutôt que noter les autres camarades. Bref ! A ne pas être trop… susceptible !