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L’histoire se passe un dimanche après-midi dans un TGV aussi anonyme que ces si nombreux trains qui sillonnent incessamment la France. Ma voisine, quelques instants après le départ, élève son bras droit, le pose sur son front puis descend, remonte vers l’épaule gauche puis la droite, un lent et beau signe de croix, juste à côté de moi. Alors j’aperçois, discrètement, le chapelet qu’elle égraine alors que le conducteur prononce son annonce sans fin. Elle ne semble pas troublée, les yeux fermés, elle est tout entière immergée dans une prière profonde. Que faire sinon prier avec cette inconnue dont on ne sait ni les intentions ni la forme de prière. Est-elle catholique ? Oui, probablement puisqu’elle récite son chapelet.
Une tournure très étonnante
C’est alors que ma prière improvisée et provoquée par cette inconnue prend une tournure très étonnante. Une personne, puis deux se tournent vers le Seigneur alors pourquoi n’y en aurait-il pas d’autres ? Dans ce train, combien pourraient chanter les louanges ou méditer un texte d’évangile en traversant une campagne dolente en cette trêve vespérale. La prière pourrait-elle s’entendre à tous les passagers et les populations traversées à plus de 300 km/h ? Certes, il ne s’agit que de suppositions et l’on peut cependant imaginer que beaucoup plus de personnes prient, discrètement dans le fond de leur cœur et sans ostentation. Ce constat fait réfléchir dans trois directions.
La prière de l’un est contagieuse. Voir prier un parent, un ami, un inconnu pose une question essentielle : pourquoi prend-il du temps pour un dialogue intérieur ?
La première est une certitude : la prière de l’un est contagieuse. Voir prier un parent, un ami, un inconnu pose une question essentielle : pourquoi prend-il du temps pour un dialogue intérieur ? L’éducation des enfants passe par la prière. Un père qui se montre pieux, avec discrétion mais sans fausse pudeur, sera un modèle pour ses fils, une mère qui montre sa joie dans la méditation sera un roc inoubliable pour ses enfants. On retrouve la même poussée vers la prière lors des grands rassemblements, les pèlerinages et les chemins partagés vers Dieu. Prier en public donne envie de prier, oui, c’est contagieux, merveilleusement contagieux.
Il est bon de ne pas se sentir seul
Le deuxième enseignement est celui de l’espérance. On est continuellement sous le flux des informations, de cette instantanéité des réseaux et la pression d’un temps qui ne laisse pas d’arrêt, le temps de l’ennui, de liberté de penser. L’inconnue qui prend le temps de prier dans un train a laissé son téléphone, elle n’a pas mis d’écouteurs dans ses oreilles pour meubler le silence par une musique quelconque et elle a tout simplement entamé un dialogue intérieur, celui qui l’a rapproché de Dieu. « Le temps est court, nos jours s’en vont mais tu prépares ta maison, tu donnes sens à nos désirs, à nos labeurs un avenir » chante-t-on aux vêpres. S’arrêter, prier nous refait devenir des pèlerins heureux et plein d’espérance sur le chemin de la vie.
Enfin, qu’il est bon de ne pas se sentir seul. Nous sommes baptisés dans une Église universelle et nous avons besoin du soutien, celui de nos prêtres, de nos amis paroissiens, des membres d’une équipe de prière ou d’évangélisation mais quelle étonnement quand la providence nous fait prier avec l’inconnue, c’est une révélation très concrète de cette communion des saints qui nous relie depuis plus de vingt siècles à l’immense foule des chrétiens.
Un voyage intérieur
Merci chère inconnue et prions pour vous, prions avec vous, avec tous ceux qui s’arrêtent pour demander, remercier, louer, adorer, qu’ils soient dans un train, un métro ou à bicyclette ou en route vers la lune !
P.S. Chère inconnue, vous le savez, c’est une histoire vraie et vous avez lu ce texte en avant-première. Grâce à vous, nous ne sommes pas uniquement allés de Paris à Marseille, nous avons effectué un voyage intérieur, à l’image, toute relative bien sûr, des pieux pèlerins des temps passés et d’aujourd’hui. Mieux que le Club Med !