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Elle avait semblé régresser depuis six ans. Voici malheureusement le grand retour des pyrales, ces papillons dont les chenilles attaquent avec férocité les feuilles de buis. Il devient de plus en plus compliqué voire parfois impossible de trouver des massifs sains de ce feuillage précieux à huit jours de Pâques. De l’avis de certains jardiniers, la question se pose : faut-il s’acharner dans un combat dont la victoire semble incertaine, ou se résigner à planter d’autres essences ?
Un symbole menacé ?
Depuis des générations, rameaux à la main, nos églises se remplissent de ce parfum boisé des branchages de buis fraîchement coupés. La couleur des petites feuilles, d’un vert profond, est le signe d’un printemps qui est tant attendu. Les branches, elles, seront accrochées sous un crucifix, une icône, une image, rappelant ce jour de l’entrée de Jésus à Jérusalem, voisin de la Passion, et l’Espérance qui en sourd. Que faire donc si l’on manque de buis ? Se souvenir d’abord qu’aux portes de Sion, la foule qui acclame, agite des feuillages d’oliviers ou des palmes et que sur la plupart des parvis de la terre, la célébration se fait avec toutes sortes d’espèces, sans que cela pose à quiconque un problème de conscience, et, aux cérémoniaires, de tracas particulier.
Mais ces changements qui interviennent sous nos yeux ne cessent de nous rappeler que la nature, notre nature, est profondément fragile. L’histoire de la pyrale est assez exemplaire de la manière dont cette fragilité, inhérente à l’état de nature, se voit amplifiée par nos manières de vivre. Ce petit papillon a débarqué en Europe en 2007. Son invasion fut fulgurante. Originaire d’Asie, il a colonisé une grande partie du continent européen et s’est établie à ce jour dans plus de trente pays. La pyrale est arrivée jusqu’à nous par les voies du commerce. En Chine, elle a progressé d’abord des forêts vers les zones horticoles puis, par elles, vers les villes dans les jardins publics et toutes ces installations artificialisées qui donnent à nos cités des petites touches de verdure. Puis elle prit la mer pour gagner les ports occidentaux et s’installer sur l’ensemble des territoires desservis. La voici donc mettant à mal un symbole de nos rites catholiques, tout autant que les jardins « à la française ».
La renaissance de la nature
Ce n’est certes pas la première fois qu’en matière de cultures, des champignons ou des chenilles voyagent ainsi d’un continent à l’autre et détruisent vignes, bois et paysages. Les contrôles sanitaires en matière de produits alimentaires, animaux ou horticoles, se multiplient aux frontières. Mais les échanges sont désormais si vastes qu’on a souvent le sentiment d’élever des digues de sable lorsque la marée monte.
Ce ne sont pas ces rameaux qui nous assureront la victoire, mais Celui qui les bénit en nous révélant ce chemin de lumière sur lequel il nous appelle.
La crise du buis nous montre combien il est essentiel, dans les choses les plus modestes, de demeurer attentif à ce que nous consommons, à ce que nous désirons comme biens matériels afin de décourager le plus possible l’anarchie qui s’installe et la folie qu’elle occasionne en matière de pollution et de gâchis. Elle nous invite aussi, pour les croyants, à ne jamais confondre les symboles qui peuplent la célébration de notre foi, avec celui qui est célébré. Qu’ils soient de buis, d’olivier ou de toute autre essence, ce ne sont pas ces rameaux qui nous assureront la victoire, mais Celui qui les bénit en nous révélant, par la renaissance d’une nature de plus en plus maltraitée, ce chemin de lumière sur lequel il nous appelle et qu’il ouvre, par nous, à tous.