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Le prix Sésame distingue des églises où coexistent des activités profanes et cultuelles

Le centre d'interprétation du vitrail dans l'église Saint-Hilaire, à Mortagne-sur-Sèvre (Vendée).

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Anne-Sophie Retailleau - publié le 27/06/23
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La Fondation du patrimoine a dévoilé le 26 juin les lauréats de la première édition de son prix Sésame, prix qui récompense onze initiatives originales pour sauvegarder le patrimoine religieux en France. Une étape supplémentaire dans la promotion des usages mixtes des églises, entre activité cultuelle et activité profane, pour leur assurer un avenir.

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Un centre d’interprétation du vitrail, un point d’accueil pour les demandeurs d’asile ou encore le lieu d’une exposition de crèches provençales. Autant d’initiatives pour la sauvegarde du patrimoine religieux récompensées par le prix Sésame initié par la Fondation du Patrimoine. Pour cette première édition du prix, parrainé par Stéphane Bern, la Fondation a remis aux lauréats leur récompense à l’occasion d’une cérémonie à Paris le 26 juin. 

"Il n’y a aucune raison de penser qu’il n’y a pas d’avenir pour les lieux de culte", affirme Guillaume Poitrinal, président de la Fondation du Patrimoine. Avec le prix Sésame, la Fondation veut promouvoir une solution originale pour sauver les édifices cultuels de l’abandon: diversifier les usages de ces lieux, pour les faire revivre. Si des initiatives concernant des temples protestants et des synagogues ont été récompensées, la grande partie se rapporte à des édifices catholiques. Car avec au moins 42.000 églises paroissiales en France, dont 95% sont la propriété des communes, souvent rurales et modestes, se pose la question de la pérennité de ces lieux dont la fréquentation a fortement chuté ces dernières décennies. "Beaucoup de ces édifices toujours affectés au culte sont en réalité fermés la plupart du temps", précise Bertrand de Feydeau, vice-président de la Fondation du patrimoine et président du jury.

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Respecter "l’esprit des lieux"

Autre problème : les fusions de communes sont de plus en plus nombreuses. Une communauté de communes peut ainsi se retrouver à devoir entretenir trois à quatre églises sur son territoire. À l’avenir, les risques d’abandon de bon nombre de ces édifices pourraient se multiplier. Mais il est encore temps, explique Bertrand de Feydeau. Car contrairement à certains pays anglo-saxons, la France ne connaît pas encore d’importantes vagues de désacralisation. Si cela devenait une réalité, la conséquence serait le rachat de ces églises par des personnes privées ou des entrepreneurs qui en disposeraient comme bon leur semble.

C’est ce que cherche à éviter la Fondation du Patrimoine en privilégiant des usages mixtes des lieux de culte, afin de persuader les communes de l’intérêt qu’elles ont à entretenir ce patrimoine. "Les communes cherchent aujourd’hui des motifs pour entretenir ce patrimoine, poursuit Bertrand de Feydeau. Nous voulons permettre une réappropriation des lieux par les habitants, avec des utilisations qui soient compatibles avec le culte, qui ne le perturbent pas."

L'église Notre-Dame des Victoire à Lille va accueillir dans un espace aménagé et séparé de l'espace réservé au culte un service d'accueil de jour pour des migrants et demandeurs d'asile.

Respecter "l’esprit des lieux" est une condition essentielle à laquelle s’attache la Fondation. Pour s’assurer que le partage des lieux de culte avec d’autres activités profanes se fait avec le respect nécessaire, plusieurs critères ont été retenus. "D’abord, nous vérifions que ce projet s’est réalisé dans un esprit consensuel : il faut que toutes les parties concernées aient été consultées : la commune, l’affectataire, c’est-à-dire le curé de la paroisse, et l’association qui propose l’activité". Autre condition, ces projets doivent servir la communauté sur le plan social et économique. "Il faut que ce projet soit bénéfique, qu’il ait effectivement abouti à une meilleure fréquentation de l’édifice. Surtout, cette fréquentation doit bénéficier à l’environnement : les habitants, les commerces, les restaurants sur la place du village. Tous ces critères appliqués devraient permettre de ne pas se tromper, même si bien sûr il peut toujours y avoir des erreurs." 

La question des usages mixtes des lieux de culte a progressivement émergé comme une solution pragmatique pour empêcher une désacralisation massive des églises de campagne. Mais elle suscite des débats. Pour le père Gautier Mornas, directeur du département art sacré de la Conférence des évêques de France (CEF), ce partage des usages est une nécessité qui n’est pas incompatible avec la pratique du culte. "Il faut œuvrer à la resociabilisation de nos églises, et sortir de l’idée qu’il ne peut y avoir que la célébration de la messe."

Bientôt des Etats généraux du patrimoine religieux

Reste à savoir si le droit autorise ces usages. Selon la loi de 1907, les lieux de culte catholique sont à usage exclusif du culte. "Quand cela est nécessaire pour respecter la loi de 1905, les lauréats que nous avons récompensés ont signé des conventions qui nécessitent une autorisation de l’affectataire", répond Bertrand de Feydeau. En effet, seul le curé de la paroisse est habilité à décider quel type d’activité peut être exercé dans une église. "Ce sont toutes les activités qui élèvent, précise le père Gautier Mornas, notamment lorsqu’elles sont caritatives." Toutefois, il n’existe pour le moment aucune règle définie par l’Église pour aider les prêtres à discerner. "Ces critères sont à affiner", reconnaît le père Mornas. La CEF devrait se pencher sur le sujet à l’occasion des États généraux du patrimoine religieux qui débuteront en septembre 2023. Mais les catholiques, peu habitués à ces nouvelles solutions, sont parfois inquiets de ces usages mixtes. "Les États généraux devront être l’occasion de faire de la pédagogie" autour de ces usages, juge encore le prêtre. 

Avec le prix Sésame, la Fondation du Patrimoine espère insuffler un mouvement de réappropriation des édifices religieux, et inspirer de nouvelles initiatives locales. Il y a quelques mois, Roselyne Bachelot, ancienne ministre de la Culture, prévoyait la disparition d’une partie du patrimoine religieux. C’est peut-être d’abord aux catholiques, pierres vivantes de l’Église, de déjouer ces prédictions.

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