"Même si je viens en fauteuil roulant, je viens", a affirmé le pape François aux organisateurs des JMJ, selon Mgr José Ornelas Carvalho, évêque de Leiria-Fatima. Étant données les difficultés de mobilité du pape de 86 ans souffrant du genou, le trajet pour franchir les quelque 130 kilomètres entre Lisbonne et Fatima pourrait se faire en hélicoptère, a glissé l’évêque. Hypothèse que le Saint-Siège n’a pas encore confirmée.
Ce sera la deuxième visite du pape François au sanctuaire marial portugais depuis son élection, après son voyage apostolique des 12 et 13 mai 2017, à l’occasion du centenaire des apparitions de la Vierge Marie aux trois pastoureaux Lucia Santos, Francisco et Jacinta Marto.
Dès son accession au trône de Pierre, le pontife argentin a tissé un lien particulier avec Fatima. À sa demande, le 13 mai 2013, celui qui était alors le patriarche de Lisbonne, le cardinal José Policarpo, y avait présidé une consécration du pontificat à la Vierge Marie. Puis le 25 avril 2018, lors d’une audience générale, François a béni et couronné une statue de la Vierge de Fatima destinée à une paroisse italienne. Un mois après le déclenchement de la guerre en Ukraine, le pontife argentin a décidé de consacrer la Russie et l’Ukraine au Cœur immaculée de Marie – suivant le fameux "deuxième secret" de Fatima –, durant une célébration pénitentielle le 25 mars 2022 dans la basilique Saint-Pierre. Le même geste a été accompli le même jour depuis le sanctuaire de Fatima, par l’aumônier apostolique le cardinal Konrad Krajewski.
Les papes en visite à Fatima
Avant François, trois pontifes ont foulé les terres de Cova da Iria. Le premier, Paul VI, s’y est rendu le 13 mai 1967, à l’occasion du cinquantième anniversaire des apparitions reconnues officiellement par l’Église catholique en 1930. Il remit une "rose d’or" à la Vierge du rosaire.
Jean Paul II, pour sa part, a visité Fatima par trois fois (1982, 1991 et 2000). Karol Wojtyla s’est attaché tout particulièrement au sanctuaire portugais après l’attentat dont il a réchappé de justesse le 13 mai 1981, place Saint-Pierre. Le pape polonais, frappé par les coïncidences de dates, y vit un signe que la Vierge Marie avait dévié la balle mortelle tirée par un tueur à gage. L’année suivante, le 13 mai 1982, il se rendit en personne à Fatima pour exprimer sa reconnaissance à la mère de Dieu. Jean-Paul II y retourna neuf ans plus tard, les 12 et 13 mai 1991 ; puis les 12 et 13 mai 2000, pour célébrer la béatification des trois voyants.
Enfin, son successeur Benoît XVI s’est rendu en mai 2010 à Fatima, pour le dixième anniversaire de la béatification des pastoureaux. Mais dès avant son élection, en tant que cardinal Joseph Ratzinger, préfet de la congrégation pour la Doctrine de la foi, c’est lui qui fut chargé par le pape Jean-Paul II de rendre public le troisième et dernier secret des apparitions de Fatima, à l'occasion du Grand Jubilé de l’an 2000.
Les papes et les secrets de Fatima
Le lien particulier entre le sanctuaire portugais et le siège de Pierre s’explique d’ailleurs en partie par l’histoire des pontifes avec les fameux "secrets de Fatima". La Vierge Marie a révélé ces trois secrets aux enfants bergers : le premier était une vision de ce qu’était l’enfer ; le deuxième, une demande de consacrer la Russie à son cœur immaculé ; le troisième une scène apocalyptique décrivant notamment le pape dans une ville en ruines.
Dans le deuxième "secret", qui décrit une nouvelle guerre pire que la Première Guerre mondiale, la Vierge Marie demande de consacrer la Russie pour éviter que le pays ne répande "ses erreurs à travers le monde" en détruisant des nations. "Si on accepte mes demandes, dit la mère de Dieu, la Russie se convertira et l’on aura la paix."
En venant à connaissance de cet avertissement, Pie XII le prend au sérieux et le 31 octobre 1942, en pleine Deuxième Guerre mondiale, il consacre le monde au cœur immaculé de Marie – mais sans citer nommément la Russie. Dix ans plus tard, le 7 juillet 1952, il renouvelle la consécration dans une lettre apostolique, cette fois en mentionnant "tous les peuples de la Russie".
Puis Paul VI est sollicité dès son élection par des évêques pour procéder à une nouvelle consécration de la Russie pendant la Guerre froide, ce qu’il fait le 21 novembre 1964. Dans ce même esprit, Jean-Paul II préside un "acte de consécration" du monde le 7 juin 1981 à Rome, qu’il renouvelle le 13 mai 1982 à Fatima, et le 25 mars 1984 place Saint-Pierre, en union avec tous les évêques de la planète.
Le "troisième secret", qui lui aussi a fait couler beaucoup d’encre, traite de la persécution contre l’Église et contre le successeur de Pierre. Il a été révélé tardivement à la demande de Jean-Paul II, le 26 juin 2000. C’est le cardinal Joseph Ratzinger qui en fit l’annonce, assortie d’un commentaire théologique. Le préfet allemand explique entre autres qu’il ne s’agit pas d’un film pessimiste sur l’avenir mais que ce secret invite à "mobiliser les forces pour tout changer en bien". Même après sa renonciation, Benoît XVI a dû revenir sur ce secret dont il fut l’émissaire. Dans une lettre du 15 mars 2016 à l'historien Yves Chiron, retranscrite dans son livre Fatima Vérités et légendes (éd. Artège, 2017), alors qu’il est désormais pontife émérite, il certifie, en référence aux allégations qui circulent parmi certains groupes catholiques, "qu'un quatrième secret de Fatima n’existe pas".