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À première vue, c’est un escrimeur comme un autre. Veste blanche, masque de protection noire, fleuret dans la main… Et pourtant, ce que ses adversaires des Championnats d'Europe vétérans d'escrime, qui se déroulent cette semaine à Thionville (Moselle), ne savent pas, c’est que Franck Ruffiot est en réalité prêtre. Âgé de 45 ans, il est au service de plusieurs paroisses catholiques du doyenné des Plateaux de Vesoul, dans le diocèse de Besançon, vicaire épiscopal et enseignant en théologie à Paris. Mais une fois par semaine, il troque ses habits de prêtre pour s’adonner à sa passion : l’escrime. "Je pratique depuis une dizaine d'années, confie-t-il à Aleteia, après avoir découvert ce sport par hasard lors de mes études à Fribourg, en Suisse." Lui qui voulait s'initier au tir sportif s'est rabattu sur l'escrime... faute de cours. "J’ai tout de suite accroché !", confesse Franck Ruffiot, qui est aujourd'hui vice-champion de Bourgogne-Franche-Comté pour sa classe d'âge. "Ce sport, à la fois noble et exigeant, sait transmettre les belles valeurs de la combativité et du respect des adversaires, alliant stratégie, technicité des gestes et puissance physique", précise-t-il.
S'il existe trois armes à l'escrime, l'épée, le fleuret et le sabre, c'est le fleuret que préfère l'abbé Ruffiot car "il permet, grâce à des règles conventionnelles de priorité, une sorte de dialogue entre les deux adversaires offrant un jeu de questions (les attaques) et de réponses (les parades)". Le prêtre s'alignera dans cette discipline... ce dimanche dans la catégorie "vétérans 1", réservée aux 40-50 ans. Environ 1.500 athlètes croiseront le fer lors de ces compétitions, dont plusieurs champions olympiques. L’abbé qui fait aussi de la moto assure que lorsque ses adversaires apprennent qu’il est curé, ils ont toujours une attitude bienveillante envers lui. Cela ne veut pas pour autant dire qu’ils le laissent gagner.
Du combat spirituel au combat sportif
À ceux qui s’étonnent de voir un prêtre croiser ainsi le fer, l’abbé répond : "L’Église ne se désintéresse d’aucune activité humaine : il est donc bien normal qu’un prêtre prenne part à la vie associative et pratique un sport. Il me semble bon, voire nécessaire, que les prêtres aient une activité en dehors de leur apostolat, de leur mission : cela leur accorde une forme de repos tout en les ancrant dans une autre proximité avec leurs contemporains". "Dans l’escrime, qui reste un sport de combat, il faut comme dans la vie spirituelle combattre, se corriger, écouter les conseils des autres, avoir une progression", explique le licencié du Cercle d'escrime de Rioz. Et de citer le psaume 44 : "Guerrier valeureux, porte l'épée de noblesse et d'honneur ! Ton honneur, c'est de courir au combat pour la justice, la clémence et la vérité".
On peut allier symboliquement le combat sportif au combat spirituel.
"Je ne suis pas un chevalier ni un saint mais je pense qu’on peut allier symboliquement le combat sportif au combat spirituel", sourit-il, précisant que l’escrime n’est pas pour lui une fin en soi. "Si ce sport peut me donner plus d’élan et de force pour servir mes paroissiens et pour me rapprocher de Dieu… allons-y !". S’il n’est pas non plus aumônier du sport, il répond volontiers aux questions de ses camarades sur la foi et même baptise et marie des compétiteurs. "Il m’arrive aussi de bénir symboliquement les armes de mes camarades avant la compétition pour demander à Dieu qu’on soit tous fair-play et qu’on ne se blesse pas".
À quelques jours de son premier duel, il assure ne pas invoquer un saint en particulier. Néanmoins, c’est l’archange saint Michel, patron des escrimeur, qui veillera sur lui ce dimanche. Un écusson représentant le saint est brodé en effet sur les tenus d’escrime du prêtre.
Franck Ruffiot n’a pas non plus de prières spécifiques qu’il récite avant ses duels : "Je réserve les prières pour autre chose que l’escrime : pour mes paroissiens, pour la paix dans le monde...". S’il ne participe pas souvent aux compétitions, car la plupart se déroulent le dimanche, il aborde avec humilité cette compétition : "Si je n’ai pas la première place, la dernière me convient très bien. Les derniers seront les premiers… N’est-ce pas ?", sourit-il.