Le père Norberto Pozzi est né en 1952. À 71 ans, ce missionnaire Carme Déchaux, originaire de Lecco (près de Milan en Italie, ndlr), ne se ménage pas. Au contraire, il a choisi de vivre son sacerdoce à des milliers de kilomètres de chez lui, dans les villages reculés de Centrafrique. À peine âgé de 30 ans, alors qu’il rompt ses fiançailles, le père Norberto décide de partir avec les frères Carmes Déchaux en tant que volontaire dans ce pays enclavé entre le Sud-Soudan, le Tchad, la RDC et le Cameroun. Quittant tout, il participe à la construction de chapelles, d’écoles et d’un séminaire à Bozoum et entre dans l’Ordre huit ans plus tard.
Ordonné en 1995, il se consacre à l’évangélisation des villages de la savane, multipliant les prêches et les actions d’aide à la population, sans relâche et malgré le danger, pourtant omniprésent. La Centrafrique est en effet en proie à la violence, déchirée entre groupes ethniques et factions rivales. À plusieurs reprises, le père Norberto manque de perdre la vie en une fraction de seconde. Il échappe à la mort au cours de trois embuscades tendues par des groupes armés sur le bord de la route, alors qu’il se rendait dans ses différents lieux de mission. La première fois, les balles tirées depuis la route se fichent dans l’appui-tête du siège. Lors de la deuxième embuscade, ce sont cette fois-ci dans la boîte de vitesses qu’on les retrouvera, et la dernière embuscade a failli se transformer en enlèvement. La Providence semble définitivement étendre sur le père Norberto sa main protectrice.
Missionnaire, vocation à haut risque
Le samedi 10 février 2023, le père Norberto décide de se rendre dans un village situé à 55 kilomètres de Bozoum afin d’y célébrer la messe. Il se place au volant de son véhicule, accompagné d’un frère, le Frère Igor, et de quatre ouvriers qui devaient effectuer des travaux dans l’école dudit village. Alors qu’il n’avait effectué que quelques kilomètres, la voiture est balayée dans le souffle d’une monumentale explosion. Le père Norberto et ses passagers viennent de sauter sur une mine. Le frère Igor parvient à s’extraire de la voiture dans un nuage de poussière, ainsi que les ouvriers. Mais le père Norberto lui, est inconscient. Ses deux jambes sont grièvement blessées par le choc, entraînant une forte hémorragie. Transporté in-extremis à l’hôpital de Bozoum, le père est pris en charge en urgence, mais le manque de moyens de cette petite structure empêche de l’opérer.
En attendant un hélicoptère des Nations Unies capable de le transporter à l’hôpital de Bangui (capitale), le père Norberto reste dans un état critique, aux portes de la mort. Le père Federico Trinchero, basé au Carmel de Bangui, fait donc célébrer la messe pour son confrère. "En prononçant les paroles de la consécration, "Ceci est mon corps... c'est mon sang...", je pense à mon confrère qui les vit dans sa chair en ce moment : il perd physiquement une partie de son corps, il verse réellement son sang pour l'Afrique, pour l'Église, pour les plus pauvres, pour les fidèles du village de Bokpayan pour qui il aurait aimé célébrer l'Eucharistie", confie-t-il dans les Nouvelles du Carmel de Bangui.
"Qu’ils sont beaux, les pieds du missionnaire !"
De nombreux fidèles se rassemblent afin d’obtenir la guérison du père Norberto, à qui l’onction des malades est administrée. Dans la matinée, l'hélicoptère des Nations Unies du contingent bangladais arrive et transporte le père Norberto à Bangui, à l'hôpital militaire des casques bleus. L’amputation du pied gauche, gravement touché, s’avère inévitable.
Pourtant, une fois réveillé, c’est à peine si le père Norberto évoque son pied. "Il ne me parle pas du pied qui n'est plus là, mais de son désir de retourner en Centrafrique et de terminer la construction d'une église dans un village", témoigne le père Federico. "Il me dit qu’il faudra que quelqu'un puisse continuer son œuvre parmi les chrétiens de la savane. Et quand je lui partage tous les messages que j'ai reçus, de tant d'amis connus et inconnus, il se dérobe, presque gêné par une si soudaine notoriété. Et il me dit que lui, grand et musclé, n'est qu'un petit homme."
Rapatrié en Italie pour y être soigné, le père ne demande pourtant qu’à repartir en Centrafrique. "Qu'ils sont beaux les pieds du messager annonçant la paix sur les montagnes, du messager de la bonne nouvelle annonçant le salut : telles sont les paroles du prophète Isaïe qui chantent la beauté des pieds de tout missionnaire qui proclame l'Évangile et apporte la paix là où il y a la guerre. Pour proclamer l'Évangile et apporter la paix là où il y a la guerre, un de nos frères a vraiment risqué sa vie", conclut le père Federico.